UN TRAVAIL élégant mené à la fois dans des modèles cellulaires, animaux et chez l'homme tend à prouver que le lithium pourrait ralentir la progression des atteintes neurologiques de sclérose latérale amyotrophique et prolonger la survie des patients atteints. L'idée de l'équipe du Dr Francesco Fornai (Pise) était simple : tester l'intérêt d'un traitement par lithium dont le potentiel neuroprotecteur a déjà été prouvé dans différentes pathologies du système nerveux telles que l'ischémie cérébrale ou la toxicité provoquée par le kaïnate. Ce médicament est doté d'un effet promoteur de l'autophagie par le biais d'une inhibition de l'inositol-monophosphatase 1, ce qui lui confère des propriétés neuroprotectrices. Dans un premier temps, les auteurs ont testé le lithium dans un modèle animal – les souris G93A, qui développent vers leur 75e jour de vie des symptômes cliniques proches de ceux de la SLA chez l'homme. La pathologie neurologique des souris traitées a évolué jusqu'au décès en 38 jours contre 9 pour les témoins. L'effet du traitement a été confirmé par l'analyse anatomo-pathologique puisque la baisse du nombre des motoneurones médullaires cervicaux a pu être enrayée chez les animaux traités.
La clairance cellulaire de toxiques.
Les auteurs ont aussi constaté que la taille de ces cellules était conservée, que l'astrocytose habituellement décrite dans la maladie était de moindre importance et qu'il existait une diminution de l'agrégation de l'alpha-synucléine, de l'ubiquitine et de la SOD1. Du fait de l'implication des circuits neuronaux collatéraux interneuronaux de la lamina III qui inhibe les motoneurones, le Dr Fornai a étudié l'impact du lithium sur cette population particulière de neurones. Administré aux souris G39A, le traitement a majoré de 30 % de nombre de ces neurones ; en revanche, chez les souris témoins, aucun effet thérapeutique n'a été noté. Pour les auteurs, «pour que l'effet neurogène puisse être observé, il convient que le lithium soit administré dans des conditions pathologiques».
L'étape suivante a constitué en une analyse cellulaire de l'impact du traitement. Chez les malades, il existe une accumulation de l'alpha-synucléine et de l'ubiquitine au sein des neurones malades. Le lithium permet de majorer la clairance cellulaire de ces toxiques, ainsi que celle de la SOD1, qui joue aussi un rôle dans le dysfonctionnement des motoneurones. Par ailleurs, le lithium diminue le phénomène de vacuolisation cellulaire en rapport avec une diminution de la taille des mitochondries des cellules spinales, voire de leur disparition. De façon parallèle, le traitement a induit une augmentation du nombre des vacuoles autophagiques cellulaires, phénomène impliqué dans la neuroprotection. En culture, la proportion de neurones géphyrine positifs au sein des cellules de la moelle épinière de souris G93A mises en contact avec du lithium est majorée de 36 % en moyenne dans un délai de deux heures. Les auteurs ont ensuite ajouté du lithium dans le milieu de culture avant d'y adjoindre de la kaïnate – substance dotée d'un effet neurotoxique rapide – et ils ont constaté qu'un contact de 20 minutes avec le lithium était suffisant pour prévenir totalement l'apparition des lésions des motoneurones.
Forts de ces données préliminaires, le Dr Fornai a proposé dès le mois d'octobre 2005 la mise en place d'un essai préliminaire chez l'homme. Les 44 patients retenus ont reçu soit du lithium à la dose de 150 mg deux fois par jour, associé à du riluzole, alors que les témoins n'étaient traités que par ce dernier à la dose quotidienne de 50 mg. La lithémie était surveillée régulièrement.
Pas de décès lors d'un suivi de quinze mois.
A l'issue des quinze mois de suivi, aucun des patients traités par lithium n'était décédé contre 30 % de ceux du groupe témoin.
Pour les auteurs, «plus remarquable encore, la mesure objective de la progression de la maladie (estimée par la fonction pulmonaire) a confirmé le ralentissement très net de l'évolution de la maladie chez les sujets traités. L'analyse des scores de qualité de vie a donné des résultats similaires. Ces résultats doivent maintenant être confirmés sur des études à plus large échelle».
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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