LA RÉANIMATION française, avec un taux de survie moyen de 80 %, fait des miracles quotidiennement. Cette discipline, bien que reconnue dans le monde entier, est néanmoins en souffrance.
Soucieux à l'idée que surgisse une baisse de la qualité des soins, inquiets aussi de constater de fortes disparités régionales dans l'accès aux soins, les réanimateurs tirent la sonnette d'alarme. Ils demandent le déblocage de moyens et le lancement d'un vaste plan national pour que leurs services soient enfin mis aux normes, tant dans le secteur public que dans le privé.
Car les décrets de 2002, qui ont revu de fond en comble l'organisation de la réanimation en France, ne sont pas respectés partout. Hôpitaux et cliniques ont disposé de cinq ans pour appliquer la nouvelle réglementation (architecture, effectif soignant présent). Le terme est échu, et force est de constater que l'objectif n'est pas atteint. Loin s'en faut : 40 % des services de réanimation ne respectent pas les décrets, d'après une étude de la Société de réanimation de langue française.
Au-dessous des normes européennes.
Le président de cette société savante, le Pr François Fourrier (CHU de Lille), s'en inquiète :" Le respect des décrets est très variable d'une région à l'autre. Le manque d'infirmières, par endroits, est criant surtout en Ile-de France. Or on ne peut pas faire de la réanimation de qualité si on n'a pas l'effectif suffisant. Les études internationales montrent que les accidents et les infetions nosocomiales sont alors plus élevés".
L'Auvergne compte plus de 15 lits de réa pour 100 000 adultes, la Bourgogne moins de 7 (dr)
Les décrets de 2002 fixent des quotas : il faut deux infirmières pour cinq patients, et une aide-soignante pour quatre patients. Ce qui correspond à la moitié des normes moyennes en vigueur en Europe. La Suisse, a contrario, impose une infirmière par patient. Dans le service lillois du Pr Fourrier (16 lits), huit postes d'infirmier sont vacants, sur un total de 30 postes. Dilemme : «Soit je ferme des lits, mais alors la direction me le reproche car cela fait chuter les recettes, du fait de la tarification à l'activité. Soit je maintiens les lits ouverts, mais la sécurité n'est pas optimale, observe le Pr Fourrier. C'est une spirale infernale.» Le président de la société savante rappelle que le chef d'un service non réglementaire risque gros en cas de mort d'un patient, les décrets étant opposables. Il dénonce une certaine hypocrisie des tutelles. «Les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) pourraient retirer l'autorisation aux services non conformes, mais elles préfèrent fermer les yeux.» Dans le Nord - Pas-de-Calais, 18 des 20 services de la région ne sont pas réglementaires. Leur mise à niveau coûterait 18 millions d'euros. «C'est surtout un problème de moyens financiers, regrette le Pr Fourrier. Les quotas de formation d'infirmiers sont aussi un facteur limitant.» Les réanimateurs s'inquiètent aussi de voir surgir des inégalités géographiques dans l'accès aux soins (voir carte). «Certaines régions sont bien mieux équipées que d'autres. Selon l'endroit où vous vivez, vos chances de prise en charge ne sont pas les mêmes», affirme François Fourrier. La société de réanimation a pris contact avec les services de Roselyne Bachelot. «Nous demandons un plan national pour la réanimation, qui mettrait des moyens sur la table, principalement consacrés aux régions en difficulté. Mais on craint que ce ne soit pas la priorité du moment pour le ministère, qui se concentre sur l'élaboration d'une grande réforme hospitalière.» Les réanimateurs gardent l'espoir d'être entendus rapidement. La sécurité des soins dans le pays, affirment-ils, est en jeu.
> DELPHINE CHARDON
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature