DOMINIQUE GEFFARD est diabétique depuis vingt-sept ans. Son diabète ne l'a jamais empêché de voyager, mais, cette fois-ci, partant pour les Etats-Unis et s'inquiétant des nouvelles mesures de sécurité adoptées à bord des avions, il anticipe et s'enquiert auprès de la compagnie aérienne, Air France, des précautions à suivre. Il souhaite, notamment, s'entendre confirmer qu'il peut, muni d'une ordonnance, emporter son matériel (insuline et aiguilles) avec lui, dans ses bagages à main. Une semaine avant son départ seulement, après avoir été «baladé» de service en service chez Air France, il est enfin mis en contact avec le Saphir (Service d'assistance aux personnes handicapées pour les informations et les réservations). On lui dit qu'il doit « lister » avec précision le nombre d'aiguilles et de stylos d'insuline qu'il entend transporter dans ses bagages à main. Et lorsqu'il évoque l'hypothèse d'une turbulence au moment où il serait aux toilettes en train de faire sa piqûre et que son stylo lui échapperait des mains, ce qui justifierait d'avoir sur lui un stylo supplémentaire, il reçoit une réponse qui vaut son pesant de glucose : «Vous n'avez qu'à fermer la cuvette des W-C.» Autrement dit, on lui recommande de placer tout son matériel, hormis le strict nécessaire pour la durée du trajet, dans la soute. Or les laboratoires pharmaceutiques déconseillent que l'insuline soit soumise aux conditions thermiques des soutes.
«Et si mes bagages se perdent?», interroge-t-il encore. «C'est la raison pour laquelle on vous demande une ordonnance, afin que vous puissiez éventuellement acheter sur place votre insuline.» Autre perle, si l'on considère les conditions d'approvisionnement en insuline dans certains pays du monde, sans même parler du coût que cela représenterait.
115 cas.
Depuis janvier 2007, Allô Diabète, la ligne téléphonique de l'AFD (l'Association des diabétiques de France), a reçu 115 appels de voyageurs diabétiques relatant des incidents au passage des portiques de sécurité des aéroports. Et c'est parce que le «dossier commençait à devenir épais», explique Gérard Raymond, président de l'AFD, que son association s'est fendue d'une lettre ouverte (disponible sur son site : www.afd.asso.fr) dans laquelle elle interpelle la Dgac (Direction générale de l'aviation civile), les compagnies aériennes, les aéroports et les fabricants d'insuline sur certains «comportements discriminatoires» créés par des «employés d'aéroport mal formés ou sous-informés».
«Nous estimons que, aux portiques de sécurité des aéroports, on manque parfois de respect aux personnes diabétiques», milite le président de l'AFD. «Est-ce normal que l'on demande à un diabétique de débrancher sa pompe à insuline devant tout le monde?»
Excès de zèle ?
Depuis la directive européenne du 6 novembre 2006, il est interdit d'emporter avec soi en cabine des récipients contenant plus de 10 cl de liquide ou de gel.
Ces mesures avaient été décidées aux lendemains de la découverte d'un complot à Londres en août 2006 et qui aurait eu pour objectif de faire sauter des avions par le biais d'explosifs sous forme liquide. Il y a cependant des exceptions s'agissant des médicaments liquides, à condition de présenter aux agents de sûreté une attestation ou une ordonnance. L'insuline, tout comme les sirops, est expressément citée parmi ces exceptions dans la réglementation de la Dgac* (il n'y a aucune restriction pour les médicaments solides, comprimés et gélules).
Jacques Le Guillou, responsable de la sûreté à la Dgac, exprime ses regrets à la lecture de la lettre. «S'il y a eu des problèmes, j'en suis le premier désolé, dit-il au “Quotidien” . Mais nous n'avons pas eu, pour notre part, autant de retours qu'à l'AFD. Seulement trois ou quatre plaintes, assure-t-il. Toutes les réglementations sont là pour sauver des vies et pas pour mettre les personnes en danger.» Il y a 14 000 agents chargés de la sûreté dans les aéroports de l'aviation civile en France (et les COM, collectivités d'outre-mer), dont 11 000 chargés plus précisément de «l'inspection et du filtrage», indique-t-il.
«Nous avons beaucoup réfléchi sur les exemptions et notamment l'insuline», souligne Jacques Le Guillou.
La réglementation paraît en effet irréprochable. «Il est clair que les personnes insulinodépendantes peuvent passer les PIF (postes d'inspection filtrage) sans aucun problème», affirme-t-on à ADP (Aéroports de Paris), également surpris par la teneur de la lettre ouverte, d'autant plus que, «si une personne diabétique oublie son ordonnance, elle peut toujours se présenter auprès du service médical de chaque aéroport». «Nous essayons de communiquer au mieux et nous sommes très vigilants à ce que le trafic des passagers se fasse sans encombre et de façon fluide aux postes de contrôle. »
«Il s'agit de comportements individuels, alors nous essaierons de faire mieux passer l'information», assure Jacques Le Guillou, qui se dit, comme ADP, prêt à monter une «petite réunion de travail avec l'AFD afin de définir une sorte de guide de bonnes pratiques que l'on pourrait transmettre à nos agents».
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