L’idée de Cardiosphère est née d’une « frustration », raconte la Dr Pryscille Kamtchueng, cardiologue interventionnelle et fondatrice du cabinet. « Je cherchais un centre dédié aux maladies cardiovasculaires, thoraciques et métaboliques mais ça n’existait pas en ville, seulement à l’hôpital. » L’épidémie de Covid a accéléré la réflexion : « On a compris que l’hôpital ne pouvait pas tout absorber. Il fallait inventer des alternatives pour soulager le système. » La jeune spécialiste a alors multiplié ses démarches pour obtenir le soutien de l’agence régionale de santé (ARS) et de l’URPS francilienne afin de créer cette structure originale.
C’est ainsi que naît le projet Cardiosphère, qui aboutit fin 2022 à l’ouverture de ce cabinet médical intégré dans le 14e arrondissement de Paris. Sur 400 m2 et deux niveaux, le lieu héberge une équipe pluridisciplinaire et une organisation pensée pour le travail collégial autour de la santé cardiovasculaire et thoracique. Aujourd’hui, 13 médecins y exercent, bientôt 14 : sept cardiologues, deux pneumologues, deux médecins vasculaires, une diabétologue, un médecin du sommeil et un généraliste. « L’intégration du généraliste était un choix presque politique », confie la Dr Kamtchueng. De fait, dans le quartier, deux confrères partaient à la retraite et les habitants manquaient déjà de médecins traitants. « Nous recevons régulièrement des patients incapables de trouver un généraliste qui accepte de nouveaux inscrits. Il nous semblait indispensable d’offrir ce premier recours ».
Moins d’administratif, plus de soin
Ici, les praticiens sont des libéraux et en secteur 2, sauf le généraliste et un cardiologue. Certains cumulent une activité hospitalière, dans le cadre d’un exercice mixte, mais tous partagent le même projet médical et un fonctionnement commun. Pas de bureaux privatifs ni de logiciels épars chacun dans son coin : les locaux, les assistantes médicales, le matériel et le dossier patient sont partagés. Dix box sont utilisés par les 13 médecins, chacun travaillant à temps partiel. L’organisation est orchestrée par une coordinatrice administrative qui gère plannings, ressources humaines et matérielles.
Autour des médecins gravite une armée de huit assistantes médicales, une infirmière à temps plein et deux externes en médecine. L’objectif est que les praticiens, délestés des tâches administratives, se concentrent sur leur cœur de métier soignant. « Nous avons un seul logiciel partagé. Et quand j’ouvre le dossier d’un patient, je vois tout de suite ses consultations de cardiologie, de diabétologie, ses examens respiratoires, même si ce n’est pas moi qui les ai prescrits », résume la Dr Kamtchueng. Cette mutualisation permet de fluidifier le parcours de soins et d’éviter une éventuelle perte d’informations, voire des redondances d’examens.
La communication directe entre médecins fait gagner du temps, et surtout améliore la qualité des soins
Dr Sadjad Rafi, généraliste et maître de stage
La valeur ajoutée se mesure notamment dans la prise en charge des parcours complexes. Ainsi ce patient venu du Mans pour un essoufflement. « Dans la même journée, il a vu un cardiologue, un pneumologue et un médecin vasculaire. Il a passé ses épreuves fonctionnelles respiratoires et réalisé une partie de son bilan préopératoire. Normalement, cela aurait pris des semaines avec plusieurs allers-retours », illustre la spécialiste.
Une telle organisation présente une simplification pour les patients comme pour les praticiens du réseau. « La communication directe entre médecins fait gagner du temps, et surtout améliore la qualité des soins », se félicite le Dr Sadjad Rafi, généraliste et maître de stage, qui travaille deux jours par semaine au cabinet. « Ici, on peut aussi échanger de vive voix, sans passer par des courriers ou des mails interminables », ajoute le praticien de 34 ans, qui affiche un suivi de plus de 700 patients.
Un modèle qui séduit
Depuis son ouverture, le cabinet assure environ 200 consultations par jour, avec des créneaux d’urgence réservés aux patients adressés par les établissements voisins (Saint-Joseph, Montsouris, Cochin). « Quand un service d’urgences nous appelle, nous voyons le patient dans les 24 à 48 heures. »
Cardiosphère a franchi une étape supplémentaire en créant une unité d’insuffisance cardiaque. Le suivi des patients les plus fragiles s’opère en binôme médecin-infirmière. « Celle-ci est formée spécialement pour assurer le suivi rapproché et les adaptations thérapeutiques, décrit la cardiologue. La télésurveillance est utilisée pour détecter les signes précoces de décompensation. » L’objectif est d’éviter les ré-hospitalisations, vécues comme un échec évitable. Ce projet, soutenu par la CPTS locale, a été présenté à l’ARS pour obtenir un label et un financement. « Même sans ce feu vert, nous avons déjà 90 patients suivis dans ce cadre », s’enthousiasme la Dr Kamtchueng.
Cardiosphère développe ainsi un modèle innovant de structure libérale légère. « C’est suffisamment lourd pour porter un projet médical coordonné… mais suffisamment souple pour éviter les lenteurs administratives de l’hôpital », résume la cardiologue. Cette médecine de parcours se développe en cardiologie mais aussi en gynécologie ou en santé mère-enfant.
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