Des échanges réguliers mais un partenariat contractuel toujours fragile et des relations en dents de scie… C’est ce qui ressort de l’enquête de l’URPS ML francilienne, que révèle Le Quotidien, sur la foi de plus de 1 100 réponses* de praticiens libéraux de la région Île-de-France.
Premier enseignement : le contact, via les mails, est majoritairement régulier entre les médecins franciliens et leur caisse primaire. C’est en tout cas ce que répondent plus de la moitié des médecins interrogés (54 %) même si 6 % du panel estime en recevoir « trop souvent ». À l’inverse, 4 % des médecins déclarent n’avoir jamais reçu de courriel et un tiers (36 %) en héritent « de temps en temps ».
Des informations jugées utiles mais pas tout le temps
Des échanges et des infos, certes, mais pour quelle utilité dans leur pratique ? Bonne nouvelle pour la Sécu, les avis sont majoritairement positifs. En effet, deux tiers des praticiens admettent ici que les informations fournies par leur caisse leur sont « de temps en temps » utiles et 18 % qu’elles le sont « régulièrement ». Parmi les répondants, 3 % estiment même qu’elles le sont « tout le temps ». À l’inverse, seuls 14 % des sondés estiment que les informations délivrées ne leur sont « jamais » utiles. Ce qui n’empêche pas la grande majorité des praticiens (90 %) de juger pertinent d’avoir les coordonnées d’un correspondant identifié et joignable dans les mails reçus.
Pas convaincus par les Dam !
L’URPS francilienne s’est ensuite attachée à disséquer la fréquence et la qualité des relations entre les praticiens et les délégués de l’Assurance-maladie (Dam). Si une majorité (57 %), toutes spécialités confondues, déclare connaître son « Dam », les scores sont inversement proportionnels entre généralistes et spécialistes. Ainsi, pour 78 % des spécialistes, leur délégué reste un parfait inconnu, ce qui n’est le cas que de 17 % des omnipraticiens.
Corollaire logique, ces derniers les reçoivent aussi beaucoup plus fréquemment (81 %) que leurs confrères spécialistes (26 %). Pour des résultats en demi-teinte ! En effet, une proportion identique de médecins libéraux (42 %), qu’ils reçoivent ou non leur délégué de l’Assurance-maladie, ne lui attribuent qu’une note allant de 1 à 5 sur 10 (donc au maximum la moyenne). Florilège des critiques formulées : « Dam toujours très aimable mais contenus des entretiens peu informatifs », « cette manie de vouloir nous comparer aux autres en nous distribuant des bonnes ou mauvaises notes »… « Il a rarement la réponse à mes questions mais il a le mérite d’essayer », ironise un autre.
Le médecin-conseil, ce grand inconnu ?
Encore plus délicates, au regard de l’enquête, se révèlent les relations qu’entretiennent les libéraux franciliens avec leur médecin-conseil. Ils sont d’abord 90 % à déclarer ne pas le connaître et seuls 18 % répondent qu’il ou elle est « facile à joindre ». Une grande majorité (78 %) déclare d’ailleurs n’avoir eu aucun contact avec son médecin-conseil durant les douze derniers mois.
Pire, les trois quarts des médecins interrogés ne donnent qu’une note de 1 à 5 maximum sur 10 quant à la question de savoir si les réponses du service médical ont répondu à leurs attentes (lorsque ce dernier a été contacté). Certains verbatims sont accablants : « Vingt appels, 10 mails, 4 ans et pas de résolution d’un problème récurrent de tarification » ; ou encore « 7 ans après mon installation, je découvre que j’aurai un médecin-conseil ».
Les conseillers informatiques jugés compétents
En revanche, contrairement à certaines idées reçues, les téléservices de l’Assurance-maladie marquent des points avec un taux de satisfaction correct. Les médecins ne sont que 8 % à juger qu’ils ne fonctionnent que « rarement » et 42 % « en mode aléatoire ». 38 % des confrères considèrent que ces téléservices fonctionnent « normalement », et même 12 % « très bien ».
Quant à la qualité des réponses données par les conseillers informatiques des caisses primaires en cas de problème, elle est largement saluée. Plus de six médecins sur dix se déclarent satisfaits de la réponse fournie, et leur attribuent des notes globales de 6 à 10.
Des commissions locales qui doivent faire leurs preuves, des litiges à la pelle
Une pomme de discorde dans les relations médecins/caisses réside dans les commissions paritaires locales (CPL), rouages de la vie conventionnelle. Censées être des lieux d’échanges où sont discutées les procédures conventionnelles entre les élus syndicaux et les représentants des caisses primaires, les médecins de terrain déclarent à une immense majorité (94 %) ne pas connaître leurs représentants syndicaux. Surtout, ils sont 81 % à ne pas trouver normal « que seuls les syndicats de médecins signataires soient représentés dans les commissions paritaires locales ».
Ces commissions sont aussi le lieu où se discutent les procédures instaurées contre les médecins jugés « en dehors des clous » par les caisses. Sur ce plan, seuls 23 % des répondants déclarent n’avoir aucun problème à signaler mais 59 % des praticiens disent avoir déjà eu un conflit/litige avec leur caisse. Il s’agit majoritairement de réclamations d’indus (44 %), suivis de problèmes liés aux feuilles de soins (17 %). Le jugement délivré par les praticiens franciliens sur le traitement ou la résolution de ces contentieux est lapidaire. Ils sont 80 % à leur donner une note de 1 à 5 sur 10.
Le dialogue conventionnel ne se limite pas aux négociations nationales. Il concerne aussi les rapports au quotidien qu’entretiennent les médecins avec leur caisse primaire
Dr Valérie Briole, présidente de l’URPS Ile-de-France
Sans doute pas la meilleure manière de nouer des liens durables entre partenaires conventionnels dans un contexte où deux tiers des répondants estiment déjà qu’« au fil du temps », leur relation avec leur caisse primaire est soit « mauvaise et stable (34 %) », soit même « se dégrade (32 %).
Pour autant la profession n’est pas fermée au dialogue. Parmi les pistes énoncées par les sondés, « être joignable plus facilement », « envoyer des courriers moins agressifs lorsqu’on a fait une erreur », et un appel à la bonne foi des médecins. « Notre charge de travail fait qu’il peut nous arriver d’oublier quelques formalités administratives. Il n’y a pas toujours de la mauvaise volonté… », peut-on lire.
« Le dialogue conventionnel ne se limite pas aux seules négociations nationales. Il concerne aussi les rapports au quotidien qu’entretiennent les médecins avec leur caisse primaire », insiste la Dr Valérie Briole, présidente de l’URPS-ML francilienne, à la lumière de cette enquête de terrain. Le message est, semble-t-il passé. « C’est une étude intéressante qui montre que les médecins attendent d’avoir un contact privilégié avec le correspondant de la caisse primaire dont ils dépendent », analyse Albert Lautman, DG de la caisse de l’Essonne. Les directeurs des huit caisses franciliennes et l’URPS-ML ont convenu de réfléchir, ensemble, à la création d’ateliers pratiques sur le sujet. Une étape ?
*Enquête de satisfaction conduite auprès des 20 000 médecins libéraux au premier trimestre 2024.
1 169 médecins ont répondu à cette enquête dont 57 % de médecins généralistes. 62 % des répondants exercent en secteur 1, 24 % en secteur 2 et 14 % sous Optam (option de pratique tarifaire maîtrisée). Les plus anciens se sont installés avant 1990 et les plus jeunes en 2010.
Un carnet de santé numérique privé ? L’onglet de Doctolib jette le trouble, jusqu'au ministère
Le retour à l’hôpital d’une généraliste après 25 ans de libéral
AP-HP, doyens, libéraux : pourquoi le secteur médical quitte X (ex-Twitter) au profit de Bluesky ?
Nouvelles missions infirmières : les médecins sur leurs gardes