Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) est lié à des arrêts ou des diminutions du flux respiratoire pendant le sommeil (voir TAB. 1). Le SAHOS concerne 4 % des hommes et 2 % des femmes. 800 000 patients sont sous ventilation nocturne en France (2016).
Sa prise en charge, à la suite des travaux du Pr Guilleminault, a été tout d’abord le fait des pneumologues et des neurologues. Mais en raison de la fréquence de cette pathologie, aujourd’hui, les ORL, cardiologues, médecins spécialistes en médecine générale, endocrinologues, chirurgiens bariatriques… s’investissent dans le diagnostic et le suivi.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Prévalence
Entre 30 et 60 ans, on estime qu’entre 550 000 et 1 200 000 personnes souffriraient d’un SAHOS avec un indice d’apnées-hypopnées supérieur à 15 événements par heure.
Chez les plus de 60 ans, on estime qu’ils seraient entre 1 100 000 et 2 400 000 patients.
Incidence
Compte tenu du vieillissement de la population française et de l’évolution de la prévalence de pathologies comme l’obésité, il est à prévoir que le nombre de cas de SAHOS augmente dans les années à venir.
En pédiatrie : le nombre de patients âgés de moins de 18 ans traités par pression positive continue (PPC) en 2012 est proche de 1 000. En réalité, le SAHOS est fréquent chez l’enfant, il est donc sous-diagnostiqué.
TAB. 1 - RAPPEL DES DÉFINITIONS
• Apnées obstructives : arrêt du débit aérien naso-buccal pendant au moins 10 secondes avec persistance d’efforts ventilatoires pendant l’apnée.
• Apnées centrales : arrêt du débit aérien naso-buccal pendant au moins 10 secondes avec absence d’efforts ventilatoires pendant l’apnée.
• Apnées mixtes : arrêt du débit aérien naso-buccal pendant au moins 10 secondes. L’apnée débute comme une apnée centrale, mais se termine avec des efforts ventilatoires.
• Hypopnée : pas de consensus pour la définition des hypopnées. Événements d’au moins 10 secondes avec : - diminution d’au moins 50 % d’un signal de débit aérien naso-buccal validé par rapport au niveau de base, - ou diminution inférieure à 50 % ou aspect de plateau inspiratoire associé à une désaturation transcutanée d’au moins 3 % et/ou à un micro-éveil.
• Somnolence :
- légère : somnolence indésirable ou épisodes de sommeil involontaire ayant peu de répercussions sur la vie sociale ou professionnelle et apparaissant pendant des activités nécessitant peu d’attention (regarder la télévision, lire, être passager d’une voiture).
- modérée : somnolence indésirable ou épisodes de sommeil involontaire ayant une répercussion modérée sur la vie sociale ou professionnelle et apparaissant pendant des activités nécessitant plus d’attention (concert, réunion).
- sévère : somnolence indésirable ou épisodes de sommeil involontaire perturbant de façon importante la vie sociale ou professionnelle et apparaissant lors d’activités de la vie quotidienne (manger, tenir une conversation, marcher, conduire).
DU DÉPISTAGE AU DIAGNOSTIC
Certains signes d’appel doivent orienter l’interrogatoire, l’examen clinique, et conduire à réaliser certaines explorations complémentaires.
Les symptômes :
■ Nocturnes : ronchopathie (95 % des cas), pauses constatées par l’entourage, nycturie, éveils suffocatoires.
■ Diurnes : impression de sommeil non réparateur, somnolence diurne excessive, asthénie diurne, difficulté de concentration, céphalées matinales, troubles de la libido, altération de la vigilance.
Les anomalies des voies aériennes supérieures (VAS) à rechercher à l’examen clinique sont :
■ Rétrognathie, micromandibulie, hypertrophie amygdalienne, macroglossie,
■ Obstruction nasale (qui peut contribuer mais ne peut pas être responsable à elle seule).
Et aussi :
■ 70 % des patients ayant un SAHOS sont en surpoids,
■ 60 à 80 % des patients atteints d’obésité morbide ont un SAHOS.
■ Le SAHOS :
• augmente avec l'âge avec un maximum entre 50 et 70 ans,
• augmente chez la femme après la ménopause,
• est à prédominance masculine (obésité abdominale plus fréquente).
Le dépistage
Le questionnaire d’Epworth est l'outil de dépistage de référence (TAB. 2)
→ Pourquoi dépister ?
Le SAHOS favorise la survenue :
■ de complications cardio-vasculaires :
• Facteur de risque indépendant d’HTA (plus de 60 % des patients présentant une HTA résistante ont un SAHOS),
• AVC, risque majoré de mortalité post-AVC,
• Fibrillation auriculaire, insuffisance cardiaque, insuffisance coronarienne.
■ d’une intolérance au glucose et d’une résistance à l’insuline,
■ d’épilepsie nocturne,
■ d'une altération de la qualité de vie,
■ d'une augmentation de la mortalité toutes causes :
• mortalité cardiovasculaire,
• mortalité liée aux accidents de la route.
Le SAHOS peut être la cause d’inaptitude à la conduite, d’après le décret du 18 décembre 2015 publié au JO le 29 décembre 2015, N° 301.
Les outils diagnostiques
• La polygraphie (PG) ventilatoire permet d’établir le diagnostic.
• La polysomnographie (PSG) est aujourd’hui l’examen de référence.
• En cas d’incidence apnées/hypopnées (IAH) comprise entre 5 et 15 : SAHOS léger.
• Si IAH comprise entre 15 et 30 : SAHOS modéré.
• Si IAH supérieur à 30 : SAHOS sévère.
PRISE EN CHARGE
■ La ventilation nasale par PPC constitue le traitement de référence du SAHOS. S’il existe trois signes cliniques (parmi : somnolence diurne, ronflements sévères et quotidiens, sensations d’étouffement ou de suffocation pendant le sommeil, fatigue diurne, nycturie, céphalées matinales) et en cas de SAHOS sévère, une ventilation par PPC est mise en place.
■ Les orthèses d’avancée mandibulaire (OAM) constituent un traitement alternatif de la PPC. L’orthèse d’avancée mandibulaire est indiquée en cas de SAHOS modéré après examen buccodentaire. En cas de SAHOS modéré, l’OAM peut être une alternative thérapeutique en cas d'intolérance à la PPC.
■ Les autres traitements du SAHOS :
• Le traitement dit « postural » pour le SAHOS positionnel,
• La chirurgie mandibulaire : en cas d'échec des deux options thérapeutiques précédentes, chez des patients sélectionnés.
→ Les critères de bénéfice de la PPC :
• disparition des ronflements,
• disparition des événements obstructifs,
• restauration des stades de sommeil,
• correction de l'hypoxémie mesurée à l’oxymètre,
• bénéfices cliniques rapides (corrélés à la durée d’utilisation de la PPC : observance minimale de 4 heures) :
– amélioration de la vigilance diurne,
– amélioration des performances cognitives,
– amélioration de la qualité de vie,
– diminution de la nycturie,
– plus inconstants : amélioration des troubles cognitifs et de la libido.
• diminution de la pression artérielle,
• amélioration des performances de conduite et diminution du risque d'accident,
• impact de la réduction à long terme de la morbi-mortalité cardiovasculaire, si l’utilisation de la PPC est supérieure à 4 h/nuit.
→ Les effets secondaires du traitement par PPC :
• mauvaise tolérance cutanée du masque (arête nasale),
• sécheresse de la muqueuse naso-buccale,
• rhinorrhée,
• inconfort digestif.
→ À côté des traitements spécifiques du SAHOS :
• Associer à la prise en charge non spécifique :
– conseils alimentaires, prise en charge nutritionnelle,
– conseils pour une activité physique régulière.
• Envisager la chirurgie bariatrique pour les patients avec un IMC (Indice de masse corporelle) > 40 :
– permet souvent une diminution importante de l’IAH,
– plus rarement une disparition du SAHOS,
– contrôle polygraphique systématique à distance.
→ Quel médecin peut assurer cette prise en charge diagnostique et thérapeutique ?
À terme, uniquement les médecins titulaires d’un diplôme d’études spécialisées (DES) dont la maquette intègre une formation spécifique.
En attendant, les médecins cités plus bas peuvent prescrire une polygraphie (PG), une polysomnographie (PSG), prescrire, assurer la prise en charge de ces patients, comme cela est défini par l’arrêté de 2017.
Selon l’arrêté du 13 décembre 2017 (modifiant la procédure d’inscription et les conditions de prise en charge du dispositif médical à PPC, pour traitement de l’apnée du sommeil et prestations associées, au paragraphe 4 de la sous-section 2, Section 1, chapitre 1, titre I de la liste prévue, à l’article L. 165-1 (LPPR) du code de la sécurité sociale, NOR : AFSS) :
■ Toute prescription initiale de PPC, ou son renouvellement, doit être réalisée par un médecin DES, dont la maquette intègre une formation spécifique pour la prise en charge des troubles respiratoires au cours du sommeil ou dont la maquette mentionne la formation spécialisée transversale (FST) « Sommeil » parmi ses FST « indicatives », selon le paragraphe 1-4 de l’annexe 2 de l’arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d’études spécialisées ou ayant validé une FST « Sommeil ».
■ Néanmoins, toute prescription initiale de PPC, ou son renouvellement, peut être effectuée :
• par un pneumologue,
• par un médecin dont le parcours de développement professionnel continu « Sommeil » est attesté par le Conseil national professionnel (CNP) de la spécialité concernée, ou par le Collège de médecine générale (CMG), selon l’article R. 4021-4.-I. du décret n° 2016-942 du 8 juillet 2016 relatif à l'organisation du développement professionnel continu des professionnels de santé, sur des règles communes recommandées dans le cadre de la FST « Sommeil » et validé par le Conseil National de l’Ordre des médecins (CNOM). Cette validation devient obligatoire, pour toutes les spécialités, depuis le 1er janvier 2020,
• par un médecin ayant obtenu un diplôme reconnu comme ouvrant droit au titre dans le domaine des pathologies du sommeil conformément au 5e alinéa de l’article R 4127-79 du code de la santé publique.
■ Par dérogation, à partir de la quatrième prescription, c’est-à-dire la troisième prescription annuelle, le renouvellement de la PPC peut être réalisé par le médecin traitant si le patient accepte de lui communiquer ses données d’observance des 12 dernières périodes de 28 jours au cours desquelles son observance aura été d’au moins 112 heures pendant au moins 10 de ces 12 périodes, et qu'au cours des deux autres, son observance aura été d’au moins 56 heures, sous réserve de l’absence d’effets indésirables liés à la PPC ou d’événement médical intercurrent susceptible de modifier la prise en charge.
■ La prescription initiale est valable pour une durée de quatre mois.
■ Le renouvellement est valable pour une durée d’un an. Il est réalisé quatre mois après la prescription initiale, puis chaque année.
Les conditions de suivi
■ Le médecin prescripteur doit effectuer une réévaluation du traitement quatre mois après la prescription initiale, puis une fois par an, sauf renouvellement par le médecin traitant, et plus si nécessaire.
■ Le suivi d’un traitement par PPC à domicile nécessite l’enregistrement des paramètres suivants :
• observance (durée d’utilisation de la PPC),
• indice d’apnées-hypopnées, fuites non intentionnelles, pression au 95e ou au 90e percentile en fonction du modèle de PPC, pression médiane ou moyenne efficace (données machine),
• ainsi que les paramètres suivants (données machine) à la demande du médecin prescripteur et avec l’accord du patient : caractère obstructif/central des apnées, courbes de débit.
■ En cas de mauvaise tolérance ou d’observance inférieure à 112 heures par période de 28 jours consécutifs, le médecin prescripteur doit être alerté par le prestataire.
→ Les rôles des prestataires de service :
• éducation thérapeutique, accompagnement,
• suivi régulier, adaptation (interface, humidificateur…),
• comptes rendus/rapports au prescripteur (télésurveillance) : observance, IAH résiduel.
EN CONCLUSION
• Le dépistage d'un SAHOS par l'interrogatoire et l’utilisation d'un auto-questionnaire d'Epworth doit être systématique chez les patients :
– obèses,
– ayant une HTA d'équilibre difficile,
– se plaignant d'un mauvais sommeil.
• Le patient doit être adressé à un médecin dont les compétences sont clairement définies.
• Le généraliste est l’élément clé du dépistage :
– il participe à l'éducation thérapeutique du patient, ceci afin d'améliorer la compréhension, l'observance et donc l'efficacité du traitement,
– il peut se charger du renouvellement de la prescription annuelle si le patient est observant.
LES MESSAGES CLÉS
• Le SAHOS est une pathologie fréquente, facteur de risque cardiovasculaire.
• La désorganisation du sommeil, de par son retentissement sur la vigilance diurne, a un impact négatif sur la qualité de vie socioprofessionnelle et personnelle des patients.
• Le médecin généraliste doit intervenir dans le dépistage et peut prendre en charge le suivi et l'éducation du patient.
• Le diagnostic nécessite l'intervention d'un médecin spécialiste formé.
• La PPC est le traitement le plus efficace, permettant d'améliorer rapidement la qualité de sommeil des patients, de diminuer la somnolence diurne et de réduire les événements cardiovasculaires.
• L'orthèse d'avancée mandibulaire est une alternative possible chez certains patients sélectionnés.
• Le SAHOS ne fait pas partie des ALD 30 et est donc pris en charge à 60 % par la Caisse d’assurance maladie et à 40 % par la mutuelle.
• Ce syndrome peut être pris en charge à 100 % dans le cadre du « parcours de soin » d’autres ALD (comme l’ALD 14 – insuffisance respiratoire grave de l’adulte secondaire à une bronchopneumopathie chronique obstructive).
• La prise en charge par PPC nécessite une demande d’entente préalable « forfait 9 ».
Bibliographie
1 - Recommandations pour la pratique clinique sur la prise en charge du syndrome d'apnées hypopnées obstructives du sommeil de l'adulte. REV.Mal.respi.2020,Vol 27 - Supplément 3. P. S113-S178.
2 - P. Escourrou, N. Meslier, B. Raffestin, R. Clavel, J. Gomes, E. Hazouard, J. Paquereau, I. Simon, E. Orvoen Frija. Quelle approche clinique et quelle procédure diagnostique pour le SAHOS ? Rev. Mal. Respir. 2010; 27(S3):S115. Publication en ligne : 2010. page S115.
3 - Y. Dauvilliers, I. Arnulf, M.-P. d’Ortho, A. Coste, Ph. Ducluzeau, Y. Grillet, G. Jondeau, R. Kessler, L. Moncely, P. Philip, C. Philippe, E. Weitzenblum, J.-L. Pépin. Quelle évaluation préthérapeutique d’un patient avec SAHOS nouvellement diagnostiqué ? Rev. Mal. Respir. 2010; 27(S3):S124. Publication en ligne : 2010. page S124.
4 - F. Portier, E. Orvoen Frija, J.-M. Chavaillon, L. Lerousseau, O. Reybet Degat, D. Léger, J.-C. Meurice. Traitement du SAHOS par ventilation en pression positive continue (PPC) page S137. Rev. Mal. Respir. 2010; 27(S3):S137. Publication en ligne : 2010. page S137.
5 - B. Fleury, J. Cohen-Levy, L. Lacassagne, I. Buchet, A. Geraads, H. Pegliasco, F. Gagnadoux. Traitement du SAHOS par orthèse d’avancée mandibulaire (OAM). Rev. Mal. Respir. 2010; 27(S3):S146. Publication en ligne : 2010. page S146.
6 - M. Blumen, L. Crampette, M. Fischler, O. Galet de Santerre, S. Jaber, J.-J. Larzul, B. Meyer, P.-J. Monteyrol, J.-F. Payen, B. Pételle, M. Rugina, F. Chabolle Traitement chirurgical du SAHOS. Rev. Mal. Respir. 2010; 27(S3):S157. Publication en ligne : 2010. page S157.
7 - M.-F. Vecchierini, J.-P. Laaban, M. Desjobert, F. Gagnadoux, F. Chabolle, J.-C. Meurice, M. Sapène, P. Serrier, P. Lévy. Stratégie thérapeutique du SAHOS intégrant les traitements associés ? Rev. Mal. Respir. 2010; 27(S3):S166. Publication en ligne : 2010. page S166.
8 - Évaluation clinique et économique des dispositifs médicaux et prestations associées pour la prise en charge du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAHOS), HAS, Volet médico-technique et évaluation clinique. 15 juillet 2014.
Liens d'intérêts
L'auteur déclare avoir participé au board scientifique pour les laboratoires Menarini, Novartis et Chiesi.
Mise au point
La dermoscopie en médecine générale
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?