Le président Américain l’a décidé, l’anglais doit rester la seule langue nationale officielle aux États-Unis, par un décret signé début mars. Pourtant, dans ce pays, 69 millions de personnes parlent une langue autre que l'anglais, et 26 millions d'entre elles ne maîtrisent pas suffisamment la langue officielle selon les données du recensement de 2023. C’est cette population qui a le plus de difficultés à accéder aux soins et qui a besoin d’aide pour comprendre le système de santé et se faire comprendre des soignants. Si, bien sûr, de plus en plus d’infirmiers/infirmières et médecins parlent l’espagnol, il n’en reste pas moins qu’entre 350 et 430 langues sont parlées aux États-Unis, ce qui en fait l’un des pays le plus diversifié sur le plan linguistique (1).
En 2000, le président Bill Clinton avait signé un décret visant à améliorer l'accès aux services fédéraux pour les personnes ayant une maîtrise limitée de l'anglais (2). Il s’appuyait sur des études montrant que l'assistance linguistique dans la relation soignants-patients améliore la satisfaction des patients, réduit le risque d’erreurs médicales, les diagnostics erronés et les complications à moyen et long terme. Mais ce n’est pas tout, les services de traduction permettent également au système de santé de réaliser des économies en réduisant les séjours à l'hôpital et les réadmissions.
L’abrogation de la directive Clinton a été l’une des premières décisions du président Trump. Certaines agences fédérales qui s’occupent de la santé ont diminué drastiquement les budgets de traduction. Néanmoins, le bureau des droits civiques (3) informe toujours les patients de leur droit à une assistance linguistique lorsqu'ils récupèrent une ordonnance, souscrivent à une assurance maladie ou consultent un médecin. Il précise qu’il est interdit de recourir à du personnel non formé, à des membres de la famille ou à des enfants pour assurer l'interprétation lors des consultations médicales.
De l’intelligence artificielle, revue et validée
Quelle serait la solution ? L’intelligence artificielle (IA) semble devenir le nouvel élément indispensable de la relation soignants-patients non anglophones. Le bureau des droits civiques précise que « les progrès dans la disponibilité de l’IA offrent des opportunités considérables pour améliorer les programmes d’aides publiques et accroître l’efficacité et l’efficience ». L’administration américaine précise quand même que ces traductions doivent être relues par un traducteur humain qualifié afin d’en garantir l’exactitude, « lorsque l’exactitude est essentielle », « lorsque les documents ou matériaux sources contiennent un langage complexe, non littéral ou technique ».
En cas d’utilisation de l’IA, les patients doivent être avertis que le document traduit peut contenir des erreurs
Mais comment faire dans des situations d’urgence ? Il est précisé « qu’il peut être raisonnable d’utiliser la traduction automatique pour communiquer avec une personne, en attendant qu’un interprète qualifié soit identifié. Toutefois, compte tenu de l’importance de la communication et de la compréhension dans le domaine des soins de santé et des services, dans de telles circonstances, la traduction automatique doit être vérifiée par un traducteur humain qualifié dès que possible ». Néanmoins, l’agence précise que tous les documents et toutes les situations ne présentent pas le même niveau de risque pour les droits ou la sécurité des patients. Si la traduction automatique est utilisée dans des circonstances qui ne nécessitent pas la relecture d’un traducteur qualifié, « les patients doivent être avertis que le document traduit peut contenir des erreurs ».
Un risque avec les termes techniques
En France, le référentiel de la HAS (4) sur l’interprétariat linguistique dans le domaine de la santé de 2017 ne prend pas en compte l’IA dans la relation médecins-patients ne maîtrisant pas le français. Aucune thèse sur le sujet n’a été réalisée à ce jour. Néanmoins, la pratique montre que même si l’IA a considérablement progressé ces dernières années et s’est révélée être un outil précieux pour rationaliser la communication dans les environnements médicaux multilingues des problèmes sont soulevés en pratique quotidienne : erreurs de traduction, termes techniques, acronymes médicaux ou dosages de médicaments), difficultés avec les langues moins courantes (ukrainien par exemple), protection des données et de la vie privée, responsabilité juridique et éthique, enfin dépendance excessive à l’égard de la technologie (alors même que les accès internet sont souvent peu efficients dans les hôpitaux).
Dr Isabelle Catala
(1) https://share.america.gov/fr/la-richesse-linguistique-une-caracteristique-des-etats-unis/#:~:text=Entre%20350%20et%20430%20langues,non%20lucratif%20Traducteurs%20sans%20fronti%C3%A8res
(2) https://www.federalregister.gov/documents/2000/08/16/00-20938/improving-access-to-services-for-persons-with-limited-english-proficiency
(3) https://www.hhs.gov/sites/default/files/ocr-dcl-section-1557-language-a…
(4) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2017-10/interpretariat_dans_le_domaine_de_la_sante_-_referentiel_de_competences....pdf
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