Légiférer sur les problèmes de fin de vie et d’euthanasie, à l’heure de difficultés majeures mettant en jeu l’avenir du pays, ne paraît pas le meilleur moment de réflexion et d’apaisement, conditions indispensables dans lesquelles un tel projet devrait se discuter… Cela étant, les propositions du gouvernement ne nous paraissent pas correspondre aux besoins et nécessités du moment.
Quatre raisons principales peuvent être mises en avant :
1 – Manque de connaissance et insuffisance d’utilisation de la Loi Leonetti
Les objectifs et moyens concernant les fins de vie contenus dans la loi Leonetti sont peu et mal connus à la fois des soignants et de la population. Ce qui entraîne une mauvaise utilisation ou une utilisation insuffisante, parfois inadaptée, de la Loi et de ce qu’elle permet de faire dans ces moments où la qualité des soins et le sens humain doivent au plus fort s’exprimer. Il faudrait donc que, via les ARS et au niveau national, se fasse une synthèse des données essentielles, clairement définies incluses dans la loi, qui serait adressée à l’ensemble des professionnels de santé. Ils connaîtraient alors, tous les moyens à leur disposition pour répondre aux besoins des patients, et donc éviter que ceux-ci ne réclament une solution définitive inadaptée. De la même façon, seraient davantage rassurées des familles inquiètes et exprimant leur grande peine, parfois de façon quelque peu agressive, mais justifiée, face à des situations qui les touchent au plus profond de leur chair et de leur cœur. Nous devons protéger les plus vulnérables, les aider à mourir, ce que nous faisons déjà et chaque jour, et non leur proposer la mort comme solution.
2 – Développer des lieux de fin de vie suffisamment nombreux et pleinement équipés
Les soins palliatifs sont la grande priorité oubliée. Il est urgent de former un maximum de professionnels de santé, pour ne pas dire tous, aux problèmes de fin de vie et qu’ils sachent utiliser les moyens disponibles et adaptés à ces situations. De même faut-il sans tarder développer des structures adéquates où les patients et leur famille seront accueillis dans les meilleures conditions possibles, un personnel suffisamment nombreux et conforté par le rôle des familles dans le cadre d’un travail commun avec des Associations reconnues qui souhaitent participer. Leur participation est essentielle pour que l’essence même de ce projet soit guidée par l’humain et le cœur.
3 – Ne pas se perdre : accompagner plutôt que provoquer la mort
Il est clair que proposer l’Euthanasie ou l’aide active à mourir est ouvrir la boîte de pandore, soulignant notre incapacité à répondre, sur un plan sociétal, humaniste et technique, aux besoins du moment, nous concernant directement, familialement, médicalement ou affectivement. C’est comme pour la drogue, lâcher un peu, c’est tout lâcher. Nous pensons donc que l’essentiel est dans l’accueil de ces patients, à bout de souffle, qu’il faut assister, réconforter, soulager, entourer d’affection, afin qu’ils ne se trouvent plus seuls désormais lors de moments très difficiles sur le plan physique, moral et psychologique. Car comme l’a montré l’exemple dans d’autres pays proches, un peu, pas à pas, peut représenter beaucoup. Et ce alors même que, dans une très large majorité des cas, bien accueillir ces patients, les entourer, les chouchouter en quelque sorte, les encourager, les soulager, être suffisamment à leurs côtés, va, dans une très large majorité des cas, les faire changer d’avis. Et ainsi espérer retrouver un sens à ce qu’il leur reste de vie, plutôt que d’entrer dans le tunnel de la mort. Se tourner vers l’euthanasie ou l’aide active à mourir, c’est nier tout sens à la vie et à leur vie…
4- Des cas qui peuvent amener débat
Il est clair que le plus grand nombre de cas en fin de vie trouvent une réponse adaptée sur les bases de la Loi Leonetti et des moyens techniques et pharmacologiques qui en découlent, assurant le confort nécessaire et indispensable jusqu'au décès. Quelques cas touchant des personnes totalement dépendantes, relativement jeunes et encore en pleine conscience, et de ce fait réclamant une aide active à mourir, peuvent prêter à forte discussion, du fait aussi de l’état de stress qui peut en découler, touchant les familles et jusqu’au personnel médical, même le plus aguerri. Cependant beaucoup et même la plupart, placés dans des conditions psychologiques et affectives adéquates, se voient prendre une nouvelle voie de vie, posant le postulat que réclamer la mort n’est que la simple expression de notre incapacité sociétale à répondre à l’attente de celui qui est en souffrance. Cela renforce l'idée qu’il est indispensable de mettre en place les structures nécessaires et attendues, encore largement inexistantes, incluant un personnel formé, des associations disponibles et des familles qui ont besoin d’explications et de formation suffisante. Cette approche permettra de mieux appréhender, dans la sérénité souhaitée, ces moments douloureux mais qui peuvent aussi permettre de resserrer des liens distendus ainsi que l’élévation des cœurs et de l’esprit. Mais le suicide est contraire au devoir envers soi-même. Il en découle que nous devons accompagner plutôt que provoquer la mort.
Le serment d’Hippocrate nous encourage à soulager, à apporter notre soutien physique, moral, psychologique aux patients en difficulté, à protéger les plus vulnérables mais ne nous autorise pas à leur proposer la mort comme solution et a fortiori à leur donner la mort.
La raison pour laquelle nous nous sommes toujours élevés contre la peine de mort, c’est que nous considérons que ce qui peut se passer, de plus terrible, de plus horrible, est lié à notre incapacité actuelle d’établir le diagnostic de l’état mental de la personne en cause. Il en découle que nous ne pouvons condamner quelqu’un parce qu’il est malade et que nous n'avons pas encore les moyens d’en faire un diagnostic et de le guérir. Nous pouvons et devons l’isoler et le tenir à l’écart afin de contrôler sa nuisibilité, mais nous ne sommes, en aucun cas, en droit de lui enlever la vie.
N’acceptons pas l’euthanasie ni l’aide active à mourir parce que nous sommes dans l’incapacité d’agir et de répondre de façon volontariste et organisée à l’attente et aux besoins de ceux qui se trouvent en fin de vie. Situation à laquelle, ne le perdons pas de vue, nous serons nous-mêmes, tôt ou tard, amenés à nous confronter.
Il nous faut former au plus vite des professionnels concernés et adaptés aux problèmes de fin de vie et créer des lieux d’accueil les plus adéquats possibles pour créer les conditions les plus adaptées d’acceptation de fin de vie.
Nous devons informer les familles et les inclure dans ce projet avec l’aide complémentaire des associations dynamiques et compétentes dans ce domaine.
Nous voulons vous proposer ce plus nécessaire pour que la fin de vie soit confortable, douce et entourée d’amour et de bienveillance. Ne laissons pas s’ouvrir la porte de l’euthanasie ou de l’aide active à mourir.
Proposer et mettre en route un référendum serait une pure catastrophe car c’est provoquer la seule affectivité. Trancher par ce seul affectif ne nous paraît pas à même d’obtenir une réponse suffisamment distancielle nécessaire face à cette question primordiale de la vie qui est celle de notre mort.
La vie est trop précieuse pour la remettre en cause, mais à la condition impérative de créer les conditions permettant à chacun de vivre chaque instant de sa fin de vie dans le confort, la sérénité et le respect de sa personne sans porter atteinte au sens profond de la vie qu’il a vécue.
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Merci mon cher confrère pour cette alerte sur l’obésité
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