Les journées dermatologiques de Paris (6-10 décembre 2011) ont fait le point sur les innovations thérapeutiques en dermatologie, notamment avec de nouvelles utilisations de médicaments déjà existants ou avec la mise en place de nouveaux concepts de traitements. Par ailleurs, ces journées ont permis d’apporter une réponse claire à la polémique concernant les risques associés à la protection solaire (crèmes et pilules anti-oxydantes).
En dermatologie, quelques nouveautés thérapeutiques sont apparues ces derniers temps. Notamment dans le traitement de la pédiculose, avec l’ivermectine, une molécule antiparasitaire déjà utilisée dans certaines parasitoses rares en France, comme l’anguillulose, la filariose lymphatique, etc. Elle est aussi utilisée et indiquée dans le traitement de la gale, pathologie actuellement en recrudescence dans L’Hexagone. Récemment, elle commence aussi à faire ses preuves dans la pédiculose, en cas de résistance aux poux. Cette résistance, disséminée, se révèle par la présence de poux vivants 24 heures après l'application d'un insecticide local. Comparée à l'application de malathion, la prise par voie orale d’ivermectine de montre plus efficace (95 % de patients sans poux après 15 jours, contre 85 % avec le malathion).
Ivermectine : ne pas oublier la seconde prise
Mais attention : « L'ivermectine n'agit que sur les poux (et pas les lentes) : il faut donc traiter les patients en deux fois » explique le Pr Olivier Chosidow, dermatologue à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. « Et en pratique, l'ivermectine ne possède pas d'AMM dans la pédiculose et ne doit être utilisée qu'en deuxième voire troisième ou quatrième intention, après un échec des insecticides locaux et des dispositifs, car nous n'avons pas de recul en terme de sécurité. »
Le vismodegib dans le carcinome basocellulaire
D’autres nouveautés thérapeutiques sont à venir, cette fois-ci dans le domaine des cancers cutanés.
Tout d’abord, en cas de carcinome basocellulaire (CBC), le vismodegib s’avère prometteur. Il inhibe sélectivement la voie de signalisation patched/sonic hedgehog, impliquée dans le contrôle de la signalisation cellulaire, et à l'origine des CBC. Une étude de phase I a montré un taux de réponse de 58 % avec cette molécule. L'étude de phase II ERIVANCE (portant sur 33 CBC métastatiques et 63 CBC localement avancés) a confirmé l'efficacité anti-tumorale du vismodegib, actuellement disponible dans le cadre de protocoles d'essai dans 8 centres en France. « Les effets secondaires les plus fréquents sont la fatigue, la perte du goût, la chute des cheveux et des crampes musculaires » indique le Pr Nicole Basset-Seguin, dermatologue à l’hôpital Saint-Louis, à Paris.
Concernant les carcinomes épidermoïdes, le cetuximab a récemment fait son apparition dans l’arsenal thérapeutique : « inhibant les récepteurs à l'EGF, il peut parfois entraîner une réponse spectaculaire, même si le traitement demeure chirurgical, tout comme pour les CBC » insiste le Pr Pierre Wolkenstein, de l'hôpital Henri-Mondor à Créteil.
Deux molécules efficaces contre le mélanome
Côté mélanome, les nouveautés sont le vemurafenib et l'ipilimumab, qui ont récemment montré leur efficacité sur la survie de certains patients ayant une tumeur de génotype particulier, prouvant l'intérêt du génotypage dans le choix du traitement.
Ainsi, les patients atteints d'un mélanome porteur d'une mutation BRAF voient leur survie augmenter grâce au vemurafenib, disponible sous ATU. Est-ce pour autant une bonne nouvelle d'être porteur de cette mutation ? « Les patients métastatiques porteurs de la mutation BRAF ont une survie de 5,7 mois contre 8,5 pour les non mutés. L'accès au vemurafenib permet de contrebalancer cette conséquence négative » précise le Pr Basset-Seguin. Cependant, même si le taux de réponse est important, on observe malheureusement une reprise de la progression de la maladie après 6 à 8 mois, dans la majorité des cas.
Quant à l’ipilimumab, son association avec la dacarbazine entraîne une survie globale meilleure, mais aussi des effets secondaires plus fréquents. « L'ipilimumab dispose d’une AMM pour le traitement des patients atteints de mélanome avancé, après échec d'au moins une ligne de traitement » indique le Pr Wolkenstein. « Son coût étant de 20 000 euros par dose (un traitement complet de 4 doses équivaut à 80.000 euros), il convient de prendre du recul, même si c'est enfin un moyen d'avoir une réponse en terme de survie globale. »
Rosacée, verrues et aphtose buccale
Quelques nouveautés aussi dans le traitement de pathologies moins graves telles que la rosacée, les verrues résistantes, l’aphtose buccale, avec des molécules déjà connues mais indiquées dans d’autres pathologies.
Ainsi, l'isotrétinoïne, déjà employée contre l'acné, offre des résultats très satisfaisants dans la rosacée papulo-pustuleuse résistant aux traitements classiques. Employée chez des patients ayant résisté à plusieurs mois de traitement à base de cyclines, elle montre à J 112 un taux d'efficacité de 57 % (mesuré par une diminution d'au moins 90 % du nombre de lésions) contre 10 % avec le placebo. « L'isotrétinoïne à faibles doses dans la rosacée présente une bonne alternative sur le court terme, mais on ne connaît pas ses résultats à plus long terme » précise le Pr Chosidow. « Elle ne dispose pas d'une AMM pour cette indication, et le bilan pré-thérapeutique doit être très rigoureux. »
Par ailleurs, dans les aphtoses buccales sévères récidivantes, un traitement par thalidomide à faible dose a été évalué en situation réelle, par une analyse de cohorte multicentrique chez 92 patients. Après 40 mois de traitement, 60 % des patients n’ont pas connu de rechute, ni d'événements indésirables ayant motivé l'arrêt des prises. « L'aphtose buccale récidivante présente une morbidité importante, avec des grandes difficultés des patients pour manger » indique le Pr Chosidow. Et le thalidomide, qui a fait scandale dans les années 1950 et 1960 et aujourd’hui uniquement indiqué dans le myélome multiple, pourrait donc avoir une nouvelle vie dans les aphtoses buccales sévères, sous réserve, bien sûr, de respecter un programme de prévention des grossesses.
Dernier concept novateur : celui de la vaccination anti-HPV en cas de verrues multiples résistantes des mains. Il reste très anecdotique, étant donné que cette expérience n'a concerné qu'un seul patient, chez lequel 3 injections de Gardasil ont permis la disparition de ses verrues. « Sans pouvoir envisager de recommandations à ce stade, on peut d’ores et déjà se poser la question suivante : pourquoi ne pas faciliter la vaccination anti HPV chez les jeunes filles avec verrues multiples et/ou difficiles à traiter en prévention du cancer du col et verrues génitales, bien entendu, mais aussi avec une chance de faire disparaître ces verrues cutanées ? »