L’arsenal thérapeutique du diabète de type 2 (DT2) s’enrichit très rapidement depuis une décennie, après 50 années sans réelles innovations depuis la mise sur le marché de deux classes d’antidiabétiques oraux essentiels, la metformine et les sulfonylurées. Aujourd’hui, en France, la HAS et l’ANSM recommandent de continuer à utiliser ces deux classes en priorité, laissant toutefois une place plus restreinte aux autres antidiabétiques – dans certaines conditions – comme les inhibiteurs de la DPP4 et les agonistes injectables du GLP1. Le recours à ces deux classes repose sur des situations en relation avec le risque hypoglycémique et le problème pondéral.
On sait, par certaines données, que les médecins généralistes comme les diabétologues utilisent largement ces médicaments, en particulier les inhibiteurs de la DPP4, témoignant d’une préférence pour des traitements jugés d’usage aisé et rassurant, comme peut-être des effets des campagnes de promotion des entreprises pharmaceutiques.
Deux nouvelles priorités, le poids et les hypoglycémies
On y voit néanmoins la priorisation progressive de deux préoccupations : celles de l’excès pondéral, qui concerne la grande majorité des patients ayant un DT2 – pour qui les agonistes du GLP1 répondent au moins pour certains patients – et les hypoglycémies. Celles-ci ont longtemps été jugées rares voire exceptionnelles, mais des données nombreuses montrent à la fois leur fréquence et leur gravité. La nouvelle classe, les inhibiteurs des SGLT2 (SGLT2-i) répond à la fois aux exigences d’effet hypoglycémiant, de perte de poids et d’absence d’hypoglycémie. Leur place dans la stratégie thérapeutique du DT2 se pose donc dès la bithérapie jusqu’à l’association à l’insuline, ouvrant de nouvelles possibilités d’associations, en particulier en bi- et trithérapie, mais aussi en compétition avec des possibilités déjà existantes. Bien sûr leurs effets indésirables à court terme, déjà connus, en délimitent aussi les possibilités d’usage, dans des temps où la sécurité et donc la balance bénéfices/risques est évidemment essentielle.
Les données actuelles
Trois spécialités sont déjà approuvées et enregistrées par la FDA et l’EMA (canaglifozine, dapaglifozine et empaglifozine) et certaines sont sur le marché dans plusieurs pays, aux États-Unis comme en Europe. Les SGLT2-i ont pour effet d’empêcher le retour du glucose de l’urine primitive vers le milieu intérieur, avec pour conséquences : la baisse du seuil de réabsorption du glucose de plus de 200 à environ 100 mg/dl ; une glycosurie de 60 à 80 g/24 heures, donc une baisse des glycémies chez le diabétique de type 2, surtout à jeun ; une déperdition consécutive de 250 à près de 400 Kcal/j, d’où une perte de poids de 3 ± 2 kg ; enfin une baisse de la pression artérielle, surtout systolique (PAS), en moyenne 5 mmHg.
Ces effets glycémiques et pondéraux ont la particularité de s’exercer quels que soient les degrés de l’insulinosécrétion ou d’insulinorésistance, l’IMC, le niveau d’HbA1c, l’ancienneté du diabète. Des données parcellaires semblent indiquer une perte de poids plus marquée chez les sujets sous metformine et chez les hommes que chez les femmes. Cette perte de poids est rapidement installée puis reste stable à partir du 3e mois de traitement.
En somme, contrairement aux autres antidiabétiques, hormis la metformine peut-être, il n’existe pas de non répondeurs à ces nouveaux ADOs, comme en témoigne la faible déviation standard dans les résultats obtenus.Le seul facteur limitant est le nombre de glomérules rénaux, une perte progressive d’efficacité, en particulier en deçà d’un débit de filtration glomérulaire (DFG) de 60 ml/min, faisant considérer que leur limite d’usage serait un DFG de 45 ml/min. Il ne s’agit donc pas d’un risque d’insuffisance rénale iatrogène mais d’une limite d’utilisation de cette classe thérapeutique par perte d’efficacité. Bien entendu, de par leur principe d’action, les SGLT2-i ne provoquent pas d’hypoglycémies en monothérapie ou en association à des antidiabétiques qui n’en induisent pas comme la metformine, l’acarbose, les DPP4-i ou les agonistes du GLP1.
Des effets indésirables certains
Comme toute classe de traitement, les SGLT2-i ont des effets indésirables. Les deux principaux sont liés à la présence de fortes quantités de glucose dans les urines : infections mycosiques génitales, chez la femme en particulier – 4 à 6 fois plus que dans les groupes placebo ou comparateurs actifs – et infections urinaires, du bas appareil seulement, deux fois plus nombreuses, là encore surtout chez les femmes. Ces infections sont bénignes, faciles à soigner. Les prédicteurs de ces complications sont principalement : le sexe féminin, surtout la femme préménopausée, des antécédents d’infections récurrentes génitales ou urinaires, mais pas le taux initial d’HbA1c, ni l’abondance de la glycosurie ou la dose de SGLT2-i utilisée.
Les autres effets secondaires sont : un certain degré de déshydratation, d’hémoconcentration, de baisse tensionnelle excessive et un surrisque modéré de syncope, d’hypotension, surtout chez les patients DT2 recevant un diurétique de l’anse.
Aujourd’hui, les effets sur la densité osseuse et les fractures sont jugés absents ou très limités mais font l’objet de protocoles de suivi minutieux. Des élévations du taux de LDLc, mais aussi du HDLc, sont constatées avec les trois SGLT2-i approuvés par les autorités régulatrices. Les effets cardiovasculaires (CV) de cette classe seront donc étudiés de près, puisque les conséquences des SGLT2-i sur les facteurs de risque CV sont contradictoires : bénéfice sur la PAS, le poids, le HDLc, les glycémies et a priori négatifs sur le LDLc. De grandes études sont lancées, avec plusieurs milliers de patients, les premiers résultats attendus en 2017.
Un surrisque de cancers de vessie voire du sein a été discuté pour la dapaglifozine, mais probablement dû à un hasard de recrutement puisque, sur 9 cancers de vessie, 4 avaient une hématurie à l’inclusion et que le délai d’apparition fut trop bref pour être jugé iatrogène par les spécialistes de ces cancers. Des études sont également en cours pour surveiller ce risque, uniquement retrouvé pour la dapaglifozine.
On comprend aisément que, compte tenu de l’âge moyen des patients DT2 en Europe, l’efficacité et la sécurité d’emploi comme la tolérance des SGLT2-i soit de la plus haute importance chez les sujets âgés, environ 40 % ayant de plus de 65 ans et un tiers au-delà de 70 ans ; ces patients étant en outre souvent polymédiqués, fragiles, à haut risque CV, à la fonction rénale limite ou modérément altérée.
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