C’est une proposition de loi à laquelle tient particulièrement Yannick Neuder. Le texte avait en effet été concocté en 2023 par l’ancien député LR de l’Isère, devenu depuis ministre de la Santé, qui voulait à la fois faire sauter le dernier verrou à l’entrée des études (numerus apertus), combattre la fuite des cerveaux en rapatriant les étudiants français partis se former à l’étranger et développer les passerelles pour les paramédicaux en reconversion.
Son texte, déjà voté par les députés, sera examiné à partir de ce mardi 17 juin au Sénat et l’inscription à l’ordre du jour, dans un calendrier parlementaire surchargé, traduit la volonté partagée de concrétiser rapidement les objectifs fixés.
Après la fin du numerus clausus, exit le numerus apertus
Le premier article s’emploie à accroître encore le recrutement étudiant, en essayant de coller au maximum aux besoins de santé territoriaux et non plus aux seules capacités d’accueil et de formation. Après la suppression en 2019 du très décrié numerus clausus créé en 1971, accusé d’avoir contribué à la généralisation des déserts médicaux en tarissant les flux, le nouveau numerus apertus (nombre ouvert) était censé permettre à chaque université d’adapter son recrutement en fonction des capacités d’accueil et des besoins pluriannuels en santé du territoire. Mais malgré cette marge de manœuvre (limitée) des facs, l’exécutif a constaté que le processus de sélection ressemblait très fortement à l’ancien numerus clausus puisqu’il n’actait pas la fin de la sélection drastique et se basait sur les seules capacités d’accueil des universités, lesquelles sont de facto très limitées. En conséquence, de très nombreux étudiants se tournent toujours vers d’autres pays de l’UE où les formations en santé sont plus accessibles. Le nouveau dispositif a toutefois déjà permis une augmentation sensible des entrées dans les filières sélectives MMOP, de l’ordre de 11 % (et même 18 % en médecine).
L’idée est donc d’accélérer cette croissance des recrutements, en permettant aux ARS et aux conseils territoriaux de santé (CTS), donc aux élus locaux, d’« appeler une université à accroître ses capacités d’accueil », lorsque celles-ci ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels qu’elle a arrêtés. Les besoins de santé territoriaux deviennent donc l’indicateur clé pour le nombre de futurs médecins à former, obligeant ensuite la logistique et les moyens véritables à suivre… Simple sur le papier mais pas forcément dans la pratique.
Retour aux sources
Le deuxième axe de la proposition de loi, mantra de Yannick Neuder, consiste à favoriser au maximum la réintégration des étudiants tricolores partis suivre leurs cursus de médecine ailleurs en Europe. Un phénomène d’expatriation dont il est difficile de mesurer précisément l’ampleur. Selon la Cour des comptes, le contingent d’étudiants concernés s’élèverait à environ 1 600 chaque année. Parmi les destinations privilégiées par les étudiants figurent l’Espagne, la Roumanie et la Belgique, pays européens ayant opté pour un accès direct aux études de médecine après le baccalauréat.
En pratique, les étudiants partis suivre des études de médecine dans un autre État de l’UE ont la possibilité de réintégrer le cursus français en premier, en deuxième ou en troisième cycle. Mais ils sont peu nombreux à le faire. En vertu du principe d’équivalence des diplômes, nombre d’entre eux choisissent, après avoir obtenu un diplôme ailleurs, s’inscrire auprès du conseil de l’Ordre pour revenir exercer en France, mais beaucoup d’autres sont également courtisés par des pays voisins (Allemagne, Suisse, etc.) Le nombre de praticiens diplômés à l’étranger exerçant en France n’a d’ailleurs cessé de progresser ces dernières années.

La PPL propose que soient définies par décret en Conseil d’État les modalités de réintégration au cursus national des étudiants français en cours de formation dans un autre État de l’UE. Cette mesure, non pérenne, ne s’appliquerait qu’aux carabins en cours d’études à la date de promulgation de la loi. Objectif assumé : le retour accéléré dans le système universitaire et hospitalier français de ces centaines d’étudiants français en médecine expatriés… « Nous devons combattre la fuite de nos cerveaux français vers les services de soins étrangers et notamment européens », explique Yannick Neuder.
Paramédicaux en reconversion
Enfin, face à la pénurie de médecins généralistes, la PPL propose de reconnaître la pleine compétence des professionnels paramédicaux (infirmiers, puériculteurs, kinés, etc.) en leur permettant de reprendre des études accélérées de médecine au travers de nouvelles passerelles qui seraient créées à leur profit (par voie réglementaire).
Depuis 2020, l’accès au premier cycle des études sélectives MMOP est structuré en deux voies principales : le parcours « accès spécifique santé » (Pass) et les licences « accès santé » (LAS). Une troisième voie d’accès, plus marginale, permet d’intégrer le premier cycle, directement en deuxième ou troisième année, grâce à des passerelles. Les paramédicaux titulaires d’un titre ou d’un diplôme correspondant à une formation d’une durée minimale de 3 années peuvent postuler mais ce système reste peu utilisé. En 2023, les professionnels paramédicaux ne représentaient que 25 % des effectifs admis dans le cadre des passerelles pour la 2e année du 1er cycle. Par ailleurs, les capacités d’accueil réservées à ce dispositif sont limitées. Pour 2023, la part des étudiants admis au titre des passerelles par rapport à l’effectif total de la promotion s’élevait à seulement 5 % des effectifs pour la filière médecine, 11 % pour celle de maïeutique, 6 % pour l’odontologie et 8 % pour la pharmacie. D’où la volonté de consolider cette voie de reconversion réussie des professionnels paramédicaux désireux de s’engager dans les études de médecine. Les professionnels paramédicaux devront bénéficier d’études « adaptées et accompagnées », pour lever les obstacles à la reprise d’études.
Assistant ambulatoire, stages dans les déserts, « engagement territorial » : les jeunes médecins dégainent leur arsenal anti-coercition
Les MSU, acteurs clés de l’encadrement des docteurs juniors
« L’accès au secteur 2 pour tous, meilleur moyen de préserver la convention », juge la nouvelle présidente de Jeunes Médecins
Jeu concours
Internes et jeunes généralistes, gagnez votre place pour le congrès CMGF 2025 et un abonnement au Quotidien !