Le week-end a beau être passé et les épreuves dématérialisées nationales (EDN) enfin derrière lui (après la reprogrammation de la première session annulée), Gabriel, étudiant en sixième année, peine à tourner la page de cette semaine marquée par des couacs à répétition et des imprévus malvenus. « Ces examens auront été particulièrement éprouvants et énergivores. Je suis sorti des épreuves de vendredi complètement abattu et moralement épuisé. Je suis allé chez mes grands-parents pour souffler un peu et essayer de penser à autre chose mais c’est encore difficile pour moi de ne pas ressasser », confie le jeune homme, qui se prépare depuis trois ans à cette étape capitale pour accéder à l’internat.
Cafouillage général
Cette année, comme plus de 11 000 étudiants en médecine, Gabriel, redoublant de 24 ans à la faculté de Rouen, a dû affronter les redoutées EDN, censées sanctionner l’apprentissage des connaissances indispensables de deuxième cycle. Mais cette session a tourné à la débâcle dès la première journée, en raison d’un fiasco technique. « Le premier test de connexion de fin de matinée s’est bien déroulé. La première épreuve devait commencer à 15 heures, nous étions donc convoqués à 14 heures. Mais un quart d’heure avant le début, on nous a annoncé que les serveurs n’avaient pas supporté l’afflux de connexions », raconte Gabriel, dépité.
J’ai vu des étudiants éclater en sanglots, d’autres étaient furieux
Anaïs, étudiante en sixième année à Montpellier
Face à ce cafouillage général, et au risque de rupture d’équité, l’épreuve est d’abord décalée le même jour sur la période de 16 heures à 19 heures (et de 19 heures à 22 heures pour les étudiants ultramarins). « On nous a fait patienter plus d’une heure dans l’amphithéâtre, sans droit de parler ni d’utiliser nos téléphones. C’était très étrange et angoissant, d’autant qu’on ignorait complètement ce qui se passait », se souvient l’étudiant rouennais.
Même scénario rocambolesque à Montpellier, où la confusion fait place au désarroi et à la colère. « Personne ne comprenait plus rien. On nous disait de regagner nos places car l’épreuve allait commencer, puis plus rien… Nous avons attendu plus d’une heure sans la moindre explication », témoigne Anaïs*, étudiante en D4.
À 16 heures, le coup d’envoi de l’épreuve du jour est finalement donné. « On s’est dit : bon, on finira un peu tard, mais au moins ce sera fait », raconte Julien*, autre étudiant victime à Marseille. Mais à moins de vingt minutes de la fin, nouveau coup de théâtre en forme de coup de massue : les organisateurs des différentes facultés, en métropole comme en Outre-mer, annoncent l’annulation pure et simple de l’épreuve à cause d’un bug survenu dans un centre de Lyon-Sud. « Cette fois, on nous a demandé d’arrêter de composer immédiatement, sans explication claire ! Après cette journée passée à attendre, j’étais tellement à bout que j’ai éclaté de rire nerveusement, mais autour de moi certains ont éclaté en sanglots, d’autres étaient furieux. Ma voisine, elle, était vraiment à bout », se remémore Anaïs.
Le lendemain, le centre national de gestion (CNG), en charge de l’organisation des épreuves, évoque un incident technique dû « des déconnexions itératives ». L’épreuve est reprogrammée le vendredi 24 octobre pour tous les candidats dans les mêmes conditions docimologiques.
Nouveau bug le vendredi
Si certains étudiants parviennent à relativiser ce fiasco, y voyant parfois une occasion inespérée de retenter leur chance, d’autres peinent à digérer la situation. « C’est extrêmement frustrant, confie Gabriel, qui vise la radiologie. J’avais eu un très bon ressenti sur l’épreuve de lundi. Au moment où ils ont annoncé son annulation, j’étais en train de me relire et de compter mes points : j’étais vraiment satisfait. À l’inverse, celle de vendredi s’est beaucoup moins bien passée. Je suis sorti complètement dépité, et je sais que j’aurai du mal à m’en remettre. »
Comme si cela ne suffisait pas, de nouveaux bugs sont survenus le vendredi dans tous les centres de l’Hexagone. « Impossible de valider les QCM. Ils nous ont levés de nos tables pendant cinq minutes, on a dû retourner nos tablettes pour ne pas voir les sujets. On ne sait pas trop ce qu’ils ont fait ensuite, ils ne nous ont rien expliqué, mais au bout d’un moment, ça a refonctionné. Il y avait aussi un bug d’affichage », déplore l’étudiant, amer face à la gestion du CNG.
Tourner la page
Sur le fond, ces EDN 2025 auront aussi dérouté certains jeunes à cause de « leur haut niveau de difficulté ». « Il y avait beaucoup de thèmes ambigus (…) L’épreuve de lecture critique d’articles a particulièrement été mal vécue. Des camarades étant arrivés dans les premiers du classement aux EDN blancs l’ont trouvée très difficile par rapport aux années passées et en sont sortis totalement abattus », commente Julien*.
À Marseille, le sentiment est le même. « On nous a par exemple demandé le type d’anesthésie qu’il fallait envisager pour réaliser une œsophagectomie d’un patient BPCO, sauf que c’est très spécifique et ce n’est même pas écrit dans les manuels de spécialité », avance l’étudiant.
Entre questions ambiguës, retards subis et bugs informatiques à répétition, ces EDN laisseront un goût amer à de nombreux carabins. Mais, malgré la fatigue et la frustration, beaucoup préfèrent retenir la fin de cette première épreuve marathon et savourer leur repos mérité. « Vendredi, les internes nous attendaient avec une champagne shower, ça a permis de bien décompresser. On a passé une très bonne soirée et on a réussi à penser à autre chose », sourit Julien, qui s’accorde quelques jours de coupure à Londres avant la reprise des stages.
*Tous les prénoms ont été modifiés.
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