Marie, 14 ans, consulte car, depuis quelques mois, elle est devenue le souffre-douleur des autres enfants de sa classe. Tout a commencé à l’issue d’une compétition sportive où ses camarades ont remarqué que le thorax de cette jeune patiente « bombait ». Marie explique que cette anomalie ancienne s’est majorée depuis deux ans. Elle souhaite être aidée afin de réduire ce handicap qui la marginalise auprès de ses camarades. Cliniquement, nous remarquons une protrusion en avant des côtes (cliché 1), phénomène qui est accentué lorsque Marie passe d’une position allongée à semi-assise. Cette anomalie correspond à un pectus carinatum.
INTRODUCTION
Le pectus carinatum est également appelé thorax en carène ou thorax en bréchet. Il résulte d’une anomalie de croissance des cartilages costaux (7e côte surtout). Cette déformation thoracique est secondaire à une saillie vers l’extérieur du sternum, ou de la cage thoracique (cas de notre patiente). Elle peut être symétrique ou non, et concerne quatre fois plus souvent les garçons que les filles.
On parle de « poitrine de pigeon » dès lors que le manubrium sternal est proéminent, et de « poitrine de poulet » en cas de proéminence costale avec projection en avant du sternum.
L’incidence du pectus carinatum est d’un cas pour 1 000 adolescents (il est parfois non identifié à la naissance) et il représente la deuxième malformation la plus fréquente après le pectus excavatum (entre 10 à 15 % des déformations thoraciques).
ÉTIOLOGIE
Le pectus carinatum est le plus souvent idiopathique. Dans ce cas, deux formes sont classiquement décrites :
la forme primitive pédiatrique, qui est observée à la naissance et qui se majore vers 2-3 ans (cette forme est plutôt rare),
la forme primitive de l’adolescent, qui est diagnostiquée généralement vers l’âge de 16 ans (pic de développement de cette malformation).
Elle peut être secondaire à la réalisation d’une chirurgie thoracique.
Enfin, dans le cas de certaines pathologies génétiques ou héréditaires, il est possible d’observer cette anomalie : cas du syndrome de Marfan, du syndrome de Noonan, de trisomies 18 ou 21, d’ostéogenèse imparfaite, de maladie de Morquio…
ASPECTS CLINIQUES
À part la déformation thoracique, le pectus carinatum n’engendre le plus souvent aucun symptôme particulier. Cependant, une symptomatologie respiratoire peut être mise en évidence : dyspnée d’effort, difficulté à effectuer des activités d’endurance (liée à une réduction de la flexibilité de la paroi thoracique).
Chez 15 % de ces patients, il est possible de retrouver certaines pathologies respiratoires (asthme ou bronchite chronique obstructive) associées à cette malformation.
Le patient peut également alléguer des douleurs costales, une asthénie et une tachycardie (consécutive à des anomalies du tissu conjonctif, comme dans le cas du syndrome de Marfan).
EXAMENS PARACLINIQUES
L’évaluation de l’importance de la déformation thoracique est effectuée par une radiographie du sternum de profil, évaluation importante dans l’éventualité d’un traitement chirurgical ultérieur. Il n’y a pas d’intérêt à demander un scanner thoracique, qui est un examen bien plus irradiant et pas plus contributif.
PRISE EN CHARGE
Il est important de prendre en compte le retentissement psychologique du pectus carinatum. Cette déformation peut être l’objet d’une gêne ou d’une mise à l’écart des adolescents ayant cette anomalie thoracique lors de la réalisation de certaines activités sportives, par exemple.
Dans ce cas, il est possible d’orienter le jeune ayant cette malformation vers un psychologue ou un psychiatre, ou de donner des conseils pour qu’il puisse mieux « accepter » ce handicap (port de vêtements amples, pratique de certains sports individuels).
Cependant, en cas de préjudice esthétique considéré comme majeur, il est possible de proposer un traitement chirurgical (débuté en début de puberté).
Parmi les différentes interventions, celle de Ravitch est la plus fréquemment réalisée. Elle consiste à effectuer une résection des cartilages « trop développés », intervention qui favorise un repositionnement du sternum en arrière.
Certains auteurs préconisent la réalisation d’une compression externe (elle doit être effectuée avant la puberté) ou le port d’un corset.
Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Aïda Tall (interne en médecine générale à Montpellier), Jules Cuquemelle et Sophie-Camille Rambinaissing (externes à Montpellier)
BIBLIOGRAPHIE
1. Rogier A. Traitement orthopédique du thorax
en carène. Réalités Pédiatriques 2014 ; 188 : 31-34.
2. Lascombes P, Ruchonnet-Mitrailler I, Beghetti M, el al. Pectus excavatum et carinatum chez l’enfant et l’adolescent : que dire, que faire ? Revue Médicale Suisse 2017 ; 13 : 414-420.
3. Kelly RE, Obermeyer RJ, Goretsky MJ, et al. Ten year experience with staged management of pectus carinatum: Results and lessons learned. Journal of Pediatric Surgery 2021. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022346821000725.
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