C’est une nouvelle étape dans l’expression de la colère médicale contre la politique de santé en général et la future loi « Touraine » en particulier, examinée au Parlement début 2015.
Depuis la rentrée, le mécontentement de la profession avait emprunté des voies assez traditionnelles : lobbying visant à « alerter » les élus sur un texte jugé « liberticide » et « technocratique », communiqués vengeurs menaçant d’un conflit dur... Le ton est monté d’un cran avec l’annonce par plusieurs syndicats, en ordre dispersé, d’un mouvement de fermeture des cabinets en fin d’année, touchant les médecins généralistes mais aussi des spécialistes.
Administration ?
Deux centrales ont décidé d’aller plus loin en prenant directement à partie les patients sur des thématiques fortes : l’atteinte à la liberté de choix des malades, les menaces sur la qualité des soins et même les risques de rationnement.
La paternité de cette stratégie cherchant à impliquer les assurés revient au Syndicat des médecins libéraux (SML) qui avait évoqué dès septembre, lors de son Université d’été, le principe d’une pétition nationale et d’une campagne médiatique. Selon cette pétition officiellement lancée la semaine dernière, le gouvernement nourrit le projet d’un système de santé totalement « administré » qui compromettra, à terme, la liberté de choisir son médecin, supprimera le dialogue social au sein de la Sécu et empêchera de relever les défis majeurs de santé publique. La montée en puissance des agences régionales de santé (ARS) accusées par certains syndicats d’être les bras armés du gouvernement pour imposer une future carte sanitaire en ville (autorisations d’activité et d’équipements, organisation des parcours, permanence des soins et même tarifs) est visée, même si Marisol Touraine a assuré à plusieurs reprises qu’il n’était nullement question de remettre en cause les piliers de l’exercice libéral.
La CSMF est allée encore plus loin. « Demain, comment serez-vous soigné ? », interroge le syndicat sur une affiche (à apposer dans les salles d’attente) postulant que la réforme en préparation « sacrifie » et « rationne vos soins ». Le syndicat exhorte les patients à se mobiliser avec leur médecin pour « le maintien de la qualité des soins ». La pétition que la CSMF lance de son côté est intitulée « Ma santé, j’y tiens !».
Griefs cumulatifs
Cette stratégie d’implication des patients peut-elle se révéler payante (le SML réclame le retrait du texte, la CSMF une réécriture) ? L’affaire n’est pas simple.
D’abord parce que le courroux médical actuel agrège de multiples motifs qui peuvent fédérer la profession mais risquent de brouiller le message auprès de la population. Au-delà de la loi Touraine, les syndicats se mobilisent pour des revalorisations tarifaires, contre le « harcèlement administratif » des caisses primaires, contre la mise sous accord préalable de prescriptions d’hypocholestérolémiants ou encore pour dénoncer le naufrage du développement professionnel continu ! Des motifs souvent éloignés des préoccupations des malades.
Ensuite, le tiers payant généralisé, mesure phare de la loi de santé qui nourrit le tir de barrage des médecins, reste populaire dans la population, surtout en période de crise. Les Français sont favorables à 54 % à la généralisation du tiers payant, tandis que 34 % y sont opposés, selon un sondage Ifop pour « Dimanche Ouest-France », réalisé en juin dernier (employés et ouvriers étant les soutiens les plus fervents).
Le collectif interassociatif sur la santé (CISS, usagers) n’a en tout cas nullement l’intention de relayer la campagne de riposte des syndicats médicaux (lire ci-dessous). Dans le combat engagé contre la loi de santé, pas sûr que les patients soient, cette fois, les meilleurs alliés du corps médical.
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