La ministre de la Santé a qualifié de « première étape d’une avancée sociale majeure » la généralisation au 1er juillet 2015 du tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS). Cette mesure emblématique du gouvernement Valls, adoptée par l’Assemblée nationale dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), a néanmoins provoqué de vifs débats, relayant le trouble que cette réforme suscite dans la profession.
La dispense d’avance de frais, déjà appliquée aux patients en CMU et CMU-C, sera ainsi élargie à potentiellement 1,2 million de personnes supplémentaires dont les ressources sont inférieures à 987 euros par mois.
Dans l’hémicycle, plusieurs députés de l’opposition ont pointé les nombreux obstacles techniques à surmonter, mais surtout les effets pervers que provoquera la généralisation du tiers payant intégral (part Sécu et complémentaire) à tous les patients à l’horizon 2017, comme le prévoit la future loi de santé.
L’ancien président UMP de l’Assemblée nationale, le Dr Bernard Accoyer, s’est montré le plus critique, dénonçant « la déresponsabilisation des assurés » et « l’effet inflationniste du tiers payant » sur les dépenses de santé. « Les professionnels sont contre en raison de la complexité du dispositif et du coût qu’ils supporteront », a-t-il ajouté. Pour le député UMP Arnaud Robinet, le tiers payant généralisé sera même « la plus grave erreur du quinquennat ».
Interlocuteur unique
La ministre de la Santé garantit depuis plusieurs mois un « dispositif simple et sécurisé » pour les médecins et les patients. Mais le groupe de travail technique dirigé par l’IGAS sur le tiers payant avec l’assurance-maladie, les complémentaires santé et les praticiens libéraux, n’est parvenu à aucun consensus, de source syndicale.
Nul ne sait aujourd’hui comment s’appliquera techniquement la dispense d’avance de frais dans deux ans. Pour la première étape (ACS), un décret déterminera les modalités du tiers payant entre les professionnels de santé, l’assurance-maladie et les complémentaires (avec mise en place d’un interlocuteur unique pour l’ensemble de la procédure).
Plusieurs députés de l’opposition ont en tout cas insisté sur la nécessité « de garantir un paiement unique » pour les médecins. « Jamais les régimes obligatoires ne se portent garants pour les complémentaires, a mis en garde Jean-Pierre Barbier, député UMP de l’Isère. Récupérer ces sommes auprès des mutuelles et assurances est un vrai travail qui nécessite parfois de payer quelqu’un à temps plein pour le faire ».
Le casse-tête de la récupération des franchises
L’Assemblée nationale a rejeté des amendements de la droite qui visaient à imposer au régime obligatoire de payer directement les honoraires aux praticiens (hors dépassements) puis de s’occuper des recouvrements auprès des complémentaires.
Le député UMP des Bouches-du-Rhône, Dominique Tian, a ironisé sur la suppression opportuniste de toutes les franchises pour les bénéficiaires de l’ACS, qui intervient au moment de la mise en place du tiers payant pour cette catégorie de la population. « Vous parlez de générosité mais vous ne savez pas comment récupérer les franchises », a-t-il asséné. Dans la même veine, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) estime que le gouvernement s’est ôté une épine du pied en supprimant totalement les franchises des bénéficiaires de l’ACS (38 millions d’euros) dont la récupération se révèle un « casse-tête » absolu. « La suppression des franchises n’a rien à voir avec la mise en place du tiers payant, a répliqué le Dr Olivier Véran (PS), rapporteur maladie du PLFSS. Il a pu exister des difficultés de recouvrement mais des solutions techniques pourront être trouvées ».
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