LE QUOTIDIEN : Vous venez d’être élu à la tête du syndicat Reagjir. Quel est votre parcours ?
Dr KILIAN THOMAS : J’ai commencé mes études de médecine à Nantes, où j’ai effectué ma première et deuxième année. Ensuite, je suis parti faire mon internat à Angers. J’y ai réalisé des stages en Sarthe, dans le pays choletais et dans le nord de la Mayenne… À la fin de mon internat, en 2021, je suis revenu exercer en tant que remplaçant autour de Nantes, d’où je suis originaire. J’ai passé un an en zone urbaine dans la métropole nantaise, puis deux ans à la campagne, entre Nantes et Vallet.
Comment allez-vous concilier votre exercice avec cette nouvelle fonction de président ?
J’ai déjà une bonne idée de ce que cela implique, puisque j’étais jusqu’alors premier vice-président. Il y aura sans doute des journées où je ne pourrai pas assurer de remplacements, il faudra jongler entre les contrats ! Mais globalement, ça ne changera pas énormément mon organisation.
Quelles seront vos priorités à la tête de Reagjir ?
La priorité, c’est bien sûr l’accès aux soins, dans un contexte de baisse de la démographie médicale, de vieillissement de la population et de croissance des maladies chroniques. Cette situation va rendre l’accès au médecin généraliste de plus en plus compliqué. Nous allons continuer à travailler sur ce sujet. Nous avons déjà envoyé et même renvoyé une proposition de loi pour améliorer l’accès aux soins. Ce texte existe depuis deux ans mais nos idées sont sur la table depuis bien plus longtemps.
Malheureusement, entre les dissolutions et l’instabilité politique, beaucoup de propositions finissent par rester au fond des tiroirs. Malgré tout, nous allons continuer à nous opposer aux mesures que nous jugeons démagogiques, comme la régulation à l’installation qui n’a aucun sens dans un contexte de pénurie.
Nous porterons nos propositions, à court, moyen et long terme, pour éviter que, dans dix ou quinze ans, la situation soit encore plus critique. Nous avons aussi lancé, il y a quelques semaines, la campagne HealthBuster contre la désinformation. On réfléchit à la forme que prendra la suite de cette campagne. Et bien sûr, les Rencontres Reagjir qui auront lieu l’année prochaine viennent d’être fixées. Nous invitons tous les jeunes médecins à y participer.
Certains considèrent que le remplacement prolongé freine l’accès aux soins. Que leur répondez-vous ?
Une étude menée par le Collège de médecine générale et l’Ordre des médecins montre que les remplaçants dits « occasionnels » – ceux qui assurent le remplacement pendant les congés – travaillent en moyenne 60 % à temps plein. Ceux dits « fixes », présents de façon régulière dans un cabinet, atteignent 80 % d’un temps plein. Ce sont donc des chiffres bien supérieurs à ce que l’on imagine. Cela qui prouve que les remplaçants jouent un rôle central dans le système de soins ! Pourtant, ils restent invisibilisés par l’Assurance-maladie, qui refuse toujours de les conventionner. C’est un vrai non-sens et c’est hors-sol au vu de la situation.
Justement, vous avez saisi le Conseil d’État en décembre pour contester l’exclusion des remplaçants de la convention médicale. Où en est la procédure ?
Elle suit son cours. Nous sommes dans l’attente d’une décision du Conseil d’État. Cela prend du temps : on parle de 18 mois de procédure en général.
Vous pointez souvent la perte de sens et la surcharge administrative comme autant de freins à l’installation. Que propose Reagjir pour y remédier ?
Nous avons notamment travaillé sur les certificats absurdes. Il existe une série de certificats qui sont réclamés alors qu’aucune législation ne les impose vraiment. Sous la présidence de Raphaël Dachicourt, nous avons rédigé des amendements très concrets pour modifier cela, notamment en remplaçant certains certificats par des attestations sur l’honneur, pour les crèches ou les écoles par exemple.
Pour répondre à la perte de sens, nous pensons que le nouveau référentiel métier édité par le Collège de la médecine générale peut être une source d’inspiration pour les jeunes généralistes. Le nouveau référentiel analyse davantage le rôle du généraliste à travers ses missions, son mode d’exercice et sa place dans le système de soins ainsi que les défis à venir. Nous allons nous en emparer pour faire entendre leur voix, dire aux politiques ce que nous voulons et quelle place nous souhaitons occuper dans le système de soins. C’est indispensable pour construire un système qui fonctionne avec nous, et non à nos dépens.
“On ne nous forme pas à la gestion, à la création d’un cabinet, à la réalité entrepreneuriale du métier
Quels autres freins à l’installation identifiez-vous ?
L’un des principaux freins, c’est le manque d’exposition à la médecine ambulatoire pendant le cursus. Un étudiant fait seulement un an de stage en ville, ce qui est peu. Pendant l’internat, on se concentre sur la clinique, mais on ne nous forme pas à la gestion, à la création d’un cabinet, à la réalité entrepreneuriale du métier. Ce manque d’accompagnement rend l’installation plus difficile. En général, on passe d’abord par le remplacement puis on devient collaborateur avant de s’installer. Ce cheminement prend en moyenne trois à quatre ans après la fin de l’internat.
Reagjir fait partie du comité de suivi de la quatrième année d’internat de médecine générale. Allez-vous continuer à suivre le dossier de près ?
Oui, bien sûr. Nous représentons les jeunes universitaires, donc il est important pour nous de rester impliqués. Il y a presque une réunion par mois. Notre objectif, c’est que, d’ici à novembre 2026, cette année supplémentaire de formation soit opérationnelle et qu’aucun étudiant ne se retrouve à l’hôpital s’il ne le souhaite pas. Mais tout ne dépend pas de nous : l’État doit aussi décider s’il veut construire cette réforme avec nous… ou sans nous.
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