EN DÉCEMBRE 2007, d'après les mesures de comScore, qui effectue des analyses d'audience sur Internet, MySpace – qui est considéré comme le plus important réseau social au niveau mondial – aurait reçu près de 110 millions de visiteurs, dont 32 %, soit 34 millions, étaient âgés de 15 à 24 ans (2). Un rapport récent du Pew Research Center (PRC) (3), une organisation américaine à but non lucratif, indique que, à la fin de 2006, 55 % des internautes américains âgés de 12 à 17 ans utilisaient des sites de réseau social et que la même proportion avaient créé un profil en ligne. Le rapport précise également que 85 % des jeunes détenteurs de profils virtuels déclaraient utiliser le plus souvent celui qu'ils avaient sur MySpace.
Selon l'étude du PRC, fondée sur une enquête téléphonique auprès de 935 adolescents, les jeunes ne protègent guère leur identité : 82 % des adolescents qui créent un profil y incluent leur prénom, 79 % une photo d'eux-mêmes et 66 % des photos de leurs amis ; 61 % y font également figurer le nom de leur ville et 49 % le nom de leur école. Ils sont encore 40 % à donner leur pseudo de messagerie instantanée, 39 % à faire figurer un lien vers leur blog et 29 % à afficher leur adresse de courriel ou leur nom de famille. Deux pour cent communiquent aussi leur numéro de portable.
MySpace permet à ses usagers de réserver l'accès à tout ou partie des informations figurant dans un profil, à des « amis » qui sont invités. Ils ne sont que 66 % à profiter de cette option. Parmi les 34 % de mineurs américains dont le profil est accessible à tous, un peu moins de la moitié indiquent qu'ils introduisent des informations erronées pour se protéger, mais aussi pour s'amuser. Néanmoins, 11 % des adolescents qui ont créé un profil accessible au public y donnent leur prénom et leur nom de famille.
Dans ce contexte général, 43 % des adolescents qui utilisent un réseau communautaire disent avoir été contactés en ligne par des inconnus et 31 % d'entre eux admettent y avoir des « amis » qu'ils n'ont jamais rencontrés.
Consommateurs de psychostimulants.
Non seulement un nombre important d'adolescents américains révèlent au public des informations permettant de les identifier et d'entrer en rapport avec eux, mais ils dévoilent également sur leur page Web des comportements à risque, comme l'usage d'alcool, de drogues, de tabac ou une activité sexuelle. Dans leur étude de 142 profils publics postés par des adolescents de 16 à 17 ans sur MySpace, Megan Moreno et ses collègues de l'université de Washington ont découvert que 21 % y font référence à une activité sexuelle, 25 % à l'usage d'alcool, 9 % à l'usage du tabac et 6 % à l'usage de drogues. Ces résultats semblent cohérents avec une analyse par des chercheurs de l'université Florida Atlantic et de l'université du Wisconsin-Eau Claire (4), effectuée sur un groupe de taille plus importante et représentant des âges plus variés. En explorant 1 475 profils attribués à des jeunes de moins de 18 ans et accessibles au public sur MySpace, ils ont trouvé que 18,1 % disent utiliser de l'alcool, 7,5 % du tabac et 1,7 % de la marijuana.
Que ces déclarations relèvent de la réalité ou de la fiction, elles peuvent être préjudiciables aux jeunes de trois manières différentes, estiment Megan Moreno et son équipe. Tout d'abord, la révélation de l'usage de drogues ou d'une activité sexuelle peut provoquer des sollicitations non désirées. Des travaux cités par les chercheurs ont montré que de 10 à 20 % des adolescents internautes ont fait l'objet de telles sollicitations. D'autre part, certains recruteurs d'universités ou d'entreprises utilisent l'information donnée sur ces réseaux sociaux en ligne pour refuser une admission ou une embauche. Enfin, l'affichage de comportements à risque sur les profils du Web, en les normalisant, pourraient influencer d'autres adolescents.
Modifier les comportements.
Mais si les communautés en ligne présentent des dangers pour les mineurs, elles pourraient aussi être utilisées par les éducateurs et les fournisseurs de soins de santé comme outils de communication et d'information auprès de ces derniers, suggèrent les chercheurs de Seattle. Ceux-ci observent que les adolescents constituent un groupe généralement sain et qu'un grand nombre des problèmes médicaux qui les affectent résultent d'activités à risque. Ils soulignent également que la population adolescente est celle qui est la moins susceptible de rendre visite à un médecin, particulièrement si elle est issue d'un milieu défavorisé ou engagée dans des comportements présentant des risques sanitaires.
Or «des études antérieures auprès d'une population plus âgée ont montré qu'une approche fondée sur Internet permet d'intervenir de façon efficace pour modifier des comportements», explique Megan Moreno au « Quotidien ».
Parmi les outils offerts par un site comme MySpace aux Etats-Unis se trouvent des moteurs de recherche qui permettent une sélection rapide de profils en fonction d'un mot-clé. On peut notamment y retrouver les inscrits qui s'identifient comme fumeurs ou buveurs, indique Megan Moreno. Il serait donc possible «d'établir un contact en leur laissant un message ou en leur adressant un courriel», ajoute-t-elle. Un autre moyen d'intervention proposé par les chercheurs de l'université de Washington, moins contestable, sans doute, sur le plan éthique, serait la participation de personnels médicaux à certains des nombreux groupes du site qui sont consacrés à un thème de santé.
(1) Medscape General Medicine. 2007 ; 9(4) : 9.
(2) Ces chiffres sont rapportés par MySpace. Le site français de MySpace aurait reçu 2,6 millions de visiteurs en décembre 2007, dont 34 %, soit 800 000, âgés de 2 à 17 ans, selon Nielsen NetRatings.
(3) www.pewinternet.org/PPF/r/211/report_display.asp.
(4) « Journal of Adolescence » (2007), doi:10.1016/j.adolescence.2007.05.004.
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