Cette année, les Rencontres de pédiatrie pratique ont été rattrapées par l’actualité. Alors que certains orateurs avaient exprimé beaucoup d`attentes vis-à-vis de la vaccination anti-rotavirus, le HCSP vient de lui donner son feu vert pour tous les nourrissons de moins de 6 mois. Mais cette recommandation ne sera pas effective sans un accord préalable sur le prix des vaccins.
En matière de vaccination pédiatriques « l’un des prochains défis sera celui de la vaccination anti rotavirus », a déclaré le Dr Hervé Haas (Nice) lors des dernières Rencontres de pédiatrie pratique (Paris, 31 janvier-1er février 2014). Comme pour lui donner raison, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) vient de recommander cette vaccination pour tous les nourrissons. Après deux avis antérieurs négatifs, le HCSP a donc révisé son jugement dans un sens plus favorable, nouvelles données d’efficacité et de tolérance à l’appui.
Concernant l’efficacité, le HCSP a considéré « l’impact bénéfique, dans les pays industrialisés, de cette vaccination sur les taux d’hospitalisation » ainsi que « les données en faveur d’une immunité de groupe en cas de couverture vaccinale élevée ». En effet, selon une revue de la littérature publiée en 2013, cette vaccination permet non seulement de réduire le nombre d’hospitalisations liées aux gastro-entérites à rotavirus (GEA-RV) de près de 80%, « ce qui est énorme », souligne le Pr Daniel Floret (président du Comité technique des vaccinations), mais elle bénéficierait aussi aux personnes non éligibles à la vaccination (enfants, adolescents, adultes) grâce à l’« effet troupeau » . Avec, à la clé, « une réduction de l’incidence des GEA-RV dans les tranches d’âge non ciblées par la vaccination variant de 17 à 76 % ». Par ailleurs, l’évaluation de l’impact de la vaccination sur la mortalité par GEA-RV – estimée dans des pays à faibles revenus – confirme son bénéfice avec une réduction de mortalité de 22 à 41 % selon les pays.
IIA : un risque « réel mais faible »
Mais ce sont surtout les nouvelles données de tolérance qui ont fait bouger les lignes en permettant une « évaluation désormais précise du risque de survenue d’invaginations intestinales aiguës (IIA) post-vaccination, pour les deux vaccins existants ». Car si, en 2006, la vaccination avait été récusée du fait de l’existence d’autres moyens (en l’occurrence les SRO) pour limiter les formes graves, en 2010, c’est l’émergence d’un signal en faveur d’une augmentation faible du risque d’IIA (et dans une moindre mesure l’identification de circovirus porcins dans les vaccins) qui avaient conduit le HCSP à ne pas franchir le pas.
Or, depuis, l’absence de conséquences sur la santé humaine des fragments de circovirus porcins a pu être établie tandis que de nouvelles données ont permis de mieux appréhender la réalité du risque d’IIA. Des études de sécurité post-AMM conduites au Mexique, au Brésil, en Australie et aux Etats-Unis ont confirmé l’augmentation de ce risque avec les deux vaccins. Mais « comparé à la fréquence des IIA spontanées, ce risque est faible (1 à 6 cas pour 100 000 enfants vaccinés) et essentiellement limité à la période de 7 jours suivant l’administration de la première dose », indique le HCSP.
Le HCSP préconise donc la vaccination des nourrissons âgés de moins de 6 mois selon un schéma vaccinal à 2 doses (2 et 3 mois de vie) pour le vaccin monovalent (Rotarix®) et à 3 doses (2, 3 et 4 mois de vie) pour le vaccin pentavalent (Rotateq®). Malgré certaines études suggérant un risque d’IIA légèrement différents entre les deux vaccins, le HCSP ne donne la préférence ni à l’un ni à l’autre.
En revanche, les experts insistent pour que l’information sur le risque d’IIA soit systématiquement délivrée par les professionnels de santé aux parents des enfants vaccinés. Elle doit « préciser que l’IIA est un phénomène qui se produit de façon spontanée en dehors de toute vaccination contre le rotavirus, mais qu’il existe une légère augmentation de la fréquence de ce phénomène dans la semaine qui suit l’ingestion de ce vaccin » et doit « faire expressément mention des signes cliniques évocateurs d’IIA chez le nourrisson (accès de pleurs, refus de s’alimenter ou de boire, vomissements, pâleur, hypotonie) ». L’observation de ces signes, particulièrement dans les 7 jours suivant l’administration du vaccin, « doit inciter les parents à consulter sans délai pour une prise en charge médicale rapide, si possible en structure pédiatrique adaptée». Selon les experts, une telle prise en charge devrait permettre dans près de 90 % des cas la réduction de l’IIA par lavement, sans recourir à la chirurgie.
La question du prix toujours en suspens
Reste la question du prix, le HCSP émettant cette recommandation « sous réserve d’une politique tarifaire conduisant à des ratios coût/efficacité acceptables ». Sur ce point le Pr Floret se veut plutôt optimiste : « Récemment, deux grands pays européens (l’Allemagne et le Royaume-Uni) ont introduit la vaccination anti-
rotavirus au calendrier vaccinal avec des réductions de prix importantes. La France devrait donc pouvoir en faire autant ».
Mais, avant d’être remboursés, ces vaccins devront encore passer les filtres de la commission de la transparence et du comité économique des produits de santé. En d’autres termes, pour le moment, « cette recommandation n’est pas effective et le vaccin antirotavirus ne sera probablement pas intégré au calendrier 2014… »