PAR LE Pr PASCAL CLAUDEPIERRE*
L'EFFICACITÉ clinique des anti-TNFa dans la spondylarthrite ankylosante (SA) et le rhumatisme psoriasique (RPso) n'est plus à établir, ce qui n'implique évidemment pas que toutes les formes actives de ces rhumatismes relèvent d'un tel traitement. Il n'est pas toujours facile pour le praticien de « décider » qu'un patient donné est candidat, à tel moment, à un traitement anti-TNFa. Il n'est pas toujours aisé non plus de déterminer si ce patient est répondeur ou non au traitement. C'est pour l'aider dans ces décisions difficiles que la Société française de rhumatologie, à travers la section du Club rhumatismes et inflammations (CRI), a élaboré en 2004 des recommandations sur ce sujet (1). Compte tenu de l'évolution rapide des connaissances théoriques et de l'expérience pratique dans ce champ thérapeutique, il est apparu légitime et même nécessaire d'actualiser ces recommandations en 2007, comme prévu d'emblée (2).
Chez quels patients ?
Comme en 2004, les recommandations actuelles précisent que les anti-TNFa peuvent être envisagés chez les patients ayant une SA ou un RPso bien définis, c'est-à-dire répondant pour l'un aux critères de New York modifiés (3), pour l'autre aux critères de Moll et Wright (4) ; ces critères de RPso ont été étendus aux critères internationaux publiés en 2006, dits critères CASPAR (cf. encadré) (5). Les experts ont cependant redéfini le contingent de patients qui ne répondent pas strictement à ces critères et chez lesquels il est licite, dans certaines situations, de discuter un traitement anti-TNFa : il s'agit des patients chez lesquels on évoque le diagnostic de SA, sans que les critères de New York soient remplis, mais avec une atteinte caractéristique des articulations sacro-iliaques ou du rachis ou des arthrites périphériques en radiographie, ou en tomodensitométrie, ou en IRM (inflammation). Le caractère moins restrictif de ces critères permet notamment de pouvoir envisager le traitement chez les patients en échec thérapeutique qui sont atteints d'une forme encore préradiologique de SA.
Bien entendu, la maladie doit être active, cette activité ayant été constatée à deux reprises, séparées d'au moins 4 semaines. Cette activité reposera d'une part sur l'évaluation globale du médecin (cotation de l'activité supérieure à 4 sur une échelle numérique de 0 à 10), d'autre part sur un indice BASDAI supérieur ou égal à 4 pour les formes axiales et un nombre d'articulations douloureuses et d'articulations gonflées supérieur ou égal à 3 pour les formes périphériques prédominantes. Pour aider le médecin à formuler son appréciation globale de l'activité, une liste d'items à prendre en considération en priorité est proposée.
Après quel traitement optimal ?
Il est toujours consensuel, tant au niveau national qu'international, d'affirmer que les anti-TNFa ne sont pas des traitements de première intention dans la SA et le RPso. Ainsi, dans les formes à prédominance axiale, les AINS restent de première intention, et les anti-TNFa ne seront considérés qu'après l'échec d'au moins trois d'entre eux utilisés aux posologies optimales, sur une période de trois mois pour l'ensemble des trois (en l'absence de contre-indication). Dans ces formes-là, il n'est donc pas nécessaire de recourir à un traitement dit de fond, dont aucun n'a fait la preuve de son efficacité, avant d'envisager un anti-TNFa. Dans les formes à prédominance périphérique, les anti-TNFa pourront être considérés après échec d'au moins un traitement de fond (méthotrexate, léflunomide ou sulfasalazine), utilisé aux doses optimales pendant au moins 4 mois. Lorsque cela paraît adapté, il est également requis d'avoir essayé les injections locales de corticoïdes à au moins deux reprises.
Quelles précautions ?
Une fois l'indication envisagée, il faut bien entendu vérifier l'absence des principales contre-indications aux anti-TNFa (en particulier infection aiguë ou chronique, cancer ou hémopathies dans les dernières années, insuffisance cardiaque instable, maladies démyélinisantes et grossesse). Ces contre-indications, et d'autres comorbidités, seront évaluées par un interrogatoire, un examen clinique et quelques examens paracliniques systématiques, qui sont détaillés dans les recommandations.
Quel anti-TNFa ?
Aucune étude contrôlée n'a comparé entre eux les trois anti-TNFa disponibles. Il est actuellement considéré qu'il n'y a pas de preuve d'une différence d'efficacité entre ces trois médicaments. En termes de tolérance, les données disponibles ne suggèrent pas de différence significative pour le risque infectieux, même si le risque de tuberculose paraît plus élevé avec l'infliximab et l'adalimumab qu'avec l'étanercept.
Ainsi, le choix de la molécule tient compte « du profil du patient », c'est-à-dire de son opinion, de son histoire médicale avec ses comorbidités, des projections que l'on peut avoir concernant son observance au traitement et au suivi. Dans le cas particulier des patients ayant également une maladie inflammatoire chronique de l'intestin dans une forme active, l'infliximab ou l'adalimumab doivent être privilégiés.
L'évaluation de la réponse se fera après six à douze semaines de traitement. Dans les formes de prédominance axiale, elle correspond à une amélioration d'au moins deux points de l'indice BASDAI, et dans les formes de prédominance périphérique à une diminution d'au moins 30 % du nombre d'articulations douloureuses et d'articulations gonflées.
D'autres éléments sont discutés dans ces recommandations comme l'utilité ou non d'un traitement de fond associé, la conduite à tenir en cas de réponse incomplète, ou la conduite à tenir en cas d'intolérance.
Au total, il faut saluer l'actualisation, ainsi que cela avait été prévu d'emblée, de ces recommandations pratiques. Elles constituent non seulement une aide pour le praticien dans la prise en charge au long cours de ces patients, mais également une certaine harmonisation de nos pratiques, utile à de nombreux égards.
* Service de rhumatologie, CHU Henri-Mondor, Créteil.
(1) Pham T et al. ; club rhumatismes et inflammations (CRI) ; Société française de rhumatologie (SFR). TNFalpha antagonist therapy in ankylosing spondylitis and psoriatic arthritis : recommendations of the French Society for Rheumatology. Joint Bone Spine. 2006 ;73 :547-53.
(2) Pham Tet al. on behalf of the Club Rhumatismes et Inflammations (CRI/SFR). Recommendations of the French Society for Rheumatology regarding TNFalpha antagonist therapy in patients with ankylosing spondylitis or psoriatic arthritis : 2007 update. Joint Bone Spine 2007 ; 74 : 638-46.
(3) Van Der Linden S et al. Cats A. Evaluation of diagnostic criteria for ankylosing spondylitis. A proposal for modification of the New YorkCriteria. Arthritis Rheum. 1984 ; 4 : 361-368.
(4) Moll MJ, Wright V. Psoriatic arthritis. Semin. Arthritis Rheum. 1973 ; 3 : 55-78. (5) Taylor W et al. Classification criteria for psoriatic arthritis : Development of new criteria from a large international study. Arthritis Rheum 2006 ; 54 : 2665-2 ; 673.
Les critères CASPAR
Chez un patient ayant une maladie articulaire inflammatoire (axiale, périphérique ou enthésitique), au moins trois points sont nécessaires, chaque item valant un point sauf le psoriasis actuel qui en vaut deux.
1. Psoriasis actuel, ou histoire personnelle de psoriasis, ou histoire familiale de psoriasis.
2. Une dystrophie unguéale psoriasique typique (onicholyse, ponctuation et hyperkératose, visible le jour de l'examen).
3. Absence de facteur rhumatoïde.
4. Présence d'une dactylite (gonflement global d'un doigt) actuelle ou passée (notée par un rhumatologue).
5. Signes radiologiques de productions osseuses péri-articulaires (ossification bien définie, près des interlignes, n'étant pas des ostéophytes, sur les radiographies des mains et des pieds).
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