LE QUOTIDIEN : Vous êtes la nouvelle présidente de l’Isni. La lutte contre les violences et pour les conditions de travail des internes reste-t-elle votre priorité ?
MÉLANIE DEBARREIX : Bien sûr, à cette différence près que nous préférons parler, de façon plus large, de bien-être des internes. Ce qui nous permet d’intégrer la santé mentale, les violences sexistes et sexuelles et même le handicap avec l’étude que nous venons de publier sur le sujet. J’ajoute qu’il y a aussi la lutte anti-coercitive dans nos priorités. Nous souhaitons que les internes puissent conserver leur liberté d’exercice et d’installation. Parce que nous tenons vraiment le système de santé à bout de bras et nous ne sommes pas d’accord avec les répercussions fondamentales qu’entraînerait une limitation de la liberté d’installation.
Vous faites référence aux textes d’initiative parlementaire sur l’accès aux soins comme les propositions de loi Garot et Mouiller…
Totalement. Nous sommes fondamentalement opposés à toute forme de coercition qu’elle soit déguisée ou assumée. Nous refusons tout ce qui va à l’encontre de nos libertés d’exercice, notamment la liberté d’installation.
Avez-vous rejoint le mouvement « Bloquons tout » de ce mercredi 10 septembre et les appels syndicaux à une grève générale le 18 septembre ?
Non, notre assemblée générale des internes n’a pas jugé bon de s’y associer. Nous préférons réserver nos forces pour le mois de septembre afin de lutter contre les textes menaçants qui vont certainement revenir en débat dans les deux hémicycles.
Quels sont vos autres dossiers prioritaires ?
La quatrième année d’internat de médecine générale (4A), parce que son applicabilité pour la rentrée 2026 n’est pas assurée. Nous sommes toujours favorables au report de cette réforme, d’autant que nous ne sommes pas du tout convaincus par le système de rémunération décidé, particulièrement complexe ! Ce n’est pas du tout professionnalisant pour ces futurs médecins généralistes puisque la rémunération à l’acte sous forme de rétrocession d’honoraires a été écartée. On nous avait vendu une année « pédagogique » alors qu’elle est extrêmement compliquée et perd totalement son sens.
En ce sens, la chute du gouvernement Bayrou peut-elle œuvrer en votre faveur ?
Au contraire, je pense ça va encore plus nous ralentir parce qu’il y a encore beaucoup de textes réglementaires qui doivent sortir concernant les docteurs juniors, notamment sur la permanence des soins et les thèses. Tout va être fait dans la précipitation et ça va être encore pire ! On espère vraiment que le nouveau gouvernement se mettra en place très rapidement afin de reprendre l’ensemble des discussions. Peut-être qu’on aura un peu de chance et que le retard pris nous permettra de reporter cette réforme… C’est ce que nous essaierons de pousser. La mise en place de la 4A est censée arriver dans à peine un an et nous sommes extrêmement inquiets quant au flou qui l’entoure.
Êtes-vous favorable au maintien de Yannick Neuder à son poste de ministre de la Santé ?
Pour la continuité, ce serait une bonne chose qu’il y ait un minimum de stabilité dans le gouvernement pour qu’on puisse travailler avec les mêmes interlocuteurs. S’ils changent tous les deux mois, on ne va pas avancer.
L’Isni continue à exiger le respect strict du temps de travail des internes dans tous les CHU. Où en est-on ?
Les médiations sur le respect du temps de travail dans certains CHU ont abouti, d’autres sont en cours ou en appel. On continue à suivre tous ces dossiers mais nous avons de plus en plus de résultats satisfaisants. On doit arriver à un peu plus de la moitié des CHU ayant conclu un accord. Ensuite, il restera le suivi de la bonne application des accords et les moyens de sévir pour punir les CHU qui continuent les dérives. Ce sera notre deuxième bataille : voir ce qu’on fait dans les CHU qui ne respectent pas les 48 hebdomadaires.
Et pour vos astreintes, que demandez-vous ?
Nous demandons au minimum 50 % de revalorisation. Nous n’avons toujours pas de texte sur ce point et avec la chute du gouvernement, je pense qu’on ne va pas pouvoir avancer sur cette question. Un interne touche aujourd’hui entre 20 et 40 euros pour l’astreinte.
À titre personnel, vous êtes une fervente défenseure de l’hôpital public…
C’est un point essentiel du mandat de notre nouveau bureau* : la revalorisation des carrières hospitalo-universitaires. Pour nous, le système hospitalier public reste la fondation, le socle de notre système de santé. Or, il est en train de perdre son souffle. Il est donc temps d’impulser une nouvelle dynamique. On aimerait énormément faire bouger les choses, surtout avec des jeunes internes qui s’orientent de plus en plus vers la carrière libérale ou le salariat. C’est maintenant ou jamais qu’on doit se saisir de cette question.
De quelle manière ?
Dans la perspective des élections municipales et de la présidentielle à venir, l’Isni va bâtir un programme de santé ambitieux pour porter la voix des internes et peser sur les choix politiques de demain. Nous le présenterons début 2026.
* Nouveau bureau national 2025-2026
Premier vice-président : Arthur Poncin (oncologie médicale à Lyon) ; Secrétaire général : Jérémie Lespinasse (médecine interne à Strasbourg) ; Trésorier, référent 4A : Clément Hugueny (médecine générale à Strasbourg) ; vice-présidente en charge des politiques de santé, de l’enseignement supérieur et de la recherche : Marie-Bérénice Roux (médecine physique et de réadaptation à Marseille) ; vice-président chargé des affaires juridiques : Nicolas Doudeau (psychiatrie à Lille) ; vice-présidente chargée de la communication : Mérédith Vogel (médecine générale à Strasbourg) ; vice-présidente chargée du réseau : Marie Bonnaud (chirurgie viscérale et endocrinienne à Poitiers) ; vice-président chargé des partenariats : Marc Souxdorf (radiologie à Tours)
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