Un pavé dans la mare des CPTS ! À la veille de sa rencontre avec la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq, jeudi 28 novembre, l’Union française pour une médecine libre (UFML-S) a dévoilé une enquête interne très sévère sur le rapport coût/efficacité de ces collectifs libéraux.
Créées par la loi Touraine en 2016, ces organisations pluripro ont été chargées de missions diverses (accès aux médecins traitants, soins non programmés, prévention, réponse aux crises graves) et sont financées de façon pérenne par l’Assurance-maladie depuis 2019. « Nous voulions des éléments de preuve pour dire que les CPTS, c’est comme l’hydroxychloroquine du Pr Raoult ! Elles fonctionnent sur papier mais pas en réalité », affirme ce mercredi au Quotidien le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, qui n’a jamais fait mystère de son hostilité à ces pools de libéraux censés structurer l’offre libérale dans chaque territoire, en miroir de l’hôpital.
Pendant deux mois, un groupe de travail interne du syndicat (dix médecins) a donc épluché les données de la Cnam et les rapports d’activité des CPTS pour calculer le coût global de ces structures selon leur taille (frais de fonctionnement, financement fixe des missions socles et part variable maximale sur les objectifs optionnels). L’analyse s’est basée sur « 875 CPTS recensées » (incluant les structures en projet ou en négociation avec la Cnam), département par département.
Résultat de cette étude : le coût global des CPTS avoisinerait « 1,7 milliard d’euros sur une durée d’une convention de cinq ans » (soit 350 millions d’euros par an), et même « près de deux milliards d’euros » en cinq ans en extrapolant le calcul à 1 000 CPTS, objectif gouvernemental pour mailler 100 % du territoire national. Or, cingle l’UFML, malgré des accords conventionnels « très généreux », « la première mission prioritaire, l’amélioration de l’accès aux soins, demeure un échec sans équivoque ».
Près de 400 000 euros par CPTS en moyenne
Dans le détail, le budget moyen alloué à chaque CPTS s’élève à près de 400 000 euros par an, un montant qui varie de 287 000 euros pour les CPTS de taille 1 (moins de 40 000 habitants) à 580 000 euros pour les CPTS de taille 4 (plus de 175 000 habitants).
Or, en rapportant cet investissement au nombre d’habitants couverts, l’UFML-S constate l’« aberration manifeste » de ce modèle, jugé immature et très inégalitaire. Dans les régions où les CPTS sont plus nombreuses et de petites tailles, « les coûts explosent en raison des frais de fonctionnement et du volet variable de la rémunération de la CPTS ». Exemple : Paris avec ses 16 CPTS coûtant près de 8 millions par an, présente « un coût maximal/habitant de 3,54 euros ». À l’inverse, le Rhône avec 28 CPTS affiche un coût maximal/habitant de 6,14 euros. « Il y a même un rapport de 1 à 5 selon les territoires, commente le Dr Guillaume Dewevre, secrétaire général de l’UFML, membre du groupe de travail. C’est autant d’argent dévolu aux soins qui est dépensé en coordinateurs et en administratifs ».
À la lumière de son étude, l’UFML-S dénonce une « suradministration » de ces structures qui rémunèrent divers postes (directeur, coordinateur, chargé de mission, référent projet, etc.) pour « des tâches alternatives, au détriment du soin et des consultations au cabinet ». Autre tacle : les activités ludiques et convivialités organisées par les CPTS sont jugées « déraisonnables et irresponsables » en ces temps de restrictions budgétaires. L’étude cite les soirées organisées par certaines communautés bien loin du soin (galas, cocktail party, journées ludiques, activités de relaxation).
Faut-il payer autant les structures administratives pour trouver aussi peu de médecins traitants aux patients »,
Dr Guillaume Dewevre, secrétaire général de l’UFML-S
Malgré ces dépenses, les CPTS seraient loin de remplir efficacement leurs missions premières, en commençant par l’accès au médecin traitant. En épluchant les rapports d’activité, « nous avons trouvé par exemple qu’une CPTS de taille 3 est parvenue à trouver des médecins traitants pour… 9 patients en un an ou encore 83 patients sur deux ans pour une CPTS de taille 4 », illustre le Dr Dewevre. « Faut-il payer autant les structures administratives pour trouver aussi peu de médecins traitants aux patients ? », questionne le généraliste. « Cette mission prioritaire, la première des CPTS, est un échec », résume le Dr Jérôme Marty, pour qui le gouvernement ferait « mieux d’orienter l’argent ailleurs que vers ces organisations ».
Sur ces bases, l’UFML-S compte réclamer « un audit indépendant et précis », par exemple par l’Igas. « S’il montre également que cela ne marche pas, il faudra supprimer les CPTS. À un moment où la médecine a besoin de financement, allouer de l’argent à ces organisations, ce sont des fonds perdus ».
L’objectif d’une évaluation nécessaire fait son chemin, au regard des montants engagés. Le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, pourtant fervent partisan des CPTS, n’a pas hésité à mettre les pieds dans le plat lors des journées nationales des CPTS en octobre dernier à Tours. Pour justifier les investissements pérennes de la Sécu, le DG avait invité ces organisations à « démontrer » leur plus-value. Sollicitée par Le Quotidien, la Fédération des CPTS a refusé à ce stade de commenter cette étude syndicale.
AP-HP, doyens, libéraux : pourquoi le secteur médical quitte X (ex-Twitter) au profit de Bluesky ?
Nouvelles missions infirmières : les médecins sur leurs gardes
La MSA mise déjà sur les délégations
Aide médicale d’État (AME) : dans un centre de PMI en première ligne, deux sénateurs prennent le pouls du terrain