LE QUOTIDIEN : Pourquoi le syndicat Ostéos de France a refusé de répondre à la nouvelle enquête de représentativité du gouvernement ?
Dr MARC BAILLARGEAT : Par ce refus, nous protestons contre le manque d’efficacité de la commission consultative nationale d’agrément (CCNA) des établissements de formation en ostéopathie, créée en 2014. Depuis plusieurs années, notre syndicat, membre de cette commission, demande que son travail porte sur la qualité des écoles. Cela exige de pouvoir aller sur site pour vérifier la réalité du terrain. Or aujourd’hui, cette commission se limite à l’étude de dossiers purement déclaratifs. Travailler uniquement sur les déclarations n’a pas de sens car il est impossible d’évaluer correctement les établissements, ni de maîtriser le nombre de praticiens non-médecins formés, d’autant que l’ostéopathie n’est pas reconnue comme une activité médicale. Aujourd’hui, 40 000 praticiens sont autorisés à user le titre d’ostéopathe dont un nombre stable de 1 500 médecins environ depuis le décret de 2007 encadrant cette pratique. C’est beaucoup. Pour nous, cela montre une forme d’impuissance de la CCNA à endiguer sur le terrain ce flux continu d’ostéopathes non-médecins.
Que craignez-vous ?
Des pratiques non conformes aux données acquises de la science. Les décrets de 2007 fixent des limites précises à l’exercice des ostéopathes non-médecins : ils ne peuvent pas par exemple faire des manipulations gynéco-obstétricales ou encore des touchers pelviens. Dans les dossiers déposés par les écoles, aucune dérive n’apparaît donc. Cependant, dans la pratique, nous sommes régulièrement informés, notamment par le conseil national de l’Ordre des médecins et plus particulièrement par sa section santé publique, des pratiques ésotériques, des situations où ces limites réglementaires ne sont pas respectées. Cela révèle un manque de contrôle dans les formations.
Or, il en va de la sécurité des patients qui doit rester une priorité absolue. L’autre enjeu concerne l’avenir des étudiants qui s’engagent souvent après le baccalauréat dans ces formations. Plusieurs rapports ont montré que beaucoup d’entre eux abandonnent après quelques années d’exercice, faute de pouvoir vivre correctement de leur métier, notamment en raison d’un nombre trop important de praticiens. Pour ces raisons, nous tirons aujourd’hui la sonnette d’alarme. Il faut stopper cette dynamique, repenser le système et recentrer les efforts sur la qualité des écoles, avec un véritable contrôle. Si la formation est rigoureusement encadrée et vérifiée, alors nous pouvons être assurés qu’un praticien issu d’une école donnée exerce dans le respect des règles et qu’il possède les compétences adéquates.
Qu’attendez-vous à la suite de ce refus ?
Nous attendons avec l’Ordre des médecins des avancées sur ce sujet. Notre souhait est la mise en place d’une autorité publique indépendante qui aurait un véritable pouvoir de contrôles sur ces écoles dont le nombre a certes diminué depuis la mise en place de la CCNA. Par ailleurs, nous souhaitons que la future instance intègre les syndicats de médecins ainsi que le conseil de l’Ordre, afin de rétablir une gouvernance équilibrée et représentative. Cette décision relève du ministre de la Santé.
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