LONGTEMPS évaluée uniquement en termes de prise de médicaments, la notion de non-observance est en fait une réalité complexe dans la mesure où elle recouvre deux dimensions : l'une quantitative, l'autre qualitative. Il ne s'agit pas, pour l'évaluer, de compter le nombre de médicaments que prend le patient, mais de comprendre comment il gère son traitement, en modifie lui-même les prises, en saute certaines et pas d'autres, voire adapte les posologies. Par ailleurs, même chez un patient ayant l'intention d'adhérer correctement au traitement, des événements de la vie, une dépression… et d'autres facteurs, en particulier les effets secondaires, surtout quand ils touchent à l'image du corps, ont une incidence sur la prise systématique et régulière du traitement et constituent autant de risques de non-observance.
Soutenir les patients.
«La prise en charge au quotidien de patients infectés par le VIH montre à quel point soutenir les patients dans leur intention d'adhérer à long terme est toujours aussi essentiel et de plus en plus complexe», explique le Pr Laurence Weiss (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris).
La difficulté vient en grande partie des particularités de l'infection par le VIH. Dans cette infection, l'efficacité des antirétroviraux est étroitement liée à leur degré d'observance thérapeutique qui est un des plus exigeants comparé à celui requis dans d'autres maladies chroniques comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires.
Une rupture parfois minime de l'observance, arrêt du traitement pendant un week-end, peut être sanctionnée à court terme par l'apparition d'un échappement virologique et de souches virales résistantes.
Dans ce contexte, les consultations d'aide à l'observance prennent toute leur importance. «Aujourd'hui, il n'est plus question de prescrire sans avoir évalué par un diagnostic préalable de type infirmier le degré de préparation du patient à prendre un traitement, ses besoins spécifiques en termes d'accompagnement social, sans lui avoir appris le maniement de molécules assez complexe (que faire en cas d'oubli ou d'omission de prise, de perte de motivation). C'est ainsi qu'à été développé le modèle de consultation d'aide à l'observance MOTHIV», précise Catherine Tourette-Turgis.
MOTHIV : donner du temps au patient pour se préparer.
Cela suppose la mise en place d'un dialogue et d'une écoute centrée non pas sur la maladie ou les médicaments, mais en premier lieu sur la personne, son histoire, son projet de soin, son projet de vie, son degré d'information, ses croyances, ses urgences et ses priorités, y compris sociales.
En pratique, la consultation d'aide à l'observance et d'éducation thérapeutique se déroule sur la base d'entretiens individuels (de 3 à 5 séances). Les entretiens durent de 30 à 40 min, ils sont menés par des professionnels de santé, infirmières pour la plupart, formés au guide MOTHIV. La formation se déroule sur trois jours et demande la réalisation d'un travail personnel (1).
MOTHIV prépare la personne à utiliser en situation des compétences acquises lors des entretiens au travers de simulation de situations critiques pouvant intervenir à tout moment dans sa vie personnelle familiale et sociale (visite inopinée de la famille, vomissements, oubli des médicaments lors d'un voyage, émergence d'une période de « blues », d'états anxieux, de perte de désir...).
L'objectif principal de ce programme est d'aider les patients à atteindre et à maintenir le haut degré d'observance requis (supérieur à 95 %) par leur traitement pour bénéficier d'un succès thérapeutique, mais aussi de maintenir la motivation du sujet sur le long terme, sachant que, dans tous les traitements au long cours, les ruptures d'observance sont constatées au bout du 6e mois.
Le modèle MOTHIV a démontré son efficacité sur l'observance thérapeutique dans une étude randomisée conduite au CHU de Nice et effectuée par l'unité 379 de l'INSERM de Marseille dirigée par Jean-Paul Moatti.
Conférence de presse organisée par le Laboratoire Abbott à l'occasion de la parution du livre de Catherine Tourette-Turgis « la consultation d'aide à l'observance des traitements de l'infection à VIH » édité par Comment Dire.
(1) Plus de 200 infirmières et professionnels de santé (médecins, pharmaciens exerçant en milieu hospitalier et réseaux de santé) ont participé à ces formations organisées dans différentes régions (Ile-de-France, PACA, Languedoc-Roussillon, Nord - Pas-de-Calais, Centre, Aquitaine).
Une actualisation
En 2002, Catherine Tourette-Turgis publiait un premier livre sur l'observance thérapeutique. Depuis, de nouvelles problématiques sont apparues dans la prise en charge des patients infectés par le VIH (coïnfections, précarisation, troubles neurocognitifs, dépression, désir d'enfant, difficultés affectives et sexuelles...), certaines révélées avec l'augmentation de l'espérance de vie induite par l'efficacité des nouvelles molécules introduites au cours des dix dernières années.
Pour Catherine Tourette-Turgis, cette évolution nécessitait une actualisation des thèmes abordés dans la consultation d'observance en 2008, ce que propose son nouvel ouvrage que soutient activement Abbott.
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