Les dernières recommandations ne datent que de l'été 2007, mais une mise à jour s'imposait, de récents résultats de grandes études pouvant semer la confusion chez les praticiens. Parmi les points abordés : l'évaluation du risque cardiovasculaire global, le rôle de la micro albuminurie et de la protéinurie, le choix de la molécule administrée en première intention, les associations médicamenteuses, la détermination du seuil et de la cible thérapeutiques, les doutes émis sur une baisse trop marquée de la pression artérielle (PA), le bénéfice au long cours des antihypertenseurs, enfin la conduite à tenir dans des contextes cliniques particuliers comme les sujets très âgés.
Quantifier le risque cardiovasculaire
Point essentiel de la prise en charge de l'hypertension artérielle (HTA) : évaluer le risque cardiovasculaire du patient. Il repose sur la recherche d'une atteinte infra clinique ; les recommandations 2007 préconisaient la surveillance régulière du débit de filtration glomérulaire, de la micro albuminurie (MA), de l'électrocardiogramme (ECG), de l'échographie cardiaque, de la mesure de l'index de pression systolique (IPS) et de la rigidité artérielle. Mais l'étude ONTARGET avait semé un doute : la baisse de la protéinurie par l'association inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) - antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARAII) ne s'accompagnait pas d'un bénéfice clinique sur les évènements rénaux et cardiovasculaires, tandis que d'autres études comme ADVANCE confirmaient la valeur prédictive de la protéinurie. Aussi le comité reste-t-il sur sa position et confirme la nécessité de mesurer la microalbuminurie, aussi bien lors du diagnostic que du suivi.
Traiter un patient plutôt que des chiffres de PA
La question récurrente du choix de la molécule à prescrire en première ligne a encore de beaux jours devant elle. Les recommandations de 2007 proposaient de choisir entre les 5 familles classiques d’antihypertenseurs pour initier le traitement. Si les effets cardio-protecteurs des IEC, des ARAII et des inhibiteurs calciques (ICa), seuls ou en association, ont été confirmés à la fois par de nouveaux essais et de nouvelles analyses d'études plus anciennes, les choses sont moins claires concernant les bétabloquants. Des études comme LIFE ou ASCOT se sont révélées plutôt défavorables (mais avec un biais possible du fait de la différence de pression artérielle entre les groupes de traitement), alors que d'autres essais sont plutôt positifs ; quant aux métas analyses, si elles ne permettent pas de trancher, elles ne semblent pas négatives ! L’une des plus récentes, réalisée par le BPLTTC (Blood Pressure Lowering Treatment Trialists' Collaboration), ne montre pas de différence sur les évènements cliniques, que le patient soit sous bétabloquants ou ses comparateurs. "Comme tous les autres antihypertenseurs, les bétabloquants ont leurs avantages et leurs inconvénients" remarque le Pr MANCIA (Milan). "Ils se montrent supérieurs chez le coronarien, équivalents pour la prévention de l'insuffisance cardiaque (IC) et des accidents vasculaires cérébraux (AVC) à la plupart de leurs comparateurs, sauf les ICa qui sont meilleurs pour la prévention des AVC mais inférieurs pour la prévention de l'IC. Il n’est pas question de déterminer une hiérarchie des traitements pour un patient paradigmatique, mais plutôt de décider du traitement optimal pour un patient donné et dans des circonstances précises."
Associations thérapeutiques : un intérêt qui se renforce
Les recommandations de 2007 avaient consacré l'importance des plurithérapies pour contrôler la PA de la majorité des hypertendus. Une nouvelle étude (Wald, 2009) confirme qu'en cas d'échec d'un médicament, il est toujours bien plus efficace d'associer une autre molécule plutôt que de doubler la dose de la première. Des preuves supplémentaires corroborent l'intérêt d'une bithérapie en 1ère ligne dans certaines circonstances, comme chez le patient à haut ou très haut risque cardiovasculaire et chez lequel il est impératif de diminuer la PA de façon drastique ou d'agir rapidement du fait du risque à court terme de complications. Une analyse rétrospective de VALUE suggère aussi qu'un contrôle plus précoce de la PA est bénéfique à long terme. Enfin, la compliance reste la pierre d'achoppement de tous les traitements antihypertenseurs. Des données récentes indiquent que les patients arrêtent moins souvent leur traitement quand une association est prescrite d’emblée : l’objectif tensionnel étant obtenu plus rapidement (et souvent de façon mieux tolérée), on limite la lassitude du patient qui se montre d’autant plus compliant…
Depuis 2007, plusieurs études soulignent le bénéfice apporté par les associations d'un bloqueur du système rénine angiotensine (SRA) à un ICa ou un diurétique, mais " ceci n'exclut absolument pas les autres associations, même les moins classiques " insiste l'hypertensiologue italien ; " toutes peuvent présenter un intérêt potentiel dans certains contextes". Le double blocage du SRA par l’association IEC-ARAII n'a pas tenu ses promesses dans ONTARGET. Il ne se distingue que par un bénéfice cardiologique, avec une néphroprotection limitée et un risque de iatrogénie très augmenté ; il reste intéressant pour les néphrologues, en cas d'atteinte rénale, avec une protéinurie insuffisamment réduite par les IEC ou les ARAII seuls, mais sous couvert d'une titration rigoureuse et d'une surveillance étroite de la fonction rénale, des électrolytes, de la PA, et des circonstances cliniques induisant exposant à des pertes hydriques.
Lower n'est pas toujours better
Les recommandations 2007 fixaient le seuil d'intervention thérapeutique à 140/90 mmHg (130/85 pour les patients à très haut risque) ; l'objectif tensionnel était inférieur à 140/90 mmHg, voire moins si la tolérance était bonne, et en tout cas inférieur à 130/80 chez le patient à haut risque. Mais une méta analyse menée par Zanchetti et Mancia émet des réserves sur le bénéfices obtenus par une baisse trop importante des chiffres dans l'HTA compliquée, notamment chez le diabétique. "Nos arguments en faveur d'une stratégie anti hypertensive intensive chez les patients à haut risque, ciblant 120/70 mmHg, viennent d'analyses rétrospectives ou évaluant les atteintes infracliniques (microalbuminurie) ; nous avons besoin de preuves plus solides pour conforter cette position. Nous gardons actuellement les mêmes seuils et cibles qu'en 2007, mais les études se poursuivent ; l'attitude préconisée chez le patient à haut risque, qui est actuellement plutôt « agressive », devra probablement être revue". La remise en cause du "lower is better" fait écho aux craintes autour de la fameuse courbe en J ; les recommandations devraient peut-être indiquer une valeur minimale de PA cible à atteindre, mais sans compromettre la perfusion des organes nobles (en sachant que le seuil au dessous duquel le taux d'évènements cliniques remonte à nouveau diffère selon le patient, son âge, les comorbidités, l'histoire tensionnelle….).
D'autres questions restent en suspens, notamment celle de la pérénité du bénéfice du traitement antihypertensif ; les études ont démontré qu’il se maintient bien à 5 ans, mais qu'en est-il après 20 ans ? Pour le Pr Mancia, "Nous sommes toujours dans la spéculation ; nous considérons que le bénéfice persiste, voire augmente au fil du temps chez les patients traités, alors qu’en réalité nous n'avons aucun argument pour l’affirmer". A suivre …
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