Des lésions anales sont très fréquentes dans la maladie de Crohn (environ 30 % des cas) et la prise en charge thérapeutique des fistules anopérinéales est difficile. Depuis quelques années, les colles biologiques suscitent un intérêt croissant dans cette indication et pourraient, comme le suggèrent les résultats d'une étude présentée par le Pr Jean-Charles Grimaud, constituer une alternative à la chirurgie.
LE TRAITEMENT des fistules anopérinéales de la maladie de Crohn repose essentiellement sur la chirurgie. En effet, l'efficacité des antibiotiques (métronidazole et ciprofloxacine) est modeste et de courte durée et, même si elle est plus marquée, celle des immunosuppresseurs reste néanmoins insuffisante. Les effets bénéfiques de l'infliximab, anti-TNF alpha monoclonal, sont transitoires, avec des rechutes fréquentes. De plus, ce traitement n'est pas sans effets indésirables.
La chirurgie n'est pas non plus dénuée d'effets secondaires, la fistulotomie pouvant entraîner l'apparition de troubles sphinctériens parfois sévères. C'est pourquoi l'injection d'une colle biologique, technique dite « d'épargne sphinctérienne », pourrait représenter une solution de remplacement séduisante.
Son efficacité dans la maladie de Crohn était jusqu'alors peu évaluée, si l'on excepte des essais non spécifiquement faits dans la maladie de Crohn et une étude prospective non contrôlée.
Une étude comparative multicentrique (12 centres) randomisée a été réalisée de façon totalement indépendante sous l'égide du Getaid (Groupe d'études thérapeutiques dans les affections inflammatoires digestives). Son objectif était d'évaluer l'efficacité et l'innocuité d'une colle biologique injectée dans les trajets fistuleux de patients atteints de maladie de Crohn.
Sur les 77 patients (âge médian : 35 ans) inclus, 36 ont été traités par injection d'une colle biologique (Beriplast), constituée d'un mélange de fibrine, de facteur XIII, de thrombine et d'aprotinine bovine. Cette colle biologique est utilisée depuis longtemps en chirurgie pour son action hémostatique. Appliquée sur un site chirurgical, elle forme un réseau de fibrine solide et adhérent, qui facilite l'hémostase et enclenche la cicatrisation tissulaire.
Pour être éligibles, les patients devaient présenter une fistule anopérinéale évoluant depuis plus de deux mois. Etaient exclus les malades traités par anti-TNF alpha ou ciclosporine. La réalisation préalable d'une IRM ou d'une échographie endoanale permettait de visualiser les trajets fistuleux et d'éliminer un abcès.
Le critère principal était la rémission complète à la huitième semaine, définie par l'absence de douleur périanale et d'écoulement. En cas de réponse partielle ou d'absence de réponse à la huitième semaine, les patients pouvaient bénéficier d'une nouvelle injection pour ceux du groupe traité ou d'une première injection pour ceux du groupe non traité. Une évaluation ultérieure était pratiquée à la seizième semaine.
L'analyse des résultats montre que, au terme de 8 semaines, 38 % des patients traités étaient en rémission complète contre 16 % des patients non traités (p < 0,05). L'efficacité s'est révélée supérieure dans les fistules simples. A la seizième semaine, 83 % des patients traités avec succès étaient toujours en rémission. Dix des 19 patients non traités initialement mais ayant eu une injection de colle à la huitième semaine étaient en rémission complète à la seizième semaine. En revanche, aucune rémission complète n'a été obtenue chez les 6 patients traités une seconde fois, ce qui suggère que l'échec d'un premier encollage hypothèque les chances de réussite d'une seconde tentative.
Enfin, les effets secondaires, en particulier les abcès périnéaux semblaient moins fréquents dans le groupe des patients traités par encollage que chez les patients non traités (respectivement 1 et 3 abcès).
A la lumière de ces résultats, la technique d'injection de colle biologique semble efficace et bien tolérée dans le traitement de fistules anales simples chez des patients atteints d'une maladie de Crohn inactive. A ce titre, elle constitue une option thérapeutique intéressante en présence de fistules anales persistantes ou récidivantes sans symptomatologie intestinale, présentant l'avantage de préserver les sphincters.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Charles Grimaud, hôpital Nord, CHU de Marseille.
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