« CE PROJET ? C’est une perversion politique, s’étrangle le Dr Bernard Salengro, médecin du travail et membre de la CFE-CGC. On veut transformer le médecin du travail en exécutant du directeur qui décidera pour lui des visites à organiser. Bientôt le directeur nous dira : arrange-toi pour reconnaître que ce cancer du poumon est causé par le tabac et non par l’amiante, et que ce problème d’audition est dû au baladeur, et non à l’environnement sonore. Et s’il te plaît, va faire un peu de bruit dans l’entreprise autour de la prévention et du sport. Tout ça dans un seul but : démontrer que l’entreprise n’est pas responsable des problèmes de santé de ses salariés. » À ce compte-là, le Dr Salengro prédit la mort de la médecine du travail dès 2011.
Jean-François Naton (CGT) est tout aussi remonté. « Il y a un écart terrifiant entre les discours officiels, qui, depuis 2007, clament l’urgence d’une réforme de la médecine du travail, et cette série d’amendements. Ce n’est pas parce qu’on va débaucher des généralistes, et encore faudra-t-il en trouver, qu’on va régler le problème. Réformer la médecine du travail, c’était ouvrir le débat sur la prévention. Là, on est à des années lumière du " bien travailler " ». « Le conflit d’intérêt est flagrant. Ce projet, c’est une atteinte au droit à la santé des salariés », résume le Dr Mireille Chevalier (SNPST).
Les salariés vont trinquer, et avec eux, les médecins du travail, qui risquent un peu plus de prendre la tangente, pronostique Bernard Salengro : « Vous ne faites pas bac + 12 pour n’avoir aucune autonomie, aucune responsabilité, assène-t-il. La moitié des médecins du travail sont à temps partiel. Mais si tous travaillaient à 100 %, il y aurait alors 30 % de médecins du travail en trop. C’est une pénurie organisée. On parle de nous remplacer par des infirmières, des généralistes, des internes car les médecins du travail sont des gêneurs. »
L’idée de se voir confier l’évaluation de l’invalidité des salariés ne trouve pas davantage grâce à ses yeux. « C’est une farce. Ce projet élimine tous les problèmes dus au travail de nuit, au rythme alterné. » Le Dr Salengro refuse, à ce stade, de baisser les armes : « Vingt et un millions d’électeurs nous soutiennent. Si nous ne sommes pas entendus à l’Assemblée, nous jouerons notre carte au Sénat et au Conseil constitutionnel. La médecine du travail n’a rien à voir avec les retraites. Cela s’appelle un cavalier législatif. »
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