AU TERME D'UNE LONGUE carrière politique, Shimon Peres a été, l'an dernier, élu président de l'Etat d'Israël. Les Israéliens ont ainsi consacré le plus francophile de leurs hommes d'Etat et, en même temps, le dernier des héros historiques de l'Etat hébreu, dans la lignée des Ben Gourion et Rabin, alors que cet Etat célèbre cette année son soixantième anniversaire. Ancien ministre à plusieurs reprises, ancien Premier ministre, M. Peres a été, pendant plus d'un demi-siècle, à la fois l'homme qui a le plus contribué à la sécurité de son pays grâce aux relations privilégiées qu'il avait à l'étranger et, parmi les responsables d'Israël, celui qui a le plus milité en faveur de la paix avec les pays arabes, puis avec les Palestiniens. C'est aussi l'Israélien que ses adversaires arabes détestent le moins.
Il ne faut pas sous-estimer la contribution que Jacques Chirac a apportée personnellement au rapprochement de la France avec Israël vers la fin de son second mandat. Il a ouvert la voie à la démarche diplomatique de Nicolas Sarkozy qui consiste non seulement à « normaliser » les rapports avec Jérusalem (en gros, en éliminant les jérémiades réciproques), mais à le faire savoir tous azimuts. La France ne se contentera plus de défendre le droit d'Israël à la sécurité. Désormais, elle s'opposera, par les moyens dont elle dispose, aux lourdes menaces qui pèsent sur l'Etat juif. Et ce n'est pas un hasard si la France et Israël dénoncent conjointement le programme nucléaire iranien.
LA VISITE DE PERES AIDERA LES FRANCAIS A COMPRENDRE LES ISRAELIENS
Ce que veut Sarkozy.
L'attitude nouvelle du président Sarkozy entraînera, à plus ou moins long terme, une évolution de l'opinion française. L'hostilité à Israël a été en effet encouragée depuis 1967 par la mauvaise humeur que ses prédécesseurs n'ont cessé d'exprimer au sujet de ce pays, notamment parce que son comportement, toujours très ferme sur le plan militaire, contrariait leur politique à l'égard du monde arabe. M. Sarkozy prend donc un risque, celui de compliquer ses rapports avec le monde arabe et même de déclencher la colère des islamistes fanatiques. Il joue néanmoins son rôle avec une certaine maîtrise, notamment en multipliant les contacts (et même les visites) et les contrats avec le monde arabe. Il est même allé jusqu'à adouber le régime saoudien. Voilà qui ne saurait choquer Shimon Peres : les Israéliens ont toujours dit que la nature des Etats qui les entourent ne les intéresse pas et qu'ils sont prêts à négocier avec les régimes arabes les plus arbitraires et les plus proches des extrémistes.
Cependant, il n'est plus dans le pouvoir de Shimon Peres d'influer sur la politique du gouvernement israélien. S'il se sent libre d'exposer en France son propre point de vue, il ne saurait critiquer le gouvernement d'Olmert. Pour autant, ses interlocuteurs français n'ignorent rien de ses choix contre toute violence, pour la négociation et pour des accords de paix, y compris avec les Palestiniens. Sur la création de l'Etat palestinien, M. Peres n'est pas plus en flèche que M. Olmert, qui progresserait vers des accords essentiels s'il ne devait riposter, presque tous les jours, aux provocations du Hamas. L'espoir d'un retour au calme dans la région et de la création d'un Etat palestinien avant la fin de l'année est à peu près inexistant, en dépit des pressions exercées par la diplomatie américaine à la fois sur Ehud Olmert et sur Mahmoud Abbas.
Politiquement, ils sont tous deux très affaiblis, le premier parce que sa coalition gouvernementale est extrêmement fragile, le second parce qu'il ne peut pas mettre un terme aux attentats afin de créer le climat propice à des négociations déterminantes pour l'avenir des Palestiniens. La plupart des observateurs ont eu tôt fait de faire porter par Israël toute la responsabilité d'une crise qui n'en finit plus. Mais même M. Peres rappelle que le mur empêche 95 % des attentats palestiniens en Israël, et que, pour répondre aux soucis humanitaires à Gaza, Israël ne peut pas prendre le risque d'un accroissement des lancements de roquettes contre Sderot et, maintenant, Ashkelon.
Pas de réponse à l'attentat de Jérusalem.
Il y a certes des jusqu'auboutistes israéliens qui préconisent l'écrasement du Hamas par les armes et, donc, le chaos. Contrairement au Hamas, ils ne peuvent rien faire et sont contrôlés par le gouvernement de M. Olmert qui s'y entend fort bien pour durer et laisser passer les orages. L'horrible attentat récent de Jérusalem, où huit adolescents ont perdu la vie et trente-cinq autres ont été blessés, n'a pas conduit Israël à riposter comme il le fait d'habitude. Sans doute George Bush et Condoleezza Rice ne sont-ils pas étrangers à cette étrange magnanimité israélienne. Mais on n'a pas vu que les médias, français ou étrangers, aient salué la retenue de l'Etat juif dans cette affaire.
C'est exactement ce que M. Sarkozy veut changer : un comportement de l'opinion et des médias en France qui aboutit à exalter sans arrêt le sacrifice des victimes de la Shoah et à accabler les Israéliens d'aujourd'hui comme s'ils étaient des monstres. Le gouvernement français n'a pas besoin d'apprendre le chemin qui a conduit un peuple confronté à sa propre extermination à devenir intraitable sur le problème de sa sécurité. Mais, dans l'esprit de l'opinion, c'est moins clair ; et elle passe du devoir de mémoire à la critique d'Israël avec beaucoup de facilité, un peu comme s'il n'y avait aucun continuum entre le passé et le présent. Pour contribuer à cette leçon de choses, on ne trouvera pas mieux que le prestigieux Shimon Peres, prix Nobel de la paix.
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