Depuis trois ans, des équipes artistiques sont accueillies en résidence, dans l'enceinte de l'hôpital psychiatrique d'Armentières. La greffe a pris. Entre l'art et la folie, la frontière est parfois ténue.
L'aventure a commencé il y a six ans par une rencontre entre Christine Lajugie, psychiatre à l'Epsm, et Eliane Dheygère, directrice du Vivat, scène conventionnée de théâtre et de danse installée dans le centre d'Armentières. La psychiatre a déjà eu l'occasion, dans un autre service, de travailler avec des plasticiens et des musiciens, et a pu mesurer l'influence de ces activités sur les patients. Avec Eliane Dheygère, elle lance des stages croisés de danse, théâtre et chant ouverts à tous publics : habitants, patients et élèves infirmiers. L'Epsm prête les locaux, le Vivat apporte les artistes. Le succès est immédiat, et la collaboration très fructueuse.
« C'est le chant qui a apporté les plus grandes joies thérapeutiques », confie le Dr Christine Lajugie. Une chanteuse lyrique, Emmanuelle Bunel, vient régulièrement faire chanter des patients dans un état dépressif grave, ou souffrant de phobies sociales sévères. « Le bénéfice pour les patients est extraordinaire. Le travail sur le corps, le réveil des vibrations, leur permet de restaurer toute une chaîne de composants qui vont les aider à communiquer. Grâce au chant, le corps qui était une enveloppe souffreteuse devient un corps de plaisir. Les deux heures passées à chanter sont deux heures gagnées sur la misère quotidienne, et les patients vont utiliser cette assurance qu'ils ont reconquise dans la vie courante. »
La participation aux ateliers n'est pas facile au départ : tous les patients décrètent d'emblée qu'ils n'ont « pas de voix » et que le chant n'est pas fait pour eux. Pourtant, après le premier cours, rares sont ceux qui abandonnent.
De fil en aiguille, un partenariat étroit s'est noué entre l'Epsm et l'équipe du Vivat, les patients étant invités à tous les spectacles de la structure. Parfois même, ils participent au travail des artistes. Et lorsque le Vivat s'est mis en quête de locaux pour héberger ses troupes de théâtre, l'établissement psychiatrique a proposé de les accueillir dans ses murs.
Un pavillon venait de se libérer pour cause de vétusté : les dortoirs collectifs et l'austérité des lieux évoquaient trop l'univers concentrationnaire du début du siècle. Une fois réhabilité, l'espace était idéal pour des artistes en quête d'atelier.
Partager le travail de création.
Au rez-de chaussée, l'ancienne salle commune sert de lieu de répétition. A l'étage sont aménagées les chambres des artistes.
Depuis 2002, plasticiens, danseurs et gens de théâtre se succèdent dans cette « maison des artistes » pour partager avec les patients leur travail de création. Certains éprouvent une légère inquiétude à l'idée de venir s'installer au cœur d'une institution psychiatrique. « Il faut une forte énergie créatrice pour surmonter cette impression », confie Nieke Swennen, chorégraphe actuellement en résidence à Armentières. Le lieu est "chargé" émotionnellement, et nous devons prendre le temps de l'apprivoiser. » Cette chorégraphe, qui travaille depuis plusieurs années avec l'hôpital de Limoges, a proposé d'associer des patients d'Armentières à son prochain spectacle de danse. Une offre qui réjouit la psychiatre du service. L'aventure artistique commencée il y a six ans continue.
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