L’AMM très médiatisée tout début janvier du Sativex, ce dérivé du cannabis, a mis les pleins feux sur la sclérose en plaques (SEP) dans le grand public. Mais ce n’est pas la seule avancée thérapeutique attendue en 2014.
Le Sativex, un spray de cannabidiol, rend de fiers services aux patients répondeurs, c’est vrai, dans la spasticité résistante aux traitements antispastiques classiques, mais peut-être aussi dans les douleurs profondes, le sommeil et les troubles urinaires. Mais bien au-delà du symptomatique, l’arsenal thérapeutique est en train de s’enrichir de nouveaux traitements de fond, et en particulier dans les formes débutantes de la maladie. Depuis le natalizumab (Tysabri), les médicaments sont dits «intelligents», car conçus une fois un mécanisme d’action identifié. Le gros plus qui change tout pour les patients, c’est l’arrivée récente de traitements par voie orale sans risque majeur. Ces médicaments véhiculent une image différente de la maladie, moins marquée de l’épée de Damoclès. La maladie est toujours là, mais par rapport à il y a encore une dizaine d’années, un traitement précoce permet au sujet jeune de faire des projets de vie, travail, mariage, emprunts, enfants.
Quels sont ces immunomodulateurs à prise orale ?
Après le fingolimod (Gilenya), un immunosuppresseur réservé depuis 2011 aux formes agressives ou en 2e ligne, cette année voit l’arrivée de molécules dans les formes rémittentes, les plus fréquentes. C’est le cas du diméthyl fumarate (Tecfidera) et du tériflunomide (Aubagio). Le Tecfidera à 2 cps/jour présente une activité anti-inflammatoire non cytokinique, c’est-à-dire non explosive, d’efficacité comparable à l’alternative des médicaments injectables. L’Aubagio à 1 cp/jour, un immunosuppresseur qui se rapproche de l’Arava prescrit dans la polyarthrite rhumatoïde, est attendu pour la rentrée de septembre. Moins avancé dans le processus et moins spectaculaire sur l’inflammation, le laquinimod (Nerventra) vient de recevoir un avis défavorable de l’agence européenne. Les essais en cours restent ouverts en France. Il semble avoir une action intéressante neuroprotectrice, sur la progression du handicap. Le recul sur la tolérance n’est pas suffisant.
Qu’en est-il du Lemtrada (alemtuzumab) approuvé en Europe, au Canada et en Australie mais retoqué par la Food and Drug Administration ?
C’est un traitement dont on attend beaucoup ! S’il est enregistré en France, cet anticorps monoclonal anti CD52, va apporter un réel gain dans les formes où l’on est dépassés. Les effets secondaires auto-immuns remettent en question la chronicité du traitement. Les pathologies thyroïdiennes, les plus fréquentes, de l’ordre de 20%, peuvent être gérées sans trop de difficultés, même si le repérage n’est pas évident. Les choses deviennent bien plus compliquées en revanche pour les purpuras thrombopéniques et les insuffisances rénales auto-immuns. Ces points de tolérance expliquent que la France est toujours en discussion. La FDA qui avait demandé davantage de preuves d’efficacité s’apprête à réexaminer le dossier.
L’arsenal dans la SEP se diversifie beaucoup et très vite. Comment comptez-vous faire pour élaborer des recommandations ?
C’est un vrai défi ! Il y a beaucoup de molécules, et les prescripteurs vont être confrontés à des situations demandant des choix difficiles, par exemple lors du switch d’une molécule pour une autre. Les neurologues français entretiennent une vraie culture de la balance bénéfices/risques. Il existe déjà un registre de pharmacovigilance et l’observatoire national de la SEP a pour vocation un suivi prospectif clinique et thérapeutique. L’ensemble de ces données va nous aider à déterminer la bonne fenêtre pour le bon traitement au bon patient.
Une autre piste médicamenteuse semble intéressante, mais encore du domaine de la recherche, celle des Ac anti LINGO. Où en est-on ?
Des essais de phase II ont déjà donné des résultats encourageants, récemment présenté à l’American Academy. Ces anticorps anti LINGO visent à limiter le processus de démyélinisation et à l’inverse à favoriser la remyélinisation. Leur action n’est envisagée qu’en association aux traitements de fond conventionnels.
La remyélinisation fait l’objet de plusieurs autres travaux de recherche. La greffe de cellules souches hématopoïétiques est-elle toujours d’actualité ?
Un peu moins. Si quelques essais sont toujours en cours dans le monde et que les équipes travaillent sur des protocoles visant à alléger la mise en aplasie, par exemple avec les cellules de sang de cordon, d’autres approches sont privilégiées. L’une d’entre elles est passionnante : la voie de l’auto-réparation. Il s’agit de stimuler les propres cellules souches progénitrices oligodendricytaires, des cellules protectrices naturellement présentes dans le système nerveux central, mais un peu paresseuses chez les sujets atteints. Les chercheurs nourrissent l’espoir qu’une fois stimulées, via des facteurs de croissance ou par expression génétique, ces cellules iront spontanément réparer la myéline au bon endroit. C’est le but ultime poursuivi.
Une approche intermédiaire à la greffe de cellules souches hématopoïétiques consiste à utiliser les cellules mésenchymateuses, ces cellules peu différenciées présentes dans la mœlle osseuse et les adipocytes et bien plus manaibles. Leur administration peut se faire en intrathécal ou dans la circulation systémique. Un essai thérapeutique est en cours en Europe, dont la France avec la participation de l’ARSEP. Il est prévu d’inclure au final quelques dizaines de patients. Les premiers résultats sont attendus d’ici quelques années. Les données disponibles d’efficacité concernent le volet antiinflammatoire, l’effet neuroprotecteur restant non prouvé pour l’instant.
*Aide à la Recherche sur la Sclérose en Plaques
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