BIEN QU’IL SOIT ENCORE expérimental, c’est un appoint éventuel au traitement des phobies que suggère un travail d’équipes suisse, allemande et américaine. Il s’agissait de proposer à des volontaires atteints soit de phobie sociale, soit de la peur des araignées, de prendre des corticoïdes peu avant l’exposition à l’agent phobogène. Le test thérapeutique s’est révélé probant, puisque les corticoïdes ont agi favorablement sur la symptomatologie.
Le point de départ du travail de Leila M. Soravia et coll. est un fait connu : il existe une libération de corticoïdes au cours des situations effrayantes. L’équipe s’est alors posé la question : l’hormone, à l’inverse, peut-elle moduler la sensation de peur ? D’autant qu’il est connu que des taux élevés de corticoïdes altèrent la montée des émotions.
Deux groupes de volontaires ont été constitués. L’un de 40 personnes atteintes de phobie sociale, l’autre de 20 arachnophobiques.
Discours et calcul mental face à un public.
Dans le cas de la phobie sociale, les sujets ont reçu soit 25 mg de cortisone, soit un placebo, une heure avant la mise en situation de phobie. Le test (Tsst, pour Trier social stress test) consistait en un discours non préparé et un calcul mental face à un public. Le Tsst est considéré comme un fort stimulus pour ce type de phobiques. Les sujets s’y sentent scrutés et redoutent de réaliser une action embarrassante ou humiliante. Les sujets sous cortisone décrivent une moindre sensation de peur, avant, pendant et après l’exposition au test. Ce que confirme une échelle visuelle analogique. De même, leur anxiété est réduite. En ce qui concerne la fréquence cardiaque, si elle s’élève de façon identique sous cortisone ou sous placebo, le retour à la normale est plus rapide sous hormone.
Pour tester les arachnophobes, les chercheurs les ont confrontés à une photo, à six reprises sur une période de quinze jours. Le cortisol, ou le placebo, était administré à raison de 10 mg par voie orale, une heure avant le test. En fait, le traitement n’était proposé que de la deuxième à la cinquième exposition, la première et la dernière servant de niveau de référence. Les corticoïdes, comme dans la phobie sociale, permettent de réduire la sensation de peur. Les chercheurs ont été surpris de noter une espèce d’effet rémanent du traitement, puisque deux jours après la prise d’une dose unique de 10 mg, la sensation de peur était encore réduite au cours d’un test. Ils y voient une action des corticoïdes sur la consolidation à long terme des informations nouvelles. L’hormone aurait favorisé l’abaissement du seuil de peur en facilitant la mémorisation « d’expériences correctrices ».
Dans les deux groupes d’études, la persistance de l’anxiété générale, non liée à la phobie, et la non-modification de l’humeur, de la vigilance ou du calme ont permis de bien relier l’effet positif aux corticoïdes.
Inhiber le rappel de souvenirs désagréables.
L’équipe suggère que le traitement a réduit la peur soit en exerçant un effet anxiolytique direct, soit en modulant d’autres systèmes impliqués dans la peur. Ainsi, les corticoïdes peuvent avoir inhibé le rappel de souvenirs désagréables associés à l’objet phobique. Ils appuient cette hypothèse sur un constat fait précédemment, par eux-mêmes, chez des sujets victimes d’un stress posttraumatique.
«Nos découvertes actuelles peuvent avoir également des implications cliniques importantes. En effet, les actuelles possibilités psycho- et pharmacothérapiques des phobies ne sont pas satisfaisantes et le besoin de mise au point de traitements efficaces visant à réduire la peur se fait sentir, insistent les auteurs… Ainsi, le traitement par corticoïdes, en association avec des techniques d’expositions au cours de thérapies cognitivo-comportementales, peut aider à réduire la peur et à faciliter l’extinction de la peur phobique. De plus (…) les corticoïdes amenuisent le souvenir d’événements traumatisants.»
« Proceedings of the National Academy of Sciences », 4 avril 2006, vol. 103, n° 14, pp. 5585-5590.
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