La médecine du travail raccroche le train des retraites

Une réforme peut en cacher une autre

Publié le 15/09/2010
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Crédit photo : AFP

DEPUIS PLUS de deux ans, les médecins du travail attendaient une grande réforme. Il faudra finalement faire avec un petit amendement, numéroté « 730 » et élaboré par le gouvernement : la réforme des services de santé au travail, annoncée depuis 2008, a fait son entrée presque en catimini à l’Assemblée nationale, raccrochant le train du projet de loi sur les retraites et plus précisément son sensible volet « pénibilité » (lire aussi encadré).

En fait, l’assemblage « santé au travail-retraites » n’est pas une surprise. Le ministre du Travail, Éric Woerth, l’avait annoncé au printemps dernier, ajoutant une énième pierre au feuilleton d’une réforme promise en… 2008 mais jamais aboutie. Avant lui, il y a eu huit mois de négociations finalement avortées entre les partenaires sociaux (les syndicats et le MEDEF n’arrivant décidément pas à s’entendre), une reprise en main du dossier par Xavier Darcos, prédécesseur d’Éric Woerth au Travail, dont les promesses de projet de loi spécifique ont été plusieurs fois repoussées… Le tout dans un contexte de crise inédit : la vague de suicides à France Télécom.

Il y a urgence. La France compte aujourd’hui quelque 6 500 médecins du travail dont les trois quarts ont plus de 50 ans. En mai dernier, le rapport Dellacherie-Frimat-Leclerq, remis aux ministres du Travail, de la Santé et de l’Enseignement supérieur, faisait de sombres pronostics : sans réforme, annonçait-il, il n’y aura plus que 2 300 médecins du travail en 2030 (« le Quotidien » du 17 mai). Espèce menacée, la spécialité est en voie d’extinction. L’amendement 730, qui qualifie les médecins du travail d’« acteurs clé en termes de prévention de la pénibilité », permettra-t-il leur mutation ? Les syndicats n’ont pas l’air de le penser (voir ci-dessous).

Le texte reprend pour commencer quelques vieilles recettes. Le développement d’équipes pluridisciplinaires en santé au travail est ainsi à l’ordre du jour. « Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail composée au moins de médecins du travail, d’intervenants en prévention des risques professionnels, d’infirmiers et, le cas échéant, d’assistants des services de santé au travail », stipule l’amendement. Il précise aussi que si les compétences dans une entreprise ne permettent pas d’organiser la protection et la prévention des risques professionnels, un employeur peut faire appel à d’autres intervenants parmi lesquels se rangent, par exemple, « les services de prévention des caisses de Sécurité sociale » – dans le même registre, un autre amendement propose qu’un accord collectif de branche puisse prévoir que la santé de certaines catégories de métiers (employés des services à la personne, intermittents du spectacle…) ne soit plus contrôlée par un médecin du travail mais par un généraliste.

Dans le but d’établir « une égalité de traitement entre les différents salariés en uniformisant leur suivi médical », le gouvernement en profite par ailleurs pour faire table rase (à échéance de 18 mois), les accords collectifs dérogeant au droit commun de la médecine du travail (notamment en termes de périodicité des visites). Enfin, l’amendement 730 jette un pavé dans la mare en prévoyant que les médecins du travail exercent leurs missions « sous l’autorité de l’employeur ».

 KARINE PIGANEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8815