Depuis sa reconnaissance officielle avec la loi Kouchner du 4 mars 2002, l’ostéopathie traverse une crise (de croissance) profonde, la réglementation trop floue adoptée en 2007 ayant échoué à fixer un cadre stable et cohérent.
Le sévère rapport de l’Inspection générales des affaires sociales (IGAS), publié en 2012, a achevé de convaincre les pouvoirs publics de l’urgence d’une réforme que réclamait d’ailleurs la profession elle-même.
« L’ostéopathie rencontre un succès croissant auprès des patients mais suscite de nombreuses questions et oppositions en raison notamment du nombre exponentiel de professionnels sur le territoire », analysait alors le Syndicat français des ostéopathes (SFDO).
Les chiffres donnent le tournis. Au moment de l’enquête IGAS, 74 écoles avaient été agréées par le ministère de la Santé et plus de 17 000 ostéopathes exerçaient en France (exclusifs, médecins, ou kinés), un effectif qui dépasse dorénavant les 22 000 professionnels (encadré).
Le laxisme des autorités a conduit l’ostéopathie à dépasser la ligne rouge. L’IGAS pointait le manque d’encadrement officiel de la profession (un tiers des établissements ont obtenu le sésame ministériel malgré un avis défavorable de la commission nationale d’agrément) mais surtout la grande hétérogénéité des formations proposées, avec des cursus de durée variable.
Se former plus pour travailler mieux
En avril 2013, Marisol Touraine ouvre le chantier complexe d’une réforme. Elle va durer plus d’un an et demi jusqu’à la parution en septembre puis en décembre 2014 de plusieurs décrets et arrêtés visant à harmoniser et à améliorer la qualité de la formation.
Mesure phare : la durée du cursus des ostéopathes exclusifs est considérablement allongée, passant de 2 660 heures minimum à 4 860 heures. Au cours des 3 360 heures de formation théorique, le programme prévoit que l’étudiant aborde les sciences fondamentales, la sémiologie des altérations de l’état de santé, les sciences humaines, la gestion et le droit, le développement des compétences en ostéopathie...
Pendant les 1 500 heures de formation pratique clinique, les étudiants devront réaliser 150 consultations complètes et validées.
Au passage, les pouvoirs publics musclent les critères d’agrément des écoles d’ostéopathie (voir ci-contre).
« Avec ce nouveau dispositif, le gouvernement réaffirme sa volonté de garantir la qualité des enseignements et des écoles d’ostéopathie sur l’ensemble du territoire afin de sécuriser la prise en charge des personnes recourant à l’ostéopathie », se réjouit Marisol Touraine lors de la publication des décrets.
Un marché saturé qui appauvrit la profession
Si cette refonte de la réglemention est jugée salutaire, la question reste posée : le grand ménage n’intervient-il pas trop tard ? « On avait besoin d’une révision de la réglementation, explique Armand Gersannois, de l’Union fédérale des ostéopathes de France (UFOF). Mais à cause de la mauvaise gestion et de cinq années de latence, le système a formé brutalement beaucoup trop de professionnels dont la France n’avait pas besoin. »
Résultat : de nombreux ostéopathes ont du mal à joindre les deux bouts. En 2012, un ostéopathe exclusif (ni médecin, ni kiné) a gagné en moyenne 2 302 euros net par mois, a récemment révélé l’UFOF, après analyse des données de l’Union nationale des associations agréées (UNASA). Les fortes disparités de revenus dans la profession inquiètent ses représentants et la réforme de l’ostéopathie ne résoudra pas d’un coup les effets de cette surpopulation.
Sans compter que le changement de règles du jeu ne satisfait pas tout le monde. Les médecins mais surtout les kinésithérapeutes sont plutôt mécontents de l’allongement de la durée de la formation spécifique qu’ils devront eux-mêmes suivre pour user du titre d’ostéopathe. Le volume horaire avoisine désormais les 800 heures pour les médecins et 1 900 heures pour les kinés (contre 1 225 auparavant). L’ostéopathie, qui recense par ailleurs neuf syndicats reconnus représentatifs, n’a pas fini de diviser le monde de la santé.
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