L’exactitude est la politesse des rois ! Fidèles à la formule attribuée à Louis XVIII, il est précisément 9 h 30 ce lundi lorsque les deux sénateurs Laurence Rossignol (PS) et Bernard Jomier (Place publique) sonnent à la porte du centre de protection maternelle et infantile (PMI) de Belleville, situé au cœur du 20e arrondissement de Paris. Objectif de leur venue ? Échanger avec les membres du personnel du groupe des œuvres sociales de Belleville (GOSB), alors que la question du maintien de l’Aide médicale d’état (AME) telle qu’elle existe est en cours de débat au Sénat. En effet, la structure de PMI Belleville qui compte un centre de santé et un centre de santé sexuelle et de lutte contre les violences est à l’avant-garde de la prise en charge des mamans et des enfants, dont beaucoup sont sans papiers et en situation de précarité.
Pression des partis de droite
Sous la pression de la droite et du Rassemblement national, le gouvernement a petit à petit lâché du lest sur l’AME. Jusqu’à ce que, la semaine dernière, Michel Barnier annonce une refonte du panier de soins pris en charge, qui sera « sensiblement diminué », et « une réforme de l’AME pour éviter les abus et les détournements » en 2025.
En parallèle, « la majorité sénatoriale soutenue par le gouvernement a même déposé un amendement pour amputer le budget de l'AME de 200 millions d'euros en 2025, déplore Laurence Rossignol. Cet amendement équivaut en d’autres termes à une diminution des soins pour les bénéficiaires de l’AME », poursuit l’élue, à l’unisson du Dr Jomier.
Soutien de l’Académie de médecine et de l’Ordre
« En 2023, notre centre a réalisé environ 1 800 consultations médicales et quelque 1 600 consultations de puériculture. Notre file active est constituée à la fois d’un public de classes moyennes des 19e et 20e arrondissements qui relèvent du régime général de la Sécu mais aussi d’une population précaire, qui elle, dépend de l’Aide médicale d’État », éclaire la Dr Élodie Malvezin. À 43 ans, la généraliste a rejoint la structure bellevilloise en 2010 et constate que cette dernière est une bonne porte d’entrée pour les familles migrantes et vulnérables, à des consultations pour leurs enfants en bas âge. Sans ce centre, ce serait aux hôpitaux déjà saturés de gérer l’afflux des familles démunies. Pour la médecin de Belleville, l’AME joue un « rôle fondamental » dans la préservation d’un semblant d’accès aux soins pour des populations dont un nombre croissant vit à la rue. Ce que confirme la sénatrice Laurence Rossignol qui rappelle que selon les derniers chiffres de la Nuit de la Solidarité, ce sont environ 3 000 femmes et 2 000 enfants, dont beaucoup relèvent de l’AME, qui n’ont d’autre choix que de dormir dehors. Tous ont besoin de soins et de vaccinations préventives. Toutes raisons de santé publique pour lesquelles l’Académie de médecine et l’Ordre des médecins soutiennent l’AME, rappelle Bernard Jomier. « À ce sujet, faut-il intégrer les “enfants AME” dans le régime général ? », demande le sénateur. « La réputation de l’AME fait peur à certains professionnels de santé. Pour beaucoup de médecins, cela peut être bloquant », estime Jérémy Poulard, directeur de l’association des œuvres sociales de Belleville.
Position « idéologique »
Après une heure d’échanges à bâtons rompus avec celles et ceux qui sont en première ligne au chevet des familles, les deux sénateurs sont sur le départ et fourbissent déjà les nouveaux arguments qu’ils déploieront dans l’Hémicycle pour que l’AME ne se transforme pas en aide médicale urgente (AMU). « La posture des détracteurs de l’AME est avant tout une position idéologique, ce qui fait qu’ils restent sourds à nos arguments », déplore Laurence Rossignol. « Après avoir essayé de diminuer le budget, ils essayent désormais de réduire le panier de soins de l’AME », renchérit Bernard Jomier. Le bras de fer ne fait que (re)commencer.
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