« 2014 est une année charnière pour l’entraide ordinale dans différents départements (Gard, Vaucluse, par exemple). Plusieurs initiatives venant de médecins au contact quotidien de leurs confrères en difficulté sont en effet en cours de structuration. On peut même dire qu’il s’agit d’un véritable bourgeonnement d’expérimentations qui visent toutes à proposer aux médecins libéraux de mieux prendre soins de leur santé grâce à des consultations de médecine de prévention, explique le Dr Bruno Kezachian. Ces propositions viennent toutes de la base, même si le conseil national de l’Ordre avait déjà identifié un axe de travail dès 2008 au moment de la parution du rapport de la commission nationale permanente "Le médecin malade" (1). Mais aucune directive nationale n’avait été mise en place par la suite. Cette appropriation locale des besoins pourrait permettre la mise en place de mesures beaucoup plus pérennes qu’une décision nationale imposée. »
Un constat... d’absence
Aujourd’hui, différents mécanismes d’entraide ordinale peuvent être proposés aux médecins en difficulté au niveau départemental et national. Il existe aussi des associations d’entraide associées aux conseils départementaux qui permettent de prendre en charge des médecins déjà malades (l’association MOTS, par exemple).
« Deux autres axes doivent donc être développés : d’une part structurer des services d’hospitalisation pour les médecins malades les plus gravement atteints et, d’autre part, agir en prévention pour contribuer à dépister et éviter les pathologies qui peuvent impacter sur le déroulement de la carrière d’un médecin. Nous avons en effet constaté qu’aucune action de médecine préventive n’est spécifiquement proposée aux médecins libéraux et que peu d’entre eux sont suivis régulièrement par un médecin traitant référent. Notre but est de mettre en place une médecine préventive des maladies somatiques, psychologiques, psychiatriques et des addictions de façon à prendre en compte de façon globale de la santé du médecin libéral », continue le Dr Kezachian.
Comment mettre en place ce service ?
Pour le Dr Kezachian, « l’Ordre des médecins ne peut pas imposer des soins préventifs ni curatifs. L’accès aux consultations de médecine préventive sera donc fondé sur le volontariat dans un contexte de confidentialité complète vis-à-vis de l’Ordre. L’idée n’est surtout pas de dénoncer des confrères ni de mettre en place des notions d’aptitude et d’inaptitude. Nous souhaitons plutôt accompagner les médecins dans une approche personnalisée préventive. Mais si au cours de la consultation une pathologie est dépistée, le médecin de prévention devra tout faire pour que son patient médecin prenne les mesures appropriées pour ne pas mettre en danger sa santé et la population de ses patients. Les médecins qui assureront ces consultations sont en majorité des médecins généralistes formés spécifiquement aux soins aux soignants. Dans le Gard, il s’agit de médecins qui ont une responsabilité ordinale ou universitaire. Dans ce département, les consultations seront majoritairement prises en charge par le conseil départemental de l’Ordre, et le médecin pourra éventuellement choisir de consulter à plusieurs reprises le médecin référent, mais toujours pour des initiatives de prévention. »
Les jeunes médecins, première cible du conseil de l’ordre
Pour le Dr Kezachian, « aujourd’hui, les médecins parlent plus facilement de leurs difficultés d’exercice et de leurs problèmes de santé ». « Le tabou est en train de tomber, et tant mieux. Mais chaque jour, nous constatons combien il est difficile d’imposer des nouvelles habitudes de prévention à nos confrères les plus âgés. Le changement passera par la nouvelle génération des médecins : celle qui ose dire que le travail – même celui de soigner – n’est pas un but unique dans la vie, mais qu’il fait partie de l’épanouissement du médecin tout comme sa vie de famille et sa vie sociale. Nous avons fait le choix, lors de chaque inscription d’un jeune confrère à l’Ordre du Gard, de délivrer des informations sur l’épuisement professionnel et les mécanismes d’entraide confraternelle et aussi bientôt sur la médecine préventive. Paradoxalement, notre public privilégié sera constitué d’une génération de personnes pas malades et réceptive aux messages de prévention primaire et secondaire. »
INTERMED, des consultations de médecine préventive dans le Gard
L’étude de faisabilité de la mise en place des consultations de médecine préventive dans le Gard a donné lieu à une Thèse de médecine générale par le Dr Fanny Grau-Coppieters en 2011. De ce travail d’entretiens individuels avec des médecins libéraux, il est ressorti qu’il existe une demande pour la mise en place de consultations de prévention, mais que les praticiens restent encore très réticents et particulièrement exigeants sur les conditions de consultation. En s’appuyant sur ces données, le Conseil départemental de l’ordre du Gard a proposé une organisation qui pourra par la suite être adaptée aux retours d’expérience.
En pratique dans le Gard, les consultations de médecine préventive devraient être dispensées au sein des maisons médicales de garde qui ne sont pas utilisées pendant les périodes diurnes.
Les médecins seront avertis par mailing et courrier de l’ouverture de ces créneaux de consultations. Ils auront la possibilité de prendre des rendez-vous en toute confidentialité par rapport à l’Ordre.
(1) http://www.conseil-national.medecin.fr/article/le-medecin-malade-746
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