Majoritaires dans la profession dès 2020

Les femmes médecins objet de toutes les attentions syndicales

Publié le 12/01/2012
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Crédit photo : PHANIE

LA TENDANCE est inexorable. Année après année, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) confirme la féminisation de la profession (lire ci-dessous). En 1970, les femmes représentaient seulement 20 % du corps médical, puis 30 % vingt ans plus tard, et 41 % aujourd’hui. Désormais plus nombreuses que leurs hommes dans les amphis de médecine, dans les terrains de stage, les femmes seront majoritaires parmi les praticiens installés dès 2020.

Conscients des enjeux (professionnels, syndicaux...), toutes les organisations prennent désormais le train en marche. Rien qu’en cette fin de semaine encore, MG France et le SML organisent via leurs cellules respectives « femme médecin » une série de tables rondes pour évoquer cette mutation importante de la profession et aborder tous les sujets, de l’exercice à la pratique en passant par la (sous) représentation des femmes dans les instances professionnelles et aux postes de responsabilité.

Organiser le temps de travail..

La question de la couverturesociale reste centrale, malgré des avancées récentes. « Le décret du 1er juin 2006 qui aligne le montant des prestations maternité des femmes médecins en libéral sur celles des salariées constitue pour nous une avancée principale en matière de protection sociale, explique le Dr Marie-Hélène Certain, médecin généraliste aux Mureaux (Yvelines) et vice-présidente de MG France. Mais avec la désertification médicale et la féminisation de la profession, il faut aller beaucoup plus loin ». Pour l’instant, les femmes médecins de secteur 1 bénéficient en cas de cessation d’activité d’une allocation forfaitaire de

2 946 euros et d’indemnités journalières (IJ) de 48,42 euros par jour.

L’installation en libéral n’attire pas les foules, et encore moins les jeunes femmes médecins qui privilégient le remplacement et le salariat. Environ 65 % de l’offre médicale en remplacement est assurée par des femmes de moins de 40 ans. « Elles privilégient cette formule pour organiser leur temps de manière à être le plus libre possible pour leurs enfants, explique le Dr Irène Kahn-Bensaude, présidente du Conseil de l’ordre départemental des médecins de Paris. La médecine libérale de demain doit prendre en compte ce nouveau paramètre et proposer des solutions en conséquence. L’installation de groupe en est une ».

Au SML, Nina Quedru, médecin généraliste dans la banlieue de Cæn et membre de l’association Femme, médecin libéral, partage cette opinion : « Sept étudiants sur dix en deuxième année de médecine sont des jeunes femmes pour qui la médecine générale n’est plus une activité solitaire. À la fin de leurs études, dans une dizaine d’années, elles voudront s’installer ensemble, par deux ou trois, et adapter leurs horaires en fonction de leur vie familiale ». Une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) de septembre 2010 montre que les moins de 40 ans sont déjà près de 80 % à travailler en groupe.

Quelles sont les priorités pour convaincre la jeune génération largement féminisée de l’intérêt d’une installation en libéral ? « Il faut d’abord rassurer les étudiantes en médecine pour qui être enceinte équivaut à la fin du monde, regrette le Dr Christine Bertin-Belot, présidente de l’URPS médecins libéraux Franche-Comté et fondatrice de Femme, médecin libéral. Une interne qui pose ses quatre mois de congés maternité pendant son stage d’internat ne le validera pas – ce qui se conçoit – mais surtout, se retrouvera reléguée dans les profondeurs du classement. Et si elle tombe enceinte plus tard, en exercice, et que la grossesse devient pathologique, elle ne recevra aucune IJ avant le 91e jour. C’est aberrant ».

Très investi sur ce sujet, MG France travaille depuis un an à la création d’une nouvelle prestation de protection au cours de la metrenité. « Nous n’avons pas réussi à inscrire notre idée d’Avantage supplémentaire maternité (ASM) dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2012, déplore le Dr Certain. Mais nous cherchons à ouvrir une nouvelle fenêtre juridique ». L’ASM propose l’ajout de l’équivalent d’un SMIC aux prestations communes pour les femmes médecins conventionnées.

Archaïsme.

Pour le Dr Bertin-Belot, l’adaptation nécessaire de la médecine libérale ne se limite pas à une affaire de protection sociale. « Les charges qui nous incombent sont calculées sur une image archaïque du métier, ou 90 % des médecins étaient des hommes qui bossaient 70 heures par semaine. Aujourd’hui, les choses ont changé. Les femmes médecins ont un revenu plus faible et se retrouvent avec des charges qu’elles ne peuvent assumer ». Un autre frein. Le poids des charges sociales sur les bas revenus (inhérents à la pratique d’un temps partiel) éloigne les femmes médecins de l’exercice libéral. Des abattements plus nombreux, des cotisations proportionnelles pourraient pourtant améliorer la situation. Certains syndicats ont également proposé de donner un statut aux médecine à expertises particulières (où les femmes sont très représentées). Autre piste souvent suggérée : la valorisation des missions de santé publique, de la prévention, de l’éducation thérapeutique ne seraient.

La surreprésentation masculine dans les instances de direction qu’il s’agisse aussi bien des commissions médicales d’établissements, des postes de chefs d’établissements ou des responsabilités syndicales et ordinales. « Pendant près de dix ans, j’ai été la seule femme à siéger au Conseil national de l’Ordre avec 40 hommes, raconte le Dr Kahn-Bensaude. Mais on tend vers le mieux. Aujourd’hui, nous sommes… quatre ».

ANNE BAYLE-INIGUEZ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9064