PAR LE Dr OLIVIER GOUREAU* ET LE Pr JOSÉ-ALAIN SAHEL**
BIEN QUE LES CELLULES souches offrent une grande opportunité pour la réparation de la rétine, leur utilisation clinique nécessite une compréhension complète de leur prolifération, migration, différenciation, immunogénicité, ainsi que l'établissement de contacts fonctionnels.
La première difficulté majeure dans ces approches de thérapie cellulaire consiste à obtenir un nombre suffisant de cellules souches capables de s'orienter dans un lignage neuronal et plus particulièrement de type rétinien. D'où l'idée d'utiliser des cellules souches capables à la fois de proliférer de façon importante et de se différencier efficacement. L'approche idéale pour ces thérapies est de parvenir à guider la différenciation de ces cellules en neurones rétiniens. Parmi ceux-ci, les photorécepteurs (bâtonnets et cônes) sont des neurones sensoriels qui sont connectés dans une seule direction (synapses avec les cellules bipolaires et horizontales) et ne nécessitent pas l'établissement de synapses dendritiques complexes. Ainsi, le remplacement des photorécepteurs par une approche de thérapie cellulaire semble plus adapté que pour les autres neurones, comme pour les cellules ganglionnaires perdues dans le cas du glaucome, qui nécessitent des connections complexes (longues distances, migration, etc.).
Parmi les différents types de cellules souches, les cellules ES (cellules souches embryonnaires) peuvent être obtenues facilement (masse interne du blastocyste), cultivées en grand nombre et possèdent un très fort potentiel de différenciation (pluripotentes), mais soulèvent de nombreux problèmes éthiques car prélevées sur l'embryon. Les cellules souches adultes, qui participent au renouvellement et à la réparation des tissus adultes, sont prélevées directement sur l'organisme, mais en très petit nombre, difficilement amplifiables en culture et beaucoup moins différenciables (multipotentes). En revanche, ces cellules engendrent beaucoup moins de problèmes éthiques. Les cellules souches issues du sang de cordon ombilical et du liquide amniotique pourraient conserver les avantages des cellules ES sans poser les mêmes problèmes éthiques. Par ailleurs, les progéniteurs correspondant à des cellules souches déjà engagées dans une voie de différenciation, ou des précurseurs (progéniteurs sortis du cycle cellulaire avant différenciation) pourraient également être utilisés en thérapie cellulaire.
L'ensemble des résultats obtenus après transplantation des différents types de cellules souches (cellules ES, adultes de type neural, hématopoïétique et rétinien) démontre que toutes ces cellules ne peuvent se différencier de façon terminale en neurones rétiniens, et particulièrement en photorécepteurs, qui sont les principales cellules lésées dans la majorité des rétinopathies. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce phénomène. Tout d'abord, ces cellules ne posséderaient pas les capacités intrinsèques des cellules souches embryonnaires de la rétine, tel un programme transcriptionnel bien défini. Par ailleurs, ces cellules ne répondraient pas aux signaux environnementaux produits par les cellules rétiniennes, indispensables à une différenciation spatio-temporelle correcte des cellules souches pour obtenir une rétine fonctionnelle.
Cultiver des cellules souches in vitro.
Au sein de l'Institut de la vision, qui ouvre ces portes au début de l'année 2008, des approches très fondamentales d'analyses fines des gènes exprimés dans la rétine (analyse du transcriptome) à différents stades de son développement sont en cours afin d'identifier les passages clés de la différenciation des cellules souches et des progéniteurs de la rétine. La nécessité de cette approche fondamentale a été confirmée par des résultats expérimentaux récents.
Les équipes du Dr R. Ali (Londres, Royaume-Uni) et du Dr A. Swaroop (Ann Arbor, Etats-Unis) ont montré que seuls les précurseurs des photorécepteurs sont capables de s'intégrer et de se différencier en photorécepteurs, améliorant, ainsi la vision de souris dont les bâtonnets ont dégénéré. Les cellules équivalentes chez l'homme devraient être prélevées chez un foetus au second trimestre de la grossesse, ce qui serait impossible. La seule solution envisageable semble donc de cultiver des cellules souches invitro à partir d'une source qui resterait à identifier (rétines de foetus, cellules ES, cellules issues de sang de cordon) et de parvenir à les faire se différencier en précurseurs des photorécepteurs afin de les transplanter. Sans compréhension détaillée des différentes étapes de la différenciation, les chances de parvenir au but sont infimes.
Concernant l'approche in vivo de la transplantation, des études expérimentales doivent encore être menées pour montrer l'innocuité (absence de prolifération de cellules non différenciées potentiellement tumorales) et l'efficacité (restauration de l'information visuelle dans des rétines greffées) de cette nouvelle stratégie thérapeutique. Ces études devraient permettre de mieux cerner l'intérêt clinique réel de la thérapie cellulaire.
* Laboratoire de physiopathologie cellulaire et moléculaire de la rétine, Inserm U592, hôpital Saint-Antoine, Paris. ** Centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingts, Inserm U592, directeur de l'Institut français de la vision.
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