Sur les bancs en bois de la Bourse du travail de Paris, quelque 150 personnels des 38 hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) – syndiqués ou non – se sont rassemblés vendredi 5 septembre, à l’appel d’une intersyndicale (CGT, FO, CFTC, UNSA et CFDT) qui a officiellement déposé ce même jour un préavis de grève « illimitée » au sein du CHU francilien.
Ces organisations, qui représentent 61 % des voix aux dernières élections professionnelles, ont dénoncé « une attaque frontale contre notre système de santé et contre tous les travailleurs », à propos du plan d’économies présenté mi-juillet par François Bayrou. Ce dernier prévoyait 44 milliards d’économies pour 2026, dont environ cinq milliards sur le secteur de la santé. « Il faudrait à la fois préparer les hôpitaux à la guerre pour mars 2026, et faire 5 milliards d’euros d’économie sur la santé ? » interpelle, perplexe, un soignant dans l’assemblée, en écho à la consigne du ministère de la Santé cet été d’anticiper le risque de guerre sur le sol européen.
Dégradation des conditions de travail
Pour les syndicats réunis en assemblée générale, les signaux négatifs se sont accumulés depuis la rentrée. Projet de doublement des franchises médicales et participations forfaitaires, jours fériés menacés, perspective d’une année blanche, objectif de dépenses maladie cantonné à 2 % en 2026 : autant de nuages qui annoncent, selon l’intersyndicale, une « dégradation des conditions de travail » pour les personnels hospitaliers, voire une « saignée ».
En parallèle de la stratégie (« 30 leviers pour agir ») déclinée par la direction de l’AP-HP pour combler un déficit de 460 millions d’euros en 2024, plusieurs personnels fatigués ont exposé les difficultés croissantes dans les hôpitaux. Sont cités le « non-respect des plannings » cet été, des obstacles pour faire reconnaître les accidents du travail, des cadences qui augmentent, des « conseils de discipline à répétition », des « journées imposées de 12 heures », un manque d’embauches qualifiées et, de façon générale, une « casse » aggravée. « Il ne faut pas non plus toucher à l’AME [aide médicale d’État], ni oublier les personnels hospitaliers sans-papiers et les Padhue », contextualise Jalal, jeune pédiatre, en écho aux récents projets de décrets dans les tuyaux.
Bloquons tout ? La date du 10 septembre divise
Quelle stratégie adopter ? Faut-il rejoindre le mouvement citoyen protéiforme du 10 septembre qui entend « bloquer la France » ? Des voix s’élèvent contre la position jugée floue de l’intersyndicale en la matière. « On veut tous le 10 septembre ! », réclame un soignant de l’hôpital européen Georges Pompidou. Le ton monte parfois tandis qu’au bureau, Nathalie Marchand, secrétaire générale de la CGT à l’AP-HP, prend la parole : « L’intersyndicale ne peut pas se prononcer sur le 10, car certains syndicats qui la composent n’ont pas mandat… ». De fait, si tous les syndicats semblent rejoindre l’appel national interprofessionnel à manifester le 18 septembre, la CFDT et FO ne soutiennent pas l’appel à « tout bloquer » du 10 septembre. « On ne veut pas appeler à suivre un mouvement qui fait l’objet de récupération politique, tranche Jean-Marc Février, secrétaire général de la CFDT de l’AP-HP. Mais on n’empêche personne de se mobiliser individuellement le 10… »
Le principe de la grève illimitée est donc voté à partir du 5 septembre. Même si les agents sont assignés, le personnel s’engage à ne plus siéger dans les instances de l’AP-HP, ni à assister à aucune réunion institutionnelle du CHU, sauf les conseils de discipline.
En attendant de faire le point cette semaine sur la suite du mouvement social, le bureau de l’intersyndicale invite à faire connaître et signer la pétition nationale contre le plan Bayrou (en ligne ou en version papier dans les services hospitaliers). D’ici là, certains agents songent à se mobiliser autrement. « Pourquoi ne pas bloquer le siège ? » suggère une soignante en hospitalisation à domicile. Une mobilisation qui sera de toute façon très encadrée par les assignations.
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