Tout a commencé lors du Hacking Health Lyon de 2018. Lors de cet évènement organisé tous les ans, des personnes de tous horizons forment des équipes pendant 48 heures pour imaginer des solutions innovantes autour de problématiques de santé.
Après avoir participé en 2017 en tant que bénévole, Quentin Paulik, alors étudiant en médecine, décide de retenter l’expérience mais cette fois-ci en tant que participant avec son acolyte Ilies Haddou, lui aussi étudiant en médecine. Ils arrivent avec une idée, celle de la prise en charge des patients qui ne parlent pas français dans les services d’urgences.
« Lors de nos stages nous nous étions aperçus que parfois on galérait. Il y a peu d’outils adaptés parce qu’aux urgences les interprètes professionnels sont très rarement disponibles. Et pour ce qui est des outils de traduction, les médecins s’en sont peu emparés, probablement car ces outils sont souvent trop chronophages », raconte Quentin Paulik, désormais interne en médecine générale en dernière année.
Une appli conçue pour les urgences pédiatriques
Au cours du Hacking Health Lyon, les deux étudiants en médecine font équipe avec deux designers, deux développeurs et deux ergothérapeutes. Ils décident donc de travailler à un outil spécifique pour la prise en charge aux urgences de ces patients ne parlant peu ou pas le français, ou ayant des difficultés de communication car ils sont sourds et/ou muets ou souffrent de dysarthrie ou aphasie par exemple.
« Aux urgences, on estime entre 5 et 10 % la part de patients avec lesquels on peut rencontrer des difficultés de communication », explique Quentin Paulik. « Et il peut y avoir un temps d’attente important qui est donc propice à l’utilisation de notre outil », ajoute-t-il.
L’évènement verra donc la naissance de l’appli web Marti, développée spécifiquement pour les urgences pédiatriques. L’idée est d’utiliser le temps d’attente des patients pour leur faire répondre sur tablette à un maximum de questions de l’interrogatoire médicale : les antécédents, les allergies, les symptômes etc. Ils le font par écrit et dans leur langue avec l’aide également de pictogrammes. « Ensuite quand le médecin démarre la consultation il a donc accès à un compte rendu qui lui permet déjà d’avoir toutes les informations remplies par le patient. Il gagne en temps et en précision », détaille Quentin Paulik.
12 langues et 480 pictogrammes
Après cette première étape du Hacking Health Lyon, lors duquel l’équipe remporte un prix, les deux étudiants en médecine sont motivés pour continuer.
« En 2019, avec le programme Lyon Start-Up nous avons essayé de nous former au business et à l’entreprenariat pour monter en compétences dans ces domaines-là », raconte Quentin Paulik (photo).
Fin 2020 en cherchant des financements, ils trouvent l’appui de la société Pulsalys qui va les mettre en lien avec un laboratoire de linguistique lyonnais, le laboratoire de recherche ICAR UMR 5 191. Une chercheure va travailler sur le projet pendant six mois à temps plein.
« Pour faire la relecture de l’arborescence, vulgariser… Il y a aussi eu un gros travail sur les pictogrammes puisque l’application s’appuie sur 480 pictogrammes que nous avons réalisés puis testés auprès d’associations de migrants ou d’écoles de langues par exemple ».
L’arborescence est construite autour de 250 questions, selon la complexité des symptômes le patient va remplir entre 50 et 100 questions. Le patient va répondre à des questions fermées et d’autres où il devra écrire dans sa langue. En plus du français, 11 langues sont proposées dans Marti : l’albanais, le portugais, le géorgien, le roumain, le russe, le turc, l’arabe littéraire, l’arabizi, l’espagnol, l’italien et l’anglais.
« Nous avons fait une étude en juin 2021 dans le service des urgences pédiatriques de l’hôpital femme-mère-enfant de Bron et avons retenu ces 11 langues qui représentaient environ 95 % des situations », explique Quentin Paulik. La traduction avec le français est assurée par ISM Corum.
Une déclinaison pour la ville dans le futur ?
En juin 2021, une expérimentation de dix jours sur l’outil est mise en place aux urgences pédiatriques de l’hôpital femme-mère-enfant avec des retours globalement positifs. Elle conduira à certains ajustements pour redéployer une version 2 qui cette fois est utilisée en autonomie dans le service à partir de septembre 2021.
« Comme l’expérience s’est avérée positive j’ai décidé de prendre une année de recherche dans le cadre de mon internat pour me consacrer à ce projet », explique Quentin Paulik.
Sur l’année 2021-2022, l’IMG a donc travaillé exclusivement sur le développement de Marti. En janvier dernier, il a également reçu le Prix Alexandre Varney lors du Congrès de l’Isnar-IMG pour son travail de thèse qui relate la création de l’outil.
Aujourd’hui le dispositif est également testé au Centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône. « L’idée est de finaliser les derniers développements techniques de cette version pédiatrique avant de le déployer de manière commerciale. En parallèle nous travaillons aussi sur les arborescences adultes pour le proposer également dans les services d’urgences adultes », détaille l’interne.
Et pour la ville ? Pour le futur généraliste, l’outil peut aussi avoir une utilité en cabinet et il se verrait bien à plus long terme développer une version adaptée. « Notamment pour la prévention, on imagine un outil qui permettrait de mieux faire de la prévention même pour des patients francophones. Au moment où le patient prend le rendez-vous, un questionnaire de préconsultation pourrait lui être envoyé à faire chez lui avec des questions ciblées. Le médecin récupère le compte-rendu en début de consultation et peut savoir sur quoi se concentrer », développe-t-il.
Mais en attendant, le futur généraliste entend déjà lancer avec succès cette première version de Marti pour laquelle il vient de créer une société.
Si le projet vous intéresse vous pouvez suivre son évolution sur les réseaux sociaux ici et ici et demander une démonstration de l'outil à l'adresse martistartup@gmail.com
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