L’ORDRE DES MÉDECINS de Midi-Pyrénées vient de consacrer un colloque aux souffrances et à l’accompagnement des soignants. Les tabous tombent. « Les patients sont au centre de nos préoccupations, mais pour bien les soigner, il faut que nous soyons bien dans nos têtes », a rappelé le Dr Jean Thévenot, président du Conseil de l’Ordre de la Haute-Garonne et organisateur de la journée. « Or en France, nous avons environ dix ans de retard sur d’autres pays en matière d’organisation et de structuration des soins donnés aux soignants. Un retard que nous espérons bien rattraper. »
C’est sur ces mots que se sont donc ouverts les débats de cette rencontre aussi inédite qu’attendue. Plus de 200 médecins avaient honoré l’invitation. Il faut dire que le burnout, l’épuisement professionnel, les addictions et les difficultés matérielles en tous genres concerneraient 43 % des médecins en France.
La Haute-Garonne n’est pas épargnée : en 2010, quatre suicides de médecins ont été enregistrés, une situation qui a décidé l’Ordre à créer l’association MOTS : Médecins, Organisation, Travail, Santé (voir encadré).
Associations à la rescousse.
Plusieurs spécialistes du sujet se sont succédé à la tribune. Notamment le Dr Éric Galam, représentant de l’association AAPML (1). Mise en place en 2005 au départ uniquement pour les médecins libéraux d’Ile-de-France, l’association s’est rapidement déployée en région PACA, en Bourgogne, en Corse et dans le Nord-Pas-de-Calais. Elle accompagne, via un numéro anonyme, les médecins qui ont un cap difficile à passer.
Yves Léopold, de l’association pour la promotion des soins aux soignants, et Henri Gomez qui accompagne des soignants en proie à des addictions à Toulouse, sont également intervenus. « Le fait d’être médecin ne protège pas contre le fait de développer une addiction et ça n’aide pas à s’en sortir ; bien au contraire car la honte qui se rattache à la condition d’alcoolique est importante », a, en guise d’exemple, expliqué ce dernier. La rupture peut être graduelle, liée aux conditions de travail qui sont un véritable facteur d’usure.
Le Dr Léopold a rappelé, lui, que l’histoire du médecin cabossé n’est pas une nouveauté. Platon disait bien que le meilleur médecin est celui qui aura expérimenté toutes les maladies… Le spécialiste a ensuite évoqué une étude réalisée dans le Vaucluse qui a conduit à la mise en place d’un outil de prévention efficace basé sur l’aide confraternelle. « Cette étude a montré que sur 40 décès de médecins, 22 étaient dus à des suicides. Le constat était stupéfiant puisque les médecins, âgés de 30 à 65 ans dans le département, présentaient un risque de suicide 1,8 fois plus élevé que la population générale », a-t-il expliqué.
Des autopsies complémentaires ont finalement mis en évidence plusieurs marqueurs : l’alcool et les addictions, les difficultés cliniques, les problèmes financiers, des contentieux ordinaux, des maladies physiques ou mentales. « Lorsqu’un médecin a cinq marqueurs, son expérience de travail est réduite. Nous avons donc mis en place un outil d’information et d’alerte qui a consisté à dire aux médecins en exercice : si vous connaissez un confrère qui se retrouve dans au moins trois de ces marqueurs, vous avez le devoir de le signaler. Cette aide confraternelle a permis de stopper les suicides dans le département pendant 600 jours », a rapporté Yves Léopold. Une illustration efficace de l’aide confraternelle…
(1) Association d’aide professionnelle aux médecins libéraux : 0826.004.580 (numéro vert), www.aapml.fr
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