Médecin à la retraite depuis deux ans, le Dr Jean-Paul Briand, ex-généraliste près d'Orléans, vient de pousser un coup de gueule dans le « Mag'centre » sur le « désastre sanitaire » de la désertification médicale.
Les déserts médicaux sont, selon lui, le fruit d'une succession de mauvaises décisions et d'absence de vision à long terme de la part des décideurs politiques, qu'il accuse de tous les maux. « Ce désastre sanitaire est le résultat de l'incompétence de décideurs arrogants et dogmatiques, uniquement obnubilés par l'aspect financier des politiques de santé », jette-t-il.
Cette pénurie de médecins est le résultat d'une mauvaise « planification », selon le Dr Briand. Dans son billet, il explique que le numerus clausus instauré en 1971 n'a pas été optimisé au regard des besoins. « Aucune anticipation, aucune étude sur les modifications des comportements des patients, aucune estimation sur les besoins de soins de la population en rapport avec son accroissement, son vieillissement, l'augmentation des maladies chroniques et les nouvelles techniques d'investigations médicales seront faites », peut-on lire.
Salariat et féminisation coupables
D'autres facteurs contribuent également à « l'amplification » de la désertification médicale selon le médecin. Le Dr Briand cite en vrac la modification des pratiques professionnelles avec l'arrivée de « l'activité salariée annexe », « la féminisation de la profession et la bi-activité des couples, avec la nécessité de trouver une zone d'emplois adaptée à la profession du conjoint », le vieillissement des praticiens en activité avec des départs en retraite « massifs ». « En 2017, les médecins de plus de 60 ans représentent 47 % des effectifs », résume-t-il.
« Le statut libéral a non seulement été vidé, au fil des ans, de tous ses éléments attractifs mais il est voué en France à une hostilité constante de la part des administrations », analyse également le Dr Briand. Il existe aujourd'hui un « amoncellement de contraintes » qui rebute les jeunes : gardes, réquisitions et astreintes, horaires excessifs, paperasses administratives, contrôle des caisses, etc.
Les CHU qui gouvernent la pensée médicale
« La médecine générale n'attire pas les jeunes générations d'étudiants », estime-t-il. Selon le Dr Briand, ce sont les CHU qui « déterminent et gouvernent la pensée médicale ». « Les grands patrons des CHU […] ignorent la médecine générale qu'ils n'ont jamais pratiquée, voire pour certains la méprisent », ajoute-t-il.
À titre d'exemple, il cite les nominations des premiers professeurs de médecine générale en faculté de médecine seulement possible depuis 2009. « Même si la médecine générale est officiellement reconnue, elle ne l'est guère à l'hôpital par les tutelles et le public. Cette imprégnation délétère des esprits, associée à l'apparition de techniques toujours plus poussées, performantes, attractives pour les patients, intellectuellement valorisantes et souvent très lucratives, éloignent les futur(e)s diplômé(e)s de la médecine générale », commente-t-il.
Même si ces dernières années, de nombreux acteurs ont pris des initiatives, le Dr Briand regrette le manque de concertation et l'élaboration d'une réelle stratégie. « Il serait bon de comprendre les parcours professionnels actuels des nouveaux omnipraticiens, d'écouter les doléances de ces jeunes médecins, futurs candidats à une éventuelle installation et de tenir compte de leurs légitimes aspirations afin d'augmenter l'attractivité du métier et simplifier les modalités d'installation et d'améliorer leur formation initiale et conditions d'exercice », souligne-t-il.
Banderole sexiste à l'université de Tours : ouverture d'une enquête pénale
#MeToo médical : l’Ordre lance une vaste enquête sur les violences sexistes et sexuelles
Pass-L. AS : confrontés à une réforme trop complexe, les doyens réclament une seule voie d’accès par université
Laurence Marbach (Lipseim) : « Rien n’est fait véritablement pour éviter les suicides des étudiants en médecine »