Les internes de médecine générale de l’Isnar-IMG aiment s’appuyer sur des chiffres quand ils ont affaire au cabinet du ministre de la Santé. Pour tenter de remporter la négociation sur la rémunération des docteurs juniors ambulatoires, dont les textes réglementaires doivent être publiés dans les prochains jours, le syndicat a lancé du 7 juillet au 18 juillet – jour de sa dernière rencontre avec la tutelle – une enquête nationale sur le sujet. Les résultats définitifs, rendus publics ce mardi 5 août 2025, ne laissent pas de place au doute : les internes veulent une chose ; le ministère en veut une autre.
L’Isnar-IMG a interrogé 1 353 internes de médecine générale sur leur rémunération, leur vision de leur futur métier et la 4A. Parmi les répondants, 55,2 % se projettent sur un mode d’exercice libéral, 28,8 % préfèrent un exercice mixte, 3,5 % souhaitent un exercice hospitalier, 3,1 % pensent à un exercice salarié en ambulatoire et 9,4 % n’ont pas d’avis tranché.
Refléter la réalité
Concernant la rémunération pendant la 4A, année pendant laquelle les internes deviennent des docteurs juniors ambulatoires, la réponse des jeunes est sans appel : 90 % d’entre eux sont favorables à une rémunération fondée sur le salariat avec une part variable par rétrocession d’un pourcentage des honoraires payés à l’acte. Dit autrement, il s’agit pour le praticien agréé maître de stage des universités (MSU), ou, s’il n’accueille pas lui-même le docteur junior sur le lieu de stage, le praticien accueillant, de rétrocéder au docteur junior un certain pourcentage (les discussions tournaient autour de 20 à 25 %) du total des honoraires correspondant aux actes réalisés par le docteur junior. Ce modèle est défendu d’arrache-pied par l’ensemble des syndicats d’internes (et tout particulièrement l’Isnar-IMG).
À l’inverse, ils ne sont que 3,6 % des sondés à être favorables à la proposition de rémunération faite par le ministère de la Santé, soit du salariat auquel s’ajoute une part variable par prime à l’activité, et que Yannick Neuder a affiné le 1er août dans une interview exclusive au Quotidien du médecin.
Toujours selon le sondage de l’Isnar-IMG, l’impact de la rémunération par prime proposée par le ministère est perçu négativement par 67,8 % des répondants. Seulement 10,3 % d’entre eux la jugent favorablement, les autres (21,9 %) ayant un avis neutre.
« La réaction des internes est certes tranchée mais elle n’est pas épidermique, commente Saga Bourgeois, porte-parole de l’Isnar-IMG. L’année de docteur junior ambulatoire est une année professionnalisante pendant laquelle l’interne a simplement envie de prendre conscience de la valeur des actes médicaux. Une consultation de 15 minutes pour un renouvellement d’ordonnance n’est pas la même chose qu’une consultation de 30 minutes pour le dépistage d’une dépression. La prime ne montre pas cette différence. On veut aller exercer en ambulatoire en ayant la même grille de lecture que les médecins en place, on veut apprendre à coter. Au final, le modèle économique que privilégie le ministère de la Santé a complètement laissé de côté cette notion de rétrocession d’une partie des honoraires. Que la valeur même de l’acte n’apparaisse pas dans notre rémunération, philosophiquement, ça nous dérange. »
Une analyse que ne partage pas Yannick Neuder. Dans son dernier arbitrage, le ministre introduit une prime ajoutée à la rémunération des docteurs juniors, soit « une part incitative de 500 euros semestriels si le docteur junior fait plus de 200 consultations par mois », a-t-il précisé la semaine dernière. Preuve selon lui qu’on retrouve là « l’esprit d’une rémunération tenant compte de l’activité ».
Stress sur le recrutement des MSU
Deuxième pourcentage significatif de l’enquête : 73 % des internes de médecine générale sont inquiets à l’idée de ne pas trouver de maîtres de stage (MSU) pour mener à bien leurs deux semestres en ambulatoire. Le récent geste du ministère en direction des MSU (augmentation de leur rémunération) ne semble pas atténuer les craintes des jeunes. « Ce sont des remontées brutes de terrain, argumente Saga Bourgeois. Les internes voient bien que les MSU ont du mal à recruter des collègues et ils craignent de faire leur 4A à l’hôpital et de s’éloigner du terrain ambulatoire, où plus de la moitié d’entre eux a pourtant envie de s’installer. Peut-être qu’avec la parution des décrets d’application, on y verra plus clair. Mais pour l’instant, tout est flou. Et la 4A, c’est dans un an. »
À fond dans la PDSA (mais sous conditions)
Enfin, dernier point intéressant du sondage : l’image qu’ont les pouvoirs publics de l’implication des jeunes dans la permanence des soins ambulatoire (PDSA) ne correspond pas, explique l’Isnar-IMG, à la réalité dans les territoires. 86,5 % des internes souhaitent participer à la PDSA ou y participent déjà. Précisément, 61,7 % des répondants comptent déjà y participer via leur licence de remplacement. 24,8 % comptent contribuer à l’effort volontairement comme interne. Seuls 13,4 % ne l’envisagent pas.
Les internes volontaires ont en tout cas trois revendications : que la PDSA soit décomptée de leur temps de travail afin de ne pas dépasser le cadre légal de 48 heures (1 193 répondants), qu’elle soit rémunérée à l’acte (999 répondants) et qu’elle soit supervisée (839 répondants).
« Le ministère croit que la PDSA est un frein à notre engagement en ambulatoire, mais ce sondage montre que ce n’est pas du tout le cas, insiste Saga Bourgeois. Il existe un problème d’organisation, c’est vrai. Nous avons parfois des difficultés à intégrer les tableaux qui sont faits en amont de nos stages. Mais l’envie est là ! »
Avec cette enquête, les jeunes espèrent pouvoir influer jusqu’à la dernière minute sur les décisions du ministère de la Santé. Le prochain comité de suivi de la réforme de la 4A a lieu le 17 septembre.
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