Leptine et remodelage osseux
Les os sont le siège d'un remodelage permanent qui permet au squelette de se renouveler tous les dix ans sous l'effet simultané de deux types de cellules : les ostéoblastes et les ostéoclastes. L'activité de ces cellules est en équilibre, ce qui permet à la masse osseuse d'être constante. Ces dernières années, de grands progrès ont été accomplis dans la compréhension de la biologie osseuse. De nombreux facteurs se trouvent impliqués et, au cours de la recherche d'un signal hormonal régulant la formation osseuse, une hormone d'origine adipocytaire, la leptine, a été identifiée comme étant un puissant agent inhibiteur de la formation osseuse. Son rôle dans la régulation de la masse osseuse avait été soupçonné par le fait que l'ostéoporose survient préférentiellement à la ménopause et que les personnes obèses sont protégées de l'ostéoporose. La leptine étant impliquée dans le poids et la reproduction, elle pouvait également jouer un rôle dans la formation osseuse.
Relais hypothalamique.
Diverses expériences ont alors montré que le blocage du signal leptine conduit à une augmentation de la masse osseuse. Ainsi, les souris transgéniques, qui ne synthétisent pas de leptine (souris ob/ob) ou qui n'expriment pas ses récepteurs, sont stériles, obèses et ont une masse osseuse augmentée de 40 %. Cela suggérait déjà que la leptine avait un rôle antiostéogénique. Dans le même ordre d'idées, on observait que les souris lipodystrophiques, qui ont un faible taux de leptine, présentaient un âge osseux avancé.
Une fois ces constatations faites, restait à démonter le mécanisme par lequel la leptine exerce cet effet antiostéogénique. « Dès que l'hypothèse de la régulation de la masse osseuse au niveau hypothalamique fut acquise, déclare le Dr Florent Elefteriou, nous avons, dans le laboratoire de Gérard Karsenty, réalisé plusieurs expériences dont deux d'entre elles ont été très probantes. »
La première a consisté à délivrer des microquantités de leptine dans l'hypothalamus de souris ob/ob. Au bout de 28 jours de micro-infusions, la masse osseuse était redevenue normale.
Dans la seconde, les chercheurs ont testé des neurones particuliers ayant une affinité pour la leptine au niveau de l'hypothalamus, en détruisant par des substances chimiques certains noyaux de l'hypothalamus ventro-médian (VMH). Les résultats ont été similaires à ceux observés chez les souris déficientes en leptine. Ces résultats ont donc démontré que la leptine agit par l'intermédiaire d'un relais hypothalamique et que certains neurones hypothalamiques sont responsables de la fonction antiostéogénique de la leptine.
Tonus sympathique.
Mais par quelle voie ces neurones hypothalamiques pouvaient-ils exercer leur action antiostéogénique ? Deux réponses étaient alors possibles. La première suggérait qu'après stimulation de certains récepteurs hypothalamiques une molécule était larguée dans la circulation et allait produire ses effets sur l'organe cible, l'os. La deuxième hypothèse, adoptée aujourd'hui, est que les neurones hypothalamiques exercent leur action via le système nerveux orthosympathique. En effet, après mise en commun de la circulation sanguine de deux souris, de la leptine a été injectée dans le cerveau d'une des souris. Résultat : seule la souris ayant reçu de la leptine a vu diminuer sa masse osseuse. Cette expérience est évidemment en faveur de la nature nerveuse du message. On a également pu mimer in vivo chez la souris une augmentation du tonus sympathique au cours de laquelle ont été observées une diminution des ostéoblastes et une réduction de la masse osseuse.
Des expériences inverses ont ensuite été réalisées. Ainsi, des souris déficientes en catécholamines ont une masse osseuse élevée, et l'administration d'agonistes adrénergiques à des souris induit une diminution de leur masse osseuse ; d'autre part, l'administration de bêtabloquants à des souris augmente leur masse osseuse et prévient la perte d'os induite par ovariectomie. Le récepteur adrénergique de type bêta-2 est le seul parmi les récepteurs adrénergiques postsynaptiques à être exprimé par les ostéoblastes.
Mais l'action du système sympathique ne s'exercerait pas seulement en diminuant les ostéoblastes ; elle aurait également un effet sur la résorption osseuse.
Nul doute que de toutes ces études émanent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement de l'ostéoporose dont l'objectif serait non seulement de limiter la résorption, mais aussi de stimuler la formation de matrice osseuse. La recherche d'inhibiteurs de la leptine capables d'agir sélectivement sur la fonction osseuse, sans induire d'obésité, est à l'évidence le premier axe de recherche à explorer. Enfin, la leptine étant un inhibiteur de la formation osseuse, pourquoi ne pas envisager aussi l'existence d'un activateur de la formation osseuse ?
D'après la communication du Dr Florent Elefteriou (Houston, Etats-Unis).
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