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Dossier

Médecine de proximité

Élisabeth Hubert a besoin de vous !

Publié le 04/06/2010
Élisabeth Hubert a besoin de vous !


©VOISIN/PHANIE

Un mois et demi après sa désignation par le président de la République, Élisabeth Hubert a déjà rencontré la totalité de vos représentants et compte plusieurs déplacements en province à son actif. Déjà, elle confie sa surprise face à l’inquiétude manifestée par la profession. Elle explique pourquoi elle a accepté la proposition du Généraliste d’associer ses lecteurs à cette concertation sur la "médecine de proximité" (cliquez ici pour retrouver le questionnaire). "Vos contributions seront examinées avec la plus grande attention", promet-elle à l’attention des médecins, dont les réponses seront transmises à Élisabeth Hubert qui y répondra dans un numéro de rentrée du Généraliste.

Le Généraliste : Depuis votre nomination par Nicolas Sarkozy, vous avez reçu tous les syndicats et commencé à rencontrer des médecins sur le terrain. S'agissant d'un milieu professionnel que vous connaissez bien, la teneur de ces premiers contacts vous a-t-elle surprise ? Avez-vous décelé une vraie inquiétude chez vos interlocuteurs ? Percevez-vous chez les médecins libéraux une forte volonté de changement ?

Élisabeth Hubert : Il s'agit en effet d'un milieu que je connais bien, mais j'ai été surprise par l'ampleur de l'inquiétude que j'y ai perçue. Une inquiétude présente chez les médecins libéraux, généralistes comme spécialistes, mais aussi chez d'autres professions de santé, notamment paramédicales. Ensuite, j'ai entendu, bien sûr, des demandes catégorielles, mais surtout des demandes fortement motivées par l'intérêt porté aux patients. Et je pense que les médecins généralistes vivent du coup d'autant plus mal, ce sentiment de stigmatisation dont ils se sentent victimes à travers une remise en cause d'un statut qu'ils ont choisi. Les généralistes sont aussi inquiets, voire désabusés par le manque d'appétence à l'égard de la médecine générale. Quant à la présence d'une volonté de changement, les médecins sont comme les Français. Quand on parle de changement, en règle générale, c'est d'abord vécu comme une possible remise en cause, une attaque. Mais je pense malgré tout qu'on peut réussir à dépasser ce réflexe initial. Nous verrons ce qu'il en est, d'abord dans les réponses au questionnaire que vous portez, mais aussi dans la suite de mes auditions et surtout de mes déplacements sur le terrain.

Le Généraliste : À l’issue de près d'un mois de concertation, parvenez-vous à mieux cerner les contours de la "médecine de proximité" ?

Élisabeth Hubert : Pas encore véritablement, mais parce que je n'ai surtout pour l'instant rencontré que les médecins et les professionnels de santé. Je veux entendre les représentants d'élus, les représentants d'usagers, parce que la notion de proximité, portée par ces différents corps institutionnels ne va pas être la même. Est-ce qu'il s'agit de la seule la médecine générale ? Ou bien inclut-elle d'autres professions, des spécialités médicales notamment de ville, les paramédicaux qui peuvent parfois jouer le rôle de substituts… ? Sur cette notion de proximité, je crois qu'il faut aller au-delà de la seule possibilité d'avoir accès à des soins de premier recours. Il nous faut définir non seulement les besoins à assurer, mais aussi y intégrer les notions de délai d'accès que ce soit en temps de déplacement ou en délai d'attente. Enfin cette définition est, je pense, consubstantielle d'une autre question : que mettra-t-on, demain, dans l'acte médical ? Aujourd'hui, j'entends le poids de l'administratif, les certificats demandés pour tout et n'importe quoi… Je pense pour ma part que puisque la ressource médicale est rare, il faut la recentrer là où est sa valeur ajoutée.

Dans le champ de votre mission, le président de la République a cité la formation des médecins, l'évolution de leurs modes d'exercice et de rémunération, celui du statut de médecin libéral, mais aussi le meilleur moyen d'optimiser leur répartition géographique ou la simplification des tâches administratives... A priori, quels sont le ou les point(s) sur lesquels, il y a, selon vous, le plus à faire ?

E. H. D'abord, je suis intimement convaincue, qu'il n'est pas possible d'aller faire son marché au sein d'un arsenal de mesures. Je pense qu'il faut s'attaquer à tout en même temps et je vais m'attacher à ce qu'il y ait une cohérence. Mais peut-être insisterai-je sur le volet de la formation. Vos lecteurs sont en train de se dire, mais ce qu'on veut nous, c'est être mieux rémunéré ; je ne suis pas en train de dire que je ne ferai pas de propositions en la matière. Au contraire, il y en aura sur tous les volets, mais j'ai tellement le sentiment que le modèle identitaire de nos étudiants en médecine n'est absolument pas fait pour qu'ils s'orientent vers la pratique libérale ! Au premier chef, en médecine générale, mais aussi pour un certain nombre d'autres spécialités. Le système de formation initiale n'est aujourd'hui pas tourné vers ce que feront, dans leur grande majorité, les étudiants en médecine.

Ce chantier de concertation autour de la médecine de proximité est aussi perçu comme une marque d'attention vis-à-vis des acteurs de santé de premier recours et une prise de conscience de leur malaise. En même temps, le gouvernement semble vouloir serrer la vis sur les dépenses de santé. Entre "calinothérapie" et rigueur budgétaire, y a-t-il, à votre avis, place pour une revalorisation des soins primaires ?

E. H. Je ne crois pas qu'aujourd'hui, nous manquions d'argent dans notre pays pour financer la santé. Mais le problème c'est le fléchage. Moi, cela ne me choque pas que cette masse financière, qu'on ne peut pas augmenter dans un univers contraint qui est celui de l'équilibre général des finances, soit organisée différemment. Je ne ressens pas chez mes interlocuteurs une forte opposition sur ce sujet. Il faut parvenir à établir un mode de financement, de répartition des gains, qui se retrouve impérativement dans l'enveloppe ambulatoire, mais sans que l'hôpital se retrouve complètement dépossédé. On parle depuis très longtemps de fongibilité des enveloppes, mais ce qu'on ne pouvait pas faire par le passé, parce que nous manquions d'outils de connaissance en termes d'information médicale, est je pense aujourd'hui possible.

La nomination d'une ancienne ministre de la Santé pour mener cette concertation a parfois été présentée par les médias comme concurrentielle de celle de Roselyne Bachelot. Est-ce votre sentiment ?

E. H. Il n'y a pas de concurrence. Nous nous connaissons toutes deux depuis longtemps, nous avons été parlementaires ensemble, dans des régions voisines, et je crois pouvoir dire que nous sommes plutôt complices. Mais pour moi la vie politique, appartient au passé, ce qui m'accorde une liberté plus grande et qui me permet, peut-être d'aller plus loin en poussant mes interlocuteurs dans leur retranchement, en termes de propositions innovantes en leur disant : « osez !

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Pourquoi avez-vous accepté la proposition de la rédaction du Généraliste d'inviter ses lecteurs et internautes à cette concertation ? Qu'attendez-vous du questionnaire lancé par Le Généraliste ?

E. H. D'abord parce que votre hebdomadaire est un véhicule d'information énormément lu par les généralistes et je pense aussi qu'un certain nombre de difficultés rencontrées aujourd'hui auprès de mes confrères médecins, provient surtout d'un manque d'écoute à leur égard. Enfin, Le temps de ma mission est contraint. Je dois rendre ce rapport à la fin du mois de septembre, et j'essaie de privilégier mes déplacements dans les régions où il existe une situation déjà difficile. À partir du moment où je ne pouvais pas aller partout, ce questionnaire, riche et très bien pensé par la rédaction du Généraliste, permettra de faire remonter les opinions et les suggestions des confrères. Je leur dis : remplissez-le, (*) retournez-le, vos contributions seront étudiées avec la plus grande attention.

Vous pouvez retrouver le site de la mission Hubert en cliquant sur le lien suivant : www.medecine-de-proximite.fr