Ils n’en font pas mystère, les étudiants en médecine sont à la fois inquiets et remontés face à la proposition de loi qui entre en débat en séance publique au Sénat, lundi 20 octobre. « Inquiets dans le sens où tout est allé très vite et remontés parce que nous avons été certes auditionnés, mais avec l’impression aujourd’hui de ne pas avoir été entendus », confie Marion Da Ros Poli, présidente de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf).
Dans son collimateur, la proposition de loi « relative aux formations en santé » déposée au bureau de Sénat le 30 juillet par Corinne Imbert, sénatrice (LR) de Charente-Maritime. Ou, plus spécifiquement, l’article 4 de ce texte qui vise à instaurer, à compter de la rentrée 2027, « un objectif national de deux tiers d’étudiants accédant au troisième cycle dans la région dans laquelle ils ont validé leur deuxième cycle ». Argument invoqué par la sénatrice : 72 % des médecins généralistes et 69 % des médecins des autres spécialités s’installent là où ils ont suivi leur troisième cycle de formation, le lieu d’internat constitue donc « un outil efficace de réduction des inégalités territoriales d’accès aux soins ».
Idée irréaliste
« Vouloir imposer un territoire à certains étudiants simplement parce qu’ils y ont étudié n’est ni plus ni moins qu’une coercition déguisée, certes pas à l’installation, mais dans le cursus », tonne la présidente de l’Anemf. Qui, pragmatique, enchaîne avec un deuxième contre-argument. D’un simple point de vue logistique, cette réforme est selon elle inapplicable. « Certaines subdivisions n’ont pas les capacités d’accueil suffisantes, les terrains de stage manquent, les encadrants sont surchargés et la qualité de formation [s’en trouverait] menacée », souligne la jeune femme, en quatrième année à la fac d’Amiens. « Dans ma ville, on a 239 postes d’internat ouverts pour 500 étudiants en sixième année, donc il faudrait trouver 100 postes supplémentaires pour pouvoir accueillir les deux tiers des étudiants dans la subdivision. » Irréaliste, insiste-t-elle.
Incompréhension et irritation
Auditionnée cet été par les deux rapporteurs du texte, les sénateurs Khalifé Khalifé et Véronique Guillotin, tous deux médecins par ailleurs, Marion Da Ros Poli avait eu le sentiment que ses arguments avaient fait mouche auprès de ses aînés. D’où le double sentiment d’incompréhension et d’irritation qui prédomine chez les carabins en cette rentrée.
Fondamentalement opposés à cet article 4, ces derniers réfléchissent à la marche à suivre pour essayer de le faire tomber par voie d’amendements. Sans faire s’écrouler le texte tout entier, notamment son article premier qui vise à refondre « le dispositif Pass-LAS en une voie unique d'accès, consistant en une formation universitaire de licence qui comporte, en première année, une majorité d'enseignements relevant du domaine de la santé ». Une réforme avec laquelle l’Anemf est, cette fois, en accord. « Compliqué », reconnaît Marion Da Ros Poli.
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