Le scénario était prévisible, il se concrétise : le partenariat conventionnel est en train de se déliter sous le double effet de l’exaspération médicale (lire ci-dessous) et de l’absence de marges de manœuvre financières pour répondre aux revendications de la profession.
Le nouveau directeur général de l’assurance-maladie, Nicolas Revel, a connu un baptême du feu compliqué face aux syndicats de médecins libéraux déterminés à en découdre. Mercredi dernier, la première commission paritaire nationale (CPN), qui réunit les parties signataires de la convention sur les grands dossiers, a tourné court. Tous les syndicats ont claqué la porte des discussions face au refus de la CNAM d’ouvrir des négociations tarifaires. Ce n’était pourtant pas une surprise. Quelques jours plus tôt, Marisol Touraine avait elle-même « cadré » l’agenda dans un courrier explicite aux syndicats, renvoyant le sujet des rémunérations à une négociation « après » les élections professionnelles de fin 2015 (dont la date précise est inconnue).
Les syndicats ont aussitôt fait leurs calculs. À en croire la ministre, une « négo » tarifaire pourrait commencer en 2016, se prolonger quelques mois, avec une application concrète fin 2016 ou début 2017 (sous l’effet des stabilisateurs automatiques qui gèlent toute revalorisation pendant six mois). Un scénario jugé inacceptable alors que la valeur du C est déjà bloquée depuis quatre ans et que la CCAM clinique reste aux oubliettes.
Le C à 25 euros, c’est 460 millions d’euros...
Dans ce contexte, deux syndicats (MG France et la FMF) ont réclamé en priorité que les généralistes puissent coter la majoration MPC de deux euros, portant le tarif de la consultation à 25 euros (seule la médecine générale est exclue de la liste des 45 spécialités éligibles à la MPC). Mais, là encore, la CNAM ferme la porte, au regard des montants financiers en jeu. Selon nos informations, cette seule mesure coûterait 460 millions d’euros en année pleine au régime obligatoire.
Au-delà, le nouveau directeur de la CNAM, Nicolas Revel, fait le constat que la totalité des revendications tarifaires actuelles (hausse du C, extension de la ROSP, évolution de la grille CCAM technique, majorations d’urgence, exercice coordonné...) suppose un investissement financier compris entre « un et deux milliards d’euros ». « Au regard du montant des demandes formulées par les syndicats, nous ne sommes pas dans l’épure d’un simple avenant mais bien dans la discussion d’une nouvelle convention haut de gamme », confie en exclusivité au « Quotidien » Nicolas Revel, le patron de la CNAM. « Nous pourrions commencer à en discuter d’ici à la fin de l’année », ajoute le directeur.
Le message est clair. La convention actuelle venant à échéance en juillet 2016, l’assurance-maladie voudrait intégrer un chantier tarifaire global à la future convention (avec contreparties exigibles en matière de bonnes pratiques, de réorganisation des soins et de maîtrise médicalisée), et non pas amorcer des mesures catégorielles qui seront de toute façon jugées insuffisantes dans le climat électrique actuel.
Radicalisation et surenchères
Aux yeux de la CNAM, ce calendrier à 18 mois aurait un avantage. Il laisserait passer la période préélectorale, propice à la radicalisation et aux surenchères, pour élaborer l’an prochain un nouveau partenariat avec les forces syndicales issues des urnes (résultats du scrutin aux URPS, enquête de représentativité).
En tout état de cause, les mois qui viennent s’annoncent très tendus avec une convention « congelée ».
Outre la guérilla administrative qui se prolonge, les syndicats ont annoncé qu’ils suspendaient leur participation aux commissions paritaires locales et régionales. Or, ce sont ces instances caisses/médecins qui constituent les relais de la vie conventionnelle sur le terrain, notamment pour rappeler les objectifs de maîtrise médicalisée. Le boycott des réunions locales n’est donc pas une bonne nouvelle pour la Sécu. D’ores et déjà, la forte progression des dépenses d’arrêts de travail (4 % pour les dépenses d’IJ en 2014) préoccupe l’assurance-maladie.
Pas en reste, l’Union française pour une médecine libre (UFML) a exhorté les responsables et élus syndicaux, quelle que soit leur étiquette, à « stopper » toute participation aux « réunions, commissions, missions, délégations, travaux, groupes, comités qui lient la médecine libérale aux tutelles ». En ce début d’année, le partenariat contractuel a décidément du plomb dans l’aile.
« AU REGARD DU MONTANT DES DEMANDES FORMULÉES, NOUS NE SOMMES PAS DANS L’ÉPURE D’UN SIMPLE AVENANT » NICOLAS REVEL, DIRECTEUR DE LA CNAM
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