« J’ai pas mal baroudé ». La phrase peut sembler, au choix : banale, cliché, ou prétentieuse. Mais ces mots prennent tout leur sens lorsqu’ils sortent de la bouche d’Alexandre Fuzeau. Ce généraliste normand sillonne le globe depuis des années dans le cadre de la médecine et dans celui des nombreux défis sportifs qu’il a relevés. En 1993, alors interne, Alexandre Fuzeau, se lance dans un tour du monde en stop, à travers la Russie, le Kazakhstan et la Chine. Un « voyage très dangereux et très aventureux » selon l’intéressé, qui lui vaut de figurer dans le Livre Guinness des records pendant une dizaine d’années.
Au sortir de ses études, en 1997 et jusqu’en 2015, le Dr Fuzeau multiplie les expériences, exerçant notamment au sein de la Royal Navy (marine britannique) pour des missions de sauvetage en hélicoptère ou en prison… Depuis trois ans, l’aventurier pratique désormais une médecine plus classique, au sein d’un cabinet de Saint-André-de-l'Eure (Eure), qu’il a repris.
Deux exploits répertoriés dans le « Livre des records »
Ne croyez pas pour autant qu’Alexandre Fuzeau en a fini avec les aventures. À 54 ans, le Normand en a encore sous la semelle. Habitué des marathons (26 épreuves à son actif, avec un record de 3 heures et 34 minutes), des ultra-trails (82 km de course à pied) et des Iron man (triathlons extrêmes où les participants enchaînent 3,8 km de nage, 180,2 km de vélo et un marathon – 42,195 km de course), il s’est lancé il y a cinq ans dans la nage en eau glacée. C’est après s’être rendu compte de son « endurance au froid », notamment grâce à ses performances au marathon, que le médecin a fait ses débuts dans cette nouvelle discipline. « Plus il faisait froid, meilleures étaient mes performances », explique l’aventurier.
Dans ce sport peu connu, dont il est l’un des pionniers en France, « il faut à la fois cumuler la vitesse, la résistance au froid (la température de l’eau est comprise entre 5 et 0 degrés), se battre contre les autres et aussi contre soi-même. C’est très global comme sport », détaille le sportif. « C’est aussi très contraignant, poursuit-il. Il y a beaucoup plus de paramètres à gérer que dans un sport classique. Quand on nage dans une eau à 27 degrés, tout ce à quoi l’on doit penser est d’aller plus vite que l’autre avec une technique aussi bonne que possible. Ce qui fait la noblesse de la nage en eau glacée, c’est qu’il faut à la fois gérer le refroidissement, l’effort, la compétition contre les autres. » Habitué des efforts extrêmes, le Dr Fuzeau confie que l’épreuve sportive la plus dure qu’il ait jamais endurée fut son « premier 1 000 mètres dans une eau à 0,1 degré en simple maillot de bain ». « C’était une lutte à mort contre la glace », ajoute-t-il.
La pratique de ce nouveau sport a permis au médecin d’engranger plusieurs médailles internationales (dont une d’or sur la Ice Cup 2018 ; une compétition internationale sur 26 épreuves) et de figurer une seconde fois dans le Guinness Book des records. En 2019, celui qui est surnommé « Ice Doc » est devenu la première personne de l'histoire à finir un Iron man et à nager un mile (1 609 mètres) en eau glacée à Volendam (Pays-Bas) dans la même année calendaire. Seuls 198 jours ont séparé les deux prouesses. Un exploit qui lui a valu d’être nommé pour le titre de performance de l’année 2019 par la Wowsa (Association internationale de natation en eau libre). Si la récompense ne lui a pas été attribuée, le Normand n’est pas peu fier d’avoir vu son nom cité aux côtés d’autres nageurs de l’extrême.
Pas complètement givré
Au regard des multiples défis sportifs qu’il se lance, on pourrait presque croire que le Dr Fuzeau s’ennuie dans sa vie de médecin. Il n’en est pourtant rien. « Ça me plaît plus que jamais. Je ne m’en lasse pas, c’est vraiment le métier qu’il me fallait », assure le champion. Un enthousiasme pour son métier et dans ses passions qui lui permet, l’hiver (la saison de compétitions de nage en eau glacée s’étend d’octobre à mars), de se motiver deux soirs par semaine pour aller s’entraîner, après des journées pleines au cours desquelles il peut voir jusqu’à « 55 à 60 patients ». « Je finis à 20 h 30, je n’ai pas le temps de manger, je vais directement nager dans un lac où l’eau doit être à quatre ou cinq degrés ». Des entraînements qui lui « donnent de la force et de la résistance pour être performant toute la journée en tant que médecin ».
De quoi interroger ses proches, qui lui demandent souvent d’où vient ce dynamisme. Lui estime pourtant ne pas « en avoir tant que ça ». « Il y a des gens qui ont beaucoup plus d’énergie que moi », jure-t-il.
Se décrivant volontiers comme « givré », le Dr Fuzeau n’en est pas moins une personne réfléchie. Une caractéristique que traduit sa voix posée. Le généraliste de Saint-André-de-l'Eure déteste d’ailleurs les « fous furieux » qui sont pour lui « le contraire » des aventuriers. « Les aventuriers ont en commun deux choses : ils ont plus d’audace que la moyenne, prennent plus de risque mais ils sont dans le même temps plus prudents, plus réfléchis. C’est ainsi qu’ils accomplissent de grandes choses », souligne-t-il.
Développer la discipline en France
Le prochain grand défi du Dr Fuzeau sera de continuer à développer la nage en eau glacée, une discipline qu’il affirme avoir « créée en France » en 2015. Le Normand a déjà grandement contribué à sa médiatisation grâce aux nombreux articles de presse et reportages télé qui lui ont été consacrés (voir ci-dessous). Fondateur de la French Ice Swimming Association, il a également rejoint la Fédération Française de natation en 2017 afin de créer les championnats de France de natation en eau glacée, dont la première édition s’est tenue en 2019. En 2020, la seconde édition a attiré 136 compétiteurs. Alexandre Fuzeau souhaite désormais « encadrer et sécuriser de façon stricte ce sport qui est dangereux ». « C’est mon rôle de médecin », souligne-t-il.
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