C'est l'aspect biographique qui prévaut dans « Mémoires d'un passager clandestin ». On ne s'étonnera pas qu'y règnent le deuil et le désespoir : « Pendant cinq ans, nous n'allions plus être qu'un peuple vaincu, occupé, asservi. » Le tableau familial n'est guère plus réjouissant : « Je n'ai longtemps connu ma mère que mourante. » Un père rigide, voire sadique, contribue à cette terrible conclusion : « La vie auprès de mes parents m'apparaissait comme une leçon de ténèbres. »
Nicolas Grimaldi en tire plusieurs interrogations. Comment expliquer qu'après cet enfer, l'Humanité s'adonne à des loisirs aussi bêtes, aussi superficiels ? Comment comprendre ces milliers d'heures passées à regarder des niaiseries à la télévision ? Et comment expliquer, au sortir de tant de malheurs, que nous n'accueillions pas mieux les migrants ?
« Trois éclaircies sur le Bien, le Beau, le Vrai » : un deuxième livret ( la musique n'est jamais loin chez lui) est consacré aux valeurs, morales et esthétiques. « Le Beau est toujours bizarre », disait Baudelaire, et Nicolas Grimaldi, qui reprend l'idée selon laquelle le beau, dans le registre de la représentation, part de la Nature, bute sur ce phénomène. « Comme si toute réalité s'était condensée et résumée dans son apparence, la beauté rayonne de sa propre suffisance. Par le fait même qu'elle nous en exclut. » Elle ne sera finalement qu'un spectacle, d'où la préférence de l'auteur pour la musique : « Nul autre art ne nous parle autant sans rien dire, nul n'est aussi expressif sans rien signifier », dit-il.
On retrouvera dans ces conférences ce que nous aimons dans les travaux de Nicolas Grimaldi, l'acuité de la réflexion et un style élégant qui ne prend pourtant jamais la pose.
On y saisira aussi un humour à froid fait de coups secs. Ainsi du moment précédant la convocation pour partir en Algérie : « Une heure avant, j'étais encore un homme. » Et ce bref aperçu de la vie militaire : « Aussi inoccupés que nous fussions, nous y devions toutefois avoir l'air constamment occupés. Car l'unique obsession de cette machine à tuer n'était en fait que tuer le temps. Tout notre temps allait donc s'y passer à attendre qu'il eût passé. »
Lisez donc ce penseur corse et sorcier, comme il se définit lui-même, même si vous trouvez dans une grande quantité de matière une certaine dose d'amertume.
« Mémoires d'un passager clandestin » (158 p., 15 €), « Trois éclaircies sur le Bien, le Beau, le Vrai » (98 p., 12 €), Colonna Édition (colonnaedition.com)
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature