15e JOURNEES EUROPEENNES DE LA SOCIETE FRANCAISE DE CARDIOLOGIE
19-22 Janvier 2005, Paris
INITIALEMENT indiqué pour supprimer des troubles du climatère (bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, sécheresse vaginale, etc.), le traitement hormonal substitutif de la ménopause, au regard des bénéfices admis notamment sur le risque cardio-vasculaire, a été très largement proposé aux femmes ménopausées et prescrit parfois pour de longues années. Ses effets favorables sur le risque cardio-vasculaire ont été initialement montrés sur des études de cohorte, dont la plus célèbre a été la Nurse's Health Study. Les métaanalyses de ces diverses études ont suggéré un effet de prévention cardio-vasculaire, avec un risque relatif de 0,60 à 0,70.
Plus récemment, la publication d'études prospectives contrôlées a tempéré cet optimisme, explique le Pr M. Beaufils (hôpital Tenon, Paris). L'étude HERS (Heart and Œstrogen/progestin Replacement Study) a semé le doute. Cette étude, menée chez des femmes âgées (moyenne d'âge : 66,7 ans) qui ont une maladie coronaire documentée, a montré une augmentation significative du nombre des événements dans la première année de traitement, suivie d'une diminution (non significative) au cours des années suivantes. L'étude a été poursuivie pendant 6,8 ans. A ce terme, le risque relatif de survenue d'un événement cardio-vasculaire était de 0,99.
Dans une sous-étude de HERS, le traitement hormonal substitutif ne s'est pas accompagné d'une augmentation du risque d'accident vasculaire cérébral.
Mais c'est l'étude de la Women's Health Initiative (WHI) qui a « déclenché la tempête ». Elle a inclus 16 608 femmes âgées de 50 à 79 ans (moyenne d'âge : 63,2 ans). En 2002, cet essai a été interrompu prématurément, après un suivi de 5,2 ans, au lieu des 8,5 prévus, le traitement par une hormonothérapie substitutive associant des estrogènes (estrogènes équins conjugués) à un progestatif de synthèse (hyydroxyprogestérone) étant associé à un risque accru de cancer du sein (RR = 1,26), d'événement coronaire (RR = 1,29), de thromboses veineuses et d'accident vasculaire cérébral.
La critique majeure faite à ces études est l'âge des patientes : le traitement a été instauré après 60 ans pour 66 % d'entre elles, après 65 ans, pour environ 50 % (21 %, plus de 70 ans).
Soixante-treize pour cent n'avaient pas reçu de traitement hormonal substitutif avant l'inclusion dans l'étude.
Au moment de l'instauration de ce traitement (instauration tardive qui ne correspond pas à la pratique clinique), les lésions athéromateuses avaient eu le temps de se constituer, « alors qu'un traitement commencé dès la ménopause intervient juste après la période où la femme en est protégée », souligne le Pr M. Beaufils.
L'analyse finale de l'étude de la Women's Health Initiative, publiée en 2003 par Manson et coll., montre l'absence de majoration du risque cardio-vasculaire (RR = 0,89) lorsque le traitement a été instauré moins de dix ans après la ménopause et elle montre que le risque ne devient significatif que si le traitement est introduit avec vingt ans ou plus de retard. En outre, et tous délais confondus, le risque n'est significatif que durant la première année de traitement, ce qui corrobore les données de l'étude HERS.
Outre ce point essentiel de l'âge et du délai d'instauration du THS après la ménopause, d'autres facteurs interviennent : le type d'estrogène administré, sa voie d'administration et la nature du progestatif associé.
Dans le programme de la Women's Health Initiative, un essai a comparé, chez plus de 10 000 femmes ménopausées et hystérectomisées, les estrogènes à un placebo (1).
Au terme de huit ans de suivi, il n'a été observé ni augmentation du risque de cancer du sein, ni augmentation du risque de maladie coronaire (ce risque augmente au cours de la première année, mais diminue les années suivantes). En revanche, comme dans l'étude WHI estroprogestatifs, il y a une augmentation du risque d'AVC et de pathologies thromboemboliques, mais ce risque est surtout augmenté chez les femmes les plus âgées et/ou en surpoids.
L'avantage de la voie transdermique.
Différentes études publiées récemment montrent l'impact du mode d'administration du THS sur le risque de thrombose veineuse et de l'influence du type de progestérone sur le risque de cancer du sein.
L'étude de P.-Y. Scarabin et son équipe publiée dans le « Lancet » en 2003 est une étude cas-témoins française. Elle a montré, en comparant des femmes qui ont eu une thrombose veineuse à des femmes témoins, que les estrogènes administrés par voie transdermique n'augmentent pas le risque de thrombose veineuse, alors que les estrogènes administrés par voie orale multiplient ce risque par trois.
Il existe une base biologique à cette différence : l'administration orale d'estrogènes s'accompagne d'une accumulation de ces hormones au niveau du foie ; ce qui perturbe la synthèse de nombreuses protéines, notamment celles impliquées dans la coagulation sanguine.
L'étude de la MGEN a montré qu'avec l'estrogène, utilisé seul, traitement réservé aux femmes hystérectomisées, le surrisque de développer un cancer du sein est minime, voire inexistant (RR = 1,1).
Elle a également montré que la combinaison d'estrogènes et de progestérone micronisée n'augmente pas le risque de cancer du sein chez des femmes suivies pendant quatre ans.
« Le traitement hormonal substitutif a été conçu pour soulager les symptômes climatériques qui surviennent au moment de la ménopause et améliorer la qualité de vie. Dans cette indication, il est très efficace. Toutefois, sa prescription ne doit pas être systématique, mais raisonnée en fonction des facteurs de risque de la femme. Il n'y a aucune preuve sérieuse d'une majoration du risque cardio-vasculaire sous THS. Il existe une majoration indiscutable du risque de thromboembolique veineux, cette majoration, très faible en risque absolu, est encore minorée par l'utilisation de la voie transdermique », conclut le Pr M. Beaufils.
Session présidée par Frédérique Kutten (Paris) et M. Beaufils (Paris).
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