LA RÉFORME du financement de la protection sociale a réveillé la campagne législative à l'approche du second tour. Confronté à une polémique sur le projet de TVA sociale de Nicolas Sarkozy, le gouvernement a dû préciser ses intentions en la matière. Mais les avis sur cette réforme restent controversés.
Une TVA sociale aux objectifs ambigus
Au lendemain du raz de marée UMP du premier tour, les ténors de la gauche sont entrés dans la dernière ligne droite de la campagne législative en tirant à boulets rouges sur cette «TVA antisociale». Le PS accuse le gouvernement de vouloir faire payer aux Français la note de ses réformes fiscales (évaluée à 11 milliards d'euros par l'UMP).
Au contraire, plusieurs syndicats de médecins libéraux voient d'un bon oeil la TVA sociale, dans la mesure où elle pourrait élargir la palette des recettes disponibles pour financer la Sécurité sociale et la branche maladie en particulier (voir encadré).
La finalité de ce chantier est ailleurs, a rectifié dès lundi le Premier ministre à l'occasion d'un meeting à Nancy. «Que nul ne s'y trompe: il ne s'agit pas d'alourdir les impôts, pas plus qu'il ne s'agit d'augmenter la TVA pour boucher les trous occasionnés par nos dépenses publiques et sociales qui doivent d'abord être redressées», a déclaré François Fillon. L'objectif premier d'une éventuelle majoration des taux de TVA consiste à favoriser l'emploi. C'est pourquoi le Premier ministre préfère parler de «TVA antidélocalisations», comme il l'a indiqué mardi soir sur France 2. Les lettres de missions qu'il a confiées le même jour à deux membres du gouvernement vont dans le même sens. Le ministre de l'Economie, Jean-Louis Borloo, doit «mettre à l'étude la possibilité d'affecter une partie de la TVA au financement de la protection sociale, en contrepartie d'une baisse des charges sociales pesant sur le travail», par un simple jeu de transfert. La lettre de mission adressée à Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé de la Prospective, précise de même que le chantier de la TVA sociale devrait «s'inscrire dans une logique d'amélioration de notre compétitivité» en s'inspirant des «réformes comparables» au Danemark et en Allemagne.
Calendrier et rendement attendu
François Fillon n'a pas exclu que cette réforme, menée en «concertation étroite» avec le patronat et les syndicats, aboutisse à une hausse de la TVA en 2009. Son «ordre de grandeur» pourrait être de cinq points selon le Premier ministre, conformément à ce que préconise Jean Arthuis, président centriste de la commission des finances du Sénat et grand défenseur de la TVA sociale.
A partir des évaluations de Jean Arthuis, chaque point supplémentaire de TVA pourrait rapporter aux caisses de l'Etat 7 milliards d'euros sur les produits aujourd'hui taxés à 19,6 % et 2 milliards de plus sur ceux taxés à 5,5 %.
Avantages et effets pervers
La TVA dite sociale présente l'avantage d'alléger le coût du travail et de taxer un peu plus les produits importés, notamment ceux qui proviennent des pays à bas coûts.
En revanche, les syndicats de salariés et l'opposition font valoir qu'elle a surtout le défaut de s'appliquer à tous les consommateurs sans distinction de revenus. Le président du Modem, François Bayrou, prédit «une baisse du niveau de vie» au détriment de «tous les Français, spécialement les plus pauvres». «On va faire payer les personnes âgées qui jusqu'à maintenant ne payaient pas», a fait remarquer Dominique Strauss-Kahn. Le PCF redoute une «répercussion dans des hausses de prix par les entreprises, (ce qui) accentuerait le freinage de la consommation populaire». «C'est une TVA anticonsommation» pour François Hollande et une mesure «très injuste et ensuite économiquement sans doute très dangereuse» aux yeux de Ségolène Royal.
Le Premier ministre a déjà averti que la «TVA antidélocalisations» tomberait à l'eau si le risque d'inflation était trop fort. Reste le coût politique : Alain Juppé, qui a fait passer la TVA de 18,6 à 20,6 % en 1995, en sait quelque chose…
Les médecins très intéressés
Ce n'est pas habituel, mais les présidents de la Csmf et de MG-France paraissent pour une fois sur la même longueur d'onde : le projet de TVA sociale est une piste très intéressante, disent Michel Chassang, pour la Confédération, et Martial Olivier-Koehret, pour MG-France.
«Cela permettra, souligne le premier, d'élargir l'assiette du financement et de détaxer la main-d'oeuvre, ce qui est une bonne chose pour l'emploi, tout en faisant participer les produits importés à ce financement.»
« Un financement uniquement fondé sur les salaires ne peut qu'alourdir le coût du travail et empêcher le développement économique. C'est pourquoi la piste de la TVA sociale est très intéressante. Mais il convient évidemment d'en étudier toutes les conséquences et cela demande une réflexion approfondie», affirme, de son côté, le président de MG-France.
Plus réservé, le président de la FMF estime que «c'est une des pistes de travail actuelles». Mais, ajoute le Dr Jean-Claude Régi, il faudrait «aller au fond des choses et remettre à plat l'ensemble du système: le financement mais aussi et surtout l'organisation du système de soins. Les deux sont étroitement liés».
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