Dans le cadre prestigieux de l'Académie Nationale de Médecine à Paris, se sont déroulées les Journées d'hydrologie 2009 qui ont réuni les principaux experts européens de la crénothérapie. Au programme, le résultat d'études scientifiques sur l'efficacité du thermalisme dans la douleur chronique.
Avec la menace toujours planante d'un déremboursement des cures thermales par l'assurance-maladie, des études scientifiques se sont multipliées ces dernières années pour démontrer, avec un niveau de preuve le plus élevé possible, l'efficacité de la crénothérapie dans plusieurs indications, en particulier dans les douleurs rhumatismales. Des études souvent réalisées au niveau européen, dans les principaux pays pourvus de structures thermales renommées comme la Hongrie, la Turquie, la France, l’Espagne et le Portugal. Les journées d'hydrologie qui se sont déroulées récemment à Paris (Académie nationale de médecine, 22 et 23 janvier 2009), ont réuni des experts de ces différents pays pour rendre compte des résultats de ces études portant sur l'efficacité de la crénothérapie dans la douleur chronique.
Critères scientifiques
En préambule de ces journées, le Pr Patrice Queneau, président de la Société française d'hydrologie et de climatologie médicale (Sfhcm) a développé les critères scientifiques d'une étude pour valider une orientation thérapeutique pour une cure thermale : étude prospective avec consentement écrit des malades, effectifs suffisamment nombreux avec un détail des critères d'inclusion et de non-inclusion, à l'insu de l'investigateur, avec des critères de jugement validés comme les échelles de douleur ou fonctionnelles, le niveau de consommation de médicaments et de soins et l'impact sur la qualité de vie des patients. « Une publication dans une revue scientifique reconnue apporte de la crédibilité à ces études », ajoute le Pr Queneau.
Les mystères de l'efficacité de la crénothérapie
Pour autant, quand il s'agit d'étudier l'efficacité de la crénothérapie sur la douleur chronique, l'utilisation thérapeutique des eaux thermales explique-elle seule son efficacité éventuelle ? Par si sûr, selon le Dr Jean Bruxelle, président de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (Sfetd) : « Le vécu des douleurs chroniques est éminemment subjectif avec la participation de facteurs émotionnels, cognitifs, culturels et comportementaux. Le changement de cadre de vie, la réception de soins corporels, l'apprentissage de techniques psychocorporelles comme la relaxation ajoute à l'efficacité des effets spécifiques des eaux thermales… » affirme le Dr Bruxelle. Toujours est-il que les curistes sont souvent fidèles à leurs cures et reviennent régulièrement. Le bénéfice santé apporté par ces cures explique cette fidélité malgré leur coût car seuls sont remboursés les soins médicaux, à défaut des frais d'hébergement et de restauration qui restent à la charge des curistes, représentant les trois quarts de l'ensemble des frais.
Des preuves solides dans les lombalgies chroniques
C'est sans doute dans les lombalgies chroniques que ce bénéfice santé des cures thermales est le mieux démontré à travers plusieurs études scientifiques. Des études qui ont conduit L'Agence nationale d'analyse et d'évaluation en santé (Anaes) à affirmer dans ses recommandations sur la prise en charge des lombalgies chroniques en 2000 (niveau de preuve II, recommandations de grade B) que « la cure thermale conduit à diminuer significativement la douleur, à restaurer la fonction, à améliorer la qualité de vie. ». Le Pr Zeki Karagülle, président de la Société internationale d'hydrologie médicale et de climatologie, rapporte aussi, durant ces journées d'hydrologie 2009, une méta-analyse publiée en 2006 dans la revue Rhumatology pour laquelle trois études ont été retenues incluant 454 patients. Les résultats suggèrent pour ces patients souffrant de lombalgies chroniques « une différence significative entre le groupe traité ayant bénéficié d'une crénothérapie et le groupe contrôle en attente ». Ces résultats ont porté sur la douleur, le handicap, la qualité de vie et la consommation de médicaments.
Efficacité dans la douleur rhumatismale chronique ?
Le Dr Alain Françon, rhumatologue et secrétaire général de la Sfhcm, présente aussi des essais cliniques randomisés, au nombre de 45, concernant le traitement en SPA de la douleur chronique rhumatismale en général. Sont concernées les lombalgies, la gonalgie d'origine arthrosique, les douleurs de l'arthrose digitale, de la fibromyalgie, de la spondylarthrite ankylosante et la polyarthrite rhumatoïde. L'évolution de ces douleurs a été évaluée par une échelle visuelle analogique de la douleur (EVA). Ces études montrent globalement une réduction de la douleur chronique significative dans les lombalgies chroniques (rééducation en piscine), avec une rémanence de l'effet antalgique durant 3 à 9 mois. Ce bénéfice antalgique est retrouvé aussi, mais à un degré moindre, dans la fibromyalgie et l'arthrose du genou.
Moins de médications antalgiques
Des études ont porté aussi sur les effets indirects de la réduction de la douleur rhumatismale chronique comme la réduction de la consommation d'antalgiques et d'anti-inflammatoires. Ces études montrent, elles aussi, une diminution significative de la consommation d'antalgiques et d'anti-inflammatoires de l'ordre de 30 à 50 % sur plusieurs mois dans la lombalgie chronique d'origine rhumatismale et dans l'arthrose en général. Outre l'argument en termes d'économies de dépenses de santé, cette réduction de la consommation d'antalgiques et surtout d'anti-inflammatoires a un intérêt tout particulier pour certaines populations comme les sujets pour lesquels les anti-inflammatoires sont contre-indiqués et pour les sujets âgés qui présentent un risque iatrogénique important du fait d'une fréquente polymédication.